Добавить новость
ru24.net
World News
Июнь
2024

Les mondes de Vladimir Nabokov

0

C’est le destin des grands écrivains morts depuis longtemps — et longtemps ignorés par l’université —, de devenir, à la sortie du purgatoire, l’objet d’innombrables mémoires de thèse et d’ouvrages écrits sous les prédicats d’une mode, puis d’une autre. Méprisés, souvent invisibles, les voilà, nolens volens, sous les projecteurs de la salle de dissection de l’amphithéâtre. Des colloques leur sont consacrés, des panels de doctes exégètes nous incitent à penser ce qu’il faut en penser. Ainsi, Proust ou encore Kafka furent absents des programmes de littérature du XX e siècle, Gary « ringardisé », absent du manuel Lagarde et Michard au profit d’Hervé Bazin. Tel fut aussi le sort de Primo Levi, méconnu par l’encyclopédie de la littérature italienne, avant son suicide, le 11 avril 1987. Un passionnant et foisonnant Cahier de L’Herne consacré à Vladimir Nabokov, devenu mondialement et tardivement célèbre, parait aujourd’hui. La reconnaissance tardive de l’auteur de Lolita Contraint à l’exil avec sa famille après la révolution d’Octobre, d’abord titulaire d’un passeport Nansen avant d’obtenir la citoyenneté américaine, Vladimir Nabokov séjourna en Allemagne, en France, aux États-Unis, et finalement à Genève. Jusqu’en 1936, il écrivit sous le nom de Vladimir Sirine et publia en russe, sa langue bien-aimée, la préservant au fond de son cœur et la sacrifiant finalement au bénéfice de l’anglais. Dans sa chronique Ada ou l’ardeur (1969), il tenta « l’impossible fusion entre Russie et Amérique », ainsi que l’écrivent Yannicke Chupin et Monica Manolescu dans leur avant-propos. Admiré aux États-Unis par un cercle restreint de lecteurs, et surtout par le critique Edmund Wilson (1895-1972), il connut soudain la célébrité lors de la parution de son roman Lolita, jugé scandaleux . Un chef-d’œuvre qui parut d’abord en France, en 1959, chez Olympia Press, la petite maison d’édition fondée par Maurice Girodias. Quant à Wilson, qui l’avait tant aidé, Nabokov se brouilla avec lui — mais rien n’est abordé à ce sujet dans le Cahier de L’Herne. En 1964, Nabokov avait publié une traduction en langue anglaise d’ Eugène Onéguine d’Alexandre Pouchkine, en quatre volumes. Wilson, qui n’avait jamais jusqu’ici critiqué Nabokov, écrivit pour la New York Review of Books une recension un peu ironique, qui provoqua leur brouille mortelle : « On connaît la virtuosité de M. Nabokov à jongler avec la langue anglaise [...]. On connaît aussi la perversité de ses ruses pour étonner le lecteur et le picoter. » De fait Vera, l’épouse de Vladimir, fut encore plus vexée que lui, car Wilson disait à son propos : « Vera prend toujours le parti de Volodya, et on la sent frémir d’hostilité si, en sa présence, on le contredit. » Nabokov répondit à Wilson, qui répliqua à son tour. 1959. LOLITA ! Lolita c’est l’histoire d’un professeur, Humbert Humbert, « triste satyre » âgé de quarante ans, follement amoureux d’une fillette de douze ans, qu’il finira par enlever et violer après avoir épousé sa mère. « La pauvre enfant dont les sens ne s’éveillent jamais sous les caresses de l’immonde Monsieur Humbert Humbert », une fois, lui demande : « Est-ce qu’on va tout le temps vivre comme ça en faisant toutes sortes de choses dégoûtantes dans des lits d’hôtels ? » Au cours d’un périple sordide de motels en relais de chasses sur les routes des États-Unis, la jeune fille lui faussera compagnie pour se donner à Quilty, le rival d’Humbert, qui ne valait pas mieux. Au terme de trois années d’enquêtes et d’errance, Humber Humbert ne retrouve pas la « nymphette », objet de sa passion érotique. C’est une jeune femme enceinte qu’il découvre dans un gourbi, vivant dans une grande précarité avec un brave garçon, sourd de son état, et père de l’enfant à naître. Lolita ne consent qu’un