Quand le touriste anglais ne goûtait pas l'humour du postier creusois
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Longtemps en guerre, le Royaume-Uni et la République française ont fini par trouver l’apaisement avec le temps. Pourtant, la tension entre Britanniques et Français pouvait toujours se faire sentir dans les territoires comme le relate ce fait divers creusois en octobre 1884.
Il y a eu 120 ans, le 8 avril 1904, à Londres, les gouvernements du Royaume-Uni et de la République française signaient les accords dits de l’Entente cordiale, apportant une réponse commune aux différends coloniaux opposant les deux pays. Les premiers pas remontaient en 1843, lors des rencontres entre la reine Victoria et le roi Louis-Philippe, puis en 1855 avec l’empereur Napoléon III. L’heure de l’apaisement des relations entre les deux pays, souvent en guerre l’un contre l’autre depuis le XIIe siècle, avait sonné. Pourtant, cela n’allait pas toujours de soi en ce qui concerne leurs citoyens respectifs, si l’on considère le fait divers rapporté par Le Courrier de la Creuse, le 17 octobre 1884 et L’Abeille de la Creuse du 19 du même mois.
Le lundi 13 octobre, de la diligence de Clovis Boué, venant de Saint-Léonard-de-Noblat, en Haute-Vienne, descendait devant l’hôtel Chastenet à Bourganeuf un homme à la mise excentrique aux yeux des autochtones. Entré dans l’établissement, il demanda à déjeuner. Dans la cuisine se trouvait un certain Philippe Michelot, conducteur de la voiture du courrier de Guéret qui, entendant l’accent du voyageur qui avait sans doute du mal à se faire comprendre de ses interlocuteurs, lui lança, goguenard : « Vous êtes Anglais, vous, allez donc à la maison d’école, il y a des professeurs qui pourront vous causer ! ». L’homme, comprenant sans doute mieux le français qu’on ne le pensait, se sentit offensé et frappa de sa canne le visage du plaisantin, dont le nez se mit à saigner.
Un chien sauve un âne de la noyade en 1884 en Creuse
Arrangement à l’amiableL’incident provoqua un attroupement auquel les gendarmes se joignirent. A leur réquisition, l’Anglais présenta ses papiers. Il se nommait H. T. Hawkins, âgé de 23 ans, lieutenant de l’artillerie royale de Sa Gracieuse Majesté Victoria, reine d’Angleterre et d’Ecosse, impératrice des Indes, voyageant en France en vertu d’un congé de convalescence de six mois, délivré par le commandant Trailly. Dans ses bagages, les gendarmes trouvèrent la panoplie du parfait touriste : des plans, des cartes lithographiées de la Haute-Vienne, de la Seine-et-Oise, etc., un carnet de route contenant des impressions de voyage, un répertoire d’adresses, des lettres de famille.
Interrogé sur sa réaction particulièrement vive, H. T. Hawkins allégua pour sa défense que l’on s’expliquait ainsi dans son pays. Allions-nous vers une nouvelle guerre de Cent ans ? Michelot, la victime, renonçant à porter plainte pour coups et blessures, ne demanda qu’un dédommagement de 10 francs que lui alloua aussitôt l’Anglais à l’honneur trop sensible, en présence du procureur de la République. Le lendemain, H. T. Hawkins reprenait son voyage en direction d’Eymoutiers (Haute-Vienne) promettant de garder à l’avenir son flegme, en véritable gentleman.