“Excursion”, Una Gunjak signe un premier film passionnant et imparfait
Dans une salle de classe sans adultes, Imam répond au jeu d’action/vérité et déclare avoir déjà fait l’amour. Plus tard, elle dira qu’elle est tombée enceinte. Iman ment consciemment à des jeunes filles et garçons de son âge, qui la regardent avec admiration et suspicion. Son mensonge, comme une arme ou un don, lui permet de s’inventer une vie, d’en être l’unique commanditaire, d’avoir un certain pouvoir (de fiction), d’agir plutôt que de dire la vérité.
On voit bien quelles réflexions ont mené Una Gunjak, jeune cinéaste bosniaque repérée avec un court à la Semaine de la critique (The Chicken, 2014), à l’élaboration son premier long métrage en partie inspiré d’une affaire survenue en Bosnie-Herzégovine où un groupe de sept filles avaient déclaré être tombées enceintes en même temps. Une affaire qui n’est pas sans rappeler le 17 filles de Delphine et Muriel Coulin. Il y a chez Iman une évidente bravoure à se réapproprier ainsi un corps et une sexualité soumis aux jugements, aux règles et aux réprimandes d’un monde sexiste et misogyne. En les assumant, Iman vient ainsi court-circuiter un système patriarcal fait d’obligations, dans lequel rien n’appartient vraiment aux jeunes filles. Se faisant, l’ado vient assumer son plaisir d’être vue de tous·tes, et donc d’être désirée. Mais ce qu’elle pensait maîtriser ne dure que peu de temps avant que l’autorité (religieuse, parentale…) ne s’en mêle et que l’histoire d’Iman, qui est aussi un peu son trophée, ne lui soit confisquée.
Point de vue fragilisé
Excursion se trouve lui aussi paralysé par l’intervention de ces forces extérieures et a bien du mal à tirer pleinement profit de l’audace de son jeune personnage. Trop soucieux de rendre compte de la réalité d’un pays dominé par un conservatisme qui brime sa jeunesse, le film perd de sa force de transgression à mesure qu’il avance. L’apathie qui s’installe et dans laquelle il baigne donne à l’ensemble une atonalité un peu brumeuse, au mieux évanescente, au pire confuse, qui finit par ébrécher les enjeux en cours et par fragiliser le point de vue.
Excursion d’Una Gunjak avec Asja Zara Lagumdžija, Nađa Spaho – en salle le 12 juin