regard las à l’abominable Humbert Humber, et exige en quelque sorte réparation, soit quelques milliers de dollars. C’est peu payé pour une jeunesse détruite. Quant à Humbert Humbert, il raconte sa funeste odyssée depuis la cellule d’une prison, où il attend son procès, après avoir assassiné Quilty. Nabokov estimait avoir écrit un roman moral qui lui avait procuré, après l’avoir relu six fois, « une volupté esthétique ». Quoi qu’il en soit, la fortune et la célébrité mondiale que lui valut Lolita fit dire à son auteur, répondant à Bernard Pivot, qu’il s’agissait là « d’une popularité factice ». Comment ce livre serait-il accueilli aujourd’hui ? Le climat qui règne dans le monde de l’édition et celui des médias se rapproche insidieusement de celui de l’intolérance et du jugement sans procès. Quel serait aujourd’hui le sort des écrivains « immoraux » ? Baudelaire, Laclos, Sade, Apollinaire, Bataille, Aragon, Miller, Roth, Genet, Bukowski devraient attendre des jours meilleurs sur les rayons obscurs de la Bibliothèque nationale. Subir l’opprobre ? « Le Parti communiste, en URSS, guidait le stylo » des écrivains, écrivit Nabokov. Soljenitsyne affirmait que « l’atmosphère peut créer la terreur ». Nabokov, qui ignorait superbement aussi bien le monde de l’édition que celui de la presse, devait enseigner pour vivre. Avec Vera, son épouse, il louait un logement le temps de son engagement ; écrivait à partir de fiches bristol ses romans, construits comme des problèmes d’échecs, dans la plus austère discrétion, et consacrait ses congés, en tant que naturaliste, à la chasse et à l’étude des papillons dont il était un des spécialistes mondiaux. Il n’a jamais souhaité posséder une maison, un appartement, après la perte de la demeure où il avait grandi à Saint Pétersbourg, admirablement évoquée dans Autres Rivages. Une lecture « à sauts et à gambades » Certains textes de ce Cahier de L’Herne dédié à Nabokov désarçonnent quelque peu. On passe alors son chemin pour y revenir plus tard, ou pas du tout. Mais c’est un vrai bonheur de le feuilleter encore et encore à la recherche des papillons et de textes inédits de Nabokov, comme Chasser les insectes dans les parcs nationaux américains. Quelques dessins, des problèmes d’échecs, des jeux, des notes – embryons d’un roman –, prises au crayon sur les fiches bristol. Par exemple, une fiche de courbe de croissance d’une fillette de douze ans – pour Lolita , évidemment. On y trouve également de nombreuses contributions dues à des professeurs qui ne sont ni des pédants ni d’ennuyeux donneurs de leçons. Du reste, ces textes ne sont pas trop longs et pas sectaires — avec Nabokov, ce serait un comble, lui qui pourfendait de ses sarcasmes « les trois docteurs », « Docteur Freud, Docteur Castro, et le Docteur Jivago ». Cela dit, il estimait Boris Pasternak en tant que poète et affirmait que Docteur Jivago était un roman mal foutu. Oui, Nabokov était méchant et se plaisait à l’être. L'éditeur Bernard de Fallois publia en 1986, chez Julliard, Intransigeances, un recueil d’entretiens provocateurs et vachards — et follement drôles, précisément à cause de leurs excès. Mais parfois, la mansuétude de Nabokov nous étonne, notamment celle qu’il témoigne à l’égard d’Alain Robbe-Grillet, un écrivain vivant qui ne risquait en aucune manière de lui faire ombrage. Il tenait George Sand en piètre estime : « l’ennui sans bornes qui flotte sur son œuvre presque illisible aujourd’hui, ce désastre, dis-je, provient justement du parti pris ridicule que l’actualité existe. » C’est à l’admirable Adolphe de Benjamin Constant, à Bouvard et Pécuchet et à Madame Bovary de Flaubert, à À la Recherche du temps perdu de Proust et à l’ Ulysse de Joyce qu'il accorde son admiration dans un agenda daté de 1941. À la critique de Sartre, dogmatique, méchante, voire jalouse sur La Méprise , Nabokov répond avec son arrogance aristocratique par une volée de grêlons sur La Nausée, intitulée Une première tentative de Sartre : « Je crois savoir que le nom de Sartre est associé à une variété de philosophie de café à la mode, et, comme pour chaque soi-disant existentialiste (si je peux me permettre ce néologisme poli), cette traduction made in England du premier roman de Sartre, La Nausée (publiée à Paris en 1938), devrait connaître un certain succès [...]. Quand un auteur tente d’affubler de son invention philosophique gratuite et arbitraire un être sans défense qu’il a inventé à cette fin, il lui faut beaucoup de talent pour réussir un tel tour de force. Que Roquentin décide que le monde existe, soit. Mais faire exister un monde, en tant qu’œuvre d’art, a été une entreprise au-dessus des forces de Sartre. » Dans sa lettre à Jean Paulhan, Nabokov livre une leçon pleine d’humour sur la manière de prononcer le russe et de se familiariser avec sa grammaire à l’attention de ses étudiants. Il soulèvre les problèmes et paradoxes que pose la traduction de la poésie : faut-il privilégier le sens ou la prosodie ? À propos de la mémoire et de l’imagination, Nabokov écrit : « Je prétends que l’imagination est une forme de mémoire. […] Une image dépend du pouvoir d’association, et l’association est fournie et alimentée par la mémoire. Quand nous évoquons un souvenir personnel très vivace, nous rendons hommage non pas à notre faculté de rétention mais au mystérieux esprit de prévoyance de Mnémosyne qui a conservé tel ou tel élément dont l’imagination créatrice pouvait avoir besoin pour le mêler avec des souvenirs et des intentions d’une époque plus récente. À cet égard, la mémoire et l’imagination sont toutes les deux une négation du temps . » Les quelques pages du Journal de Vera Nabokov n’ont d’intérêt que documentaire. Elle avait le sens des réalités. Elle gérait les demandes d’interviews, discutait les propositions d’adaptation de Lolita . En 1961, Stanley Kubrick convainquit l’écrivain que son scénario était meilleur que le sien. Nabokov céda, accepta de voir son scénario refusé par le jeune cinéaste. Il avait été lui aussi contraint d’accepter des limites imposées par la censure. Lolita n’était plus une nymphette, mais une adolescente de 16 ans, et cela changeait tout. Quatre jours avant la première projection officielle du film à New York, il écrivit dans la préface à son scénario : « Quatre jours auparavant, lors d’une projection privée, j’avais découvert que Kubrick était un grand réalisateur, que sa Lolita était un film de premier ordre avec des acteurs magnifiques et seules de rares bribes de mon scénario avaient été utilisées. Les modifications, les déformations de mes meilleures petites trouvailles, l’omission de scènes entières, l’ajout de nouvelles et toutes sortes de changements ne suffirent pas à faire disparaître mon nom du générique mais ils parviennent cependant à rendre le film aussi peu fidèle au scénario original que peut l’être la traduction de Rimbaud et de Pasternak par un poète américain. » À la fin du Cahier, on peut voir six reproductions de jaquettes de romans de Nabokov. En ce qui concerne Lolita, celle américaine avec la photo de Sue Lyon (1969), et celle de Penguin (1995), dont la nymphette semble sortie d’un tableau de Balthus. Le présent Cahier de L’Herne n’aborde pas tous les romans de Nabokov, mais en évoque certains, dont l’admirable autobiographie, Autres rivages. Notons la parution de la merveilleuse correspondance entre Nabokov et Vera, Lettres à Vera, parue en 2019, et disponible au Livre de Poche. La biographie d’Andrew Field, Nabokov, toute une vie ou presque, publiée au Seuil en 1982, ne rencontra malheureusement qu’un maigre succès (il est difficile de s’en procurer un exemplaire aujourd’hui). On aurait aimé trouver, à la fin de l’ouvrage, une grande bibliographie.

C’est le destin des grands écrivains morts depuis longtemps — et longtemps ignorés par l’université —, de devenir, à la sortie du purgatoire, l’objet d’innombrables mémoires de thèse et d’ouvrages écrits sous les prédicats d’une mode, puis d’une autre. Méprisés, souvent invisibles, les voilà, nolens volens, sous les projecteurs de la salle de dissection de l’amphithéâtre. Des colloques leur sont consacrés, des panels de doctes exégètes nous incitent à penser ce qu’il faut en penser.

Ainsi, Proust ou encore Kafka furent absents des programmes de littérature du XXe siècle, Gary « ringardisé », absent du manuel Lagarde et Michard au profit d’Hervé Bazin. Tel fut aussi le sort de Primo Levi, méconnu par l’encyclopédie de la littérature italienne, avant son suicide, le 11 avril 1987.

Un passionnant et foisonnant Cahier de L’Herne consacré à Vladimir Nabokov, devenu mondialement et tardivement célèbre, parait aujourd’hui.

La reconnaissance tardive de l’auteur de Lolita

Contraint à l’exil avec sa famille après la révolution d’Octobre, d’abord titulaire d’un passeport Nansen avant d’obtenir la citoyenneté américaine, Vladimir Nabokov séjourna en Allemagne, en France, aux États-Unis, et finalement à Genève. Jusqu’en 1936, il écrivit sous le nom de Vladimir Sirine et publia en russe, sa langue bien-aimée, la préservant au fond de son cœur et la sacrifiant finalement au bénéfice de l’anglais. Dans sa chronique Ada ou l’ardeur (1969), il tenta « l’impossible fusion entre Russie et Amérique », ainsi que l’écrivent Yannicke Chupin et Monica Manolescu dans leur avant-propos.

Admiré aux États-Unis par un cercle restreint de lecteurs, et surtout par le critique Edmund Wilson (1895-1972), il connut soudain la célébrité lors de la parution de son roman Lolita, jugé scandaleux. Un chef-d’œuvre qui parut d’abord en France, en 1959, chez Olympia Press, la petite maison d’édition fondée par Maurice Girodias.

Quant à Wilson, qui l’avait tant aidé, Nabokov se brouilla avec lui — mais rien n’est abordé à ce sujet dans le Cahier de L’Herne. En 1964, Nabokov avait publié une traduction en langue anglaise d’Eugène Onéguine d’Alexandre Pouchkine, en quatre volumes. Wilson, qui n’avait jamais jusqu’ici critiqué Nabokov, écrivit pour la New York Review of Books une recension un peu ironique, qui provoqua leur brouille mortelle : « On connaît la virtuosité de M. Nabokov à jongler avec la langue anglaise [...]. On connaît aussi la perversité de ses ruses pour étonner le lecteur et le picoter. » De fait Vera, l’épouse de Vladimir, fut encore plus vexée que lui, car Wilson disait à son propos : « Vera prend toujours le parti de Volodya, et on la sent frémir d’hostilité si, en sa présence, on le contredit. » Nabokov répondit à Wilson, qui répliqua à son tour.

1959. LOLITA !

Lolita c’est l’histoire d’un professeur, Humbert Humbert, « triste satyre » âgé de quarante ans, follement amoureux d’une fillette de douze ans, qu’il finira par enlever et violer après avoir épousé sa mère. « La pauvre enfant dont les sens ne s’éveillent jamais sous les caresses de l’immonde Monsieur Humbert Humbert », une fois, lui demande : « Est-ce qu’on va tout le temps vivre comme ça en faisant toutes sortes de choses dégoûtantes dans des lits d’hôtels ? »

Au cours d’un périple sordide de motels en relais de chasses sur les routes des États-Unis, la jeune fille lui faussera compagnie pour se donner à Quilty, le rival d’Humbert, qui ne valait pas mieux. Au terme de trois années d’enquêtes et d’errance, Humber Humbert ne retrouve pas la « nymphette », objet de sa passion érotique. C’est une jeune femme enceinte qu’il découvre dans un gourbi, vivant dans une grande précarité avec un brave garçon, sourd de son état, et père de l’enfant à naître. Lolita ne consent qu’un regard las à l’abominable Humbert Humber, et exige en quelque sorte réparation, soit quelques milliers de dollars. C’est peu payé pour une jeunesse détruite. Quant à Humbert Humbert, il raconte sa funeste odyssée depuis la cellule d’une prison, où il attend son procès, après avoir assassiné Quilty. Nabokov estimait avoir écrit un roman moral qui lui avait procuré, après l’avoir relu six fois, « une volupté esthétique ». Quoi qu’il en soit, la fortune et la célébrité mondiale que lui valut Lolita fit dire à son auteur, répondant à Bernard Pivot, qu’il s’agissait là « d’une popularité factice ».

Comment ce livre serait-il accueilli aujourd’hui ? Le climat qui règne dans le monde de l’édition et celui des médias se rapproche insidieusement de celui de l’intolérance et du jugement sans procès. Quel serait aujourd’hui le sort des écrivains « immoraux » ? Baudelaire, Laclos, Sade, Apollinaire, Bataille, Aragon, Miller, Roth, Genet, Bukowski devraient attendre des jours meilleurs sur les rayons obscurs de la Bibliothèque nationale. Subir l’opprobre ? « Le Parti communiste, en URSS, guidait le stylo » des écrivains, écrivit Nabokov. Soljenitsyne affirmait que « l’atmosphère peut créer la terreur ».

Nabokov, qui ignorait superbement aussi bien le monde de l’édition que celui de la presse, devait enseigner pour vivre. Avec Vera, son épouse, il louait un logement le temps de son engagement ; écrivait à partir de fiches bristol ses romans, construits comme des problèmes d’échecs, dans la plus austère discrétion, et consacrait ses congés, en tant que naturaliste, à la chasse et à l’étude des papillons dont il était un des spécialistes mondiaux. Il n’a jamais souhaité posséder une maison, un appartement, après la perte de la demeure où il avait grandi à Saint Pétersbourg, admirablement évoquée dans Autres Rivages.

Une lecture « à sauts et à gambades »

Certains textes de ce Cahier de L’Herne dédié à Nabokov désarçonnent quelque peu. On passe alors son chemin pour y revenir plus tard, ou pas du tout. Mais c’est un vrai bonheur de le feuilleter encore et encore à la recherche des papillons et de textes inédits de Nabokov, comme Chasser les insectes dans les parcs nationaux américains. Quelques dessins, des problèmes d’échecs, des jeux, des notes – embryons d’un roman –, prises au crayon sur les fiches bristol. Par exemple, une fiche de courbe de croissance d’une fillette de douze ans – pour Lolita, évidemment.

On y trouve également de nombreuses contributions dues à des professeurs qui ne sont ni des pédants ni d’ennuyeux donneurs de leçons. Du reste, ces textes ne sont pas trop longs et pas sectaires — avec Nabokov, ce serait un comble, lui qui pourfendait de ses sarcasmes « les trois docteurs », « Docteur Freud, Docteur Castro, et le Docteur Jivago ». Cela dit, il estimait Boris Pasternak en tant que poète et affirmait que Docteur Jivago était un roman mal foutu. Oui, Nabokov était méchant et se plaisait à l’être. L'éditeur Bernard de Fallois publia en 1986, chez Julliard, Intransigeances, un recueil d’entretiens provocateurs et vachards — et follement drôles, précisément à cause de leurs excès.

Mais parfois, la mansuétude de Nabokov nous étonne, notamment celle qu’il témoigne à l’égard d’Alain Robbe-Grillet, un écrivain vivant qui ne risquait en aucune manière de lui faire ombrage. Il tenait George Sand en piètre estime : « l’ennui sans bornes qui flotte sur son œuvre presque illisible aujourd’hui, ce désastre, dis-je, provient justement du parti pris ridicule que l’actualité existe. » C’est à l’admirable Adolphe de Benjamin Constant, à Bouvard et Pécuchet et à Madame Bovary de Flaubert, à À la Recherche du temps perdu de Proust et à l’Ulysse de Joyce qu'il accorde son admiration dans un agenda daté de 1941.

À la critique de Sartre, dogmatique, méchante, voire jalouse sur La Méprise, Nabokov répond avec son arrogance aristocratique par une volée de grêlons sur La Nausée, intitulée Une première tentative de Sartre : « Je crois savoir que le nom de Sartre est associé à une variété de philosophie de café à la mode, et, comme pour chaque soi-disant existentialiste (si je peux me permettre ce néologisme poli), cette traduction made in England du premier roman de Sartre, La Nausée (publiée à Paris en 1938), devrait connaître un certain succès [...]. Quand un auteur tente d’affubler de son invention philosophique gratuite et arbitraire un être sans défense qu’il a inventé à cette fin, il lui faut beaucoup de talent pour réussir un tel tour de force. Que Roquentin décide que le monde existe, soit. Mais faire exister un monde, en tant qu’œuvre d’art, a été une entreprise au-dessus des forces de Sartre. »

Dans sa lettre à Jean Paulhan, Nabokov livre une leçon pleine d’humour sur la manière de prononcer le russe et de se familiariser avec sa grammaire à l’attention de ses étudiants. Il soulèvre les problèmes et paradoxes que pose la traduction de la poésie : faut-il privilégier le sens ou la prosodie ?

À propos de la mémoire et de l’imagination, Nabokov écrit : « Je prétends que l’imagination est une forme de mémoire. […] Une image dépend du pouvoir d’association, et l’association est fournie et alimentée par la mémoire. Quand nous évoquons un souvenir personnel très vivace, nous rendons hommage non pas à notre faculté de rétention mais au mystérieux esprit de prévoyance de Mnémosyne qui a conservé tel ou tel élément dont l’imagination créatrice pouvait avoir besoin pour le mêler avec des souvenirs et des intentions d’une époque plus récente. À cet égard, la mémoire et l’imagination sont toutes les deux une négation du temps. »

Les quelques pages du Journal de Vera Nabokov n’ont d’intérêt que documentaire. Elle avait le sens des réalités. Elle gérait les demandes d’interviews, discutait les propositions d’adaptation de Lolita. En 1961, Stanley Kubrick convainquit l’écrivain que son scénario était meilleur que le sien. Nabokov céda, accepta de voir son scénario refusé par le jeune cinéaste. Il avait été lui aussi contraint d’accepter des limites imposées par la censure. Lolita n’était plus une nymphette, mais une adolescente de 16 ans, et cela changeait tout.

Quatre jours avant la première projection officielle du film à New York, il écrivit dans la préface à son scénario : « Quatre jours auparavant, lors d’une projection privée, j’avais découvert que Kubrick était un grand réalisateur, que sa Lolita était un film de premier ordre avec des acteurs magnifiques et seules de rares bribes de mon scénario avaient été utilisées. Les modifications, les déformations de mes meilleures petites trouvailles, l’omission de scènes entières, l’ajout de nouvelles et toutes sortes de changements ne suffirent pas à faire disparaître mon nom du générique mais ils parviennent cependant à rendre le film aussi peu fidèle au scénario original que peut l’être la traduction de Rimbaud et de Pasternak par un poète américain. »

À la fin du Cahier, on peut voir six reproductions de jaquettes de romans de Nabokov. En ce qui concerne Lolita, celle américaine avec la photo de Sue Lyon (1969), et celle de Penguin (1995), dont la nymphette semble sortie d’un tableau de Balthus. Le présent Cahier de L’Herne n’aborde pas tous les romans de Nabokov, mais en évoque certains, dont l’admirable autobiographie, Autres rivages. Notons la parution de la merveilleuse correspondance entre Nabokov et Vera, Lettres à Vera, parue en 2019, et disponible au Livre de Poche. La biographie d’Andrew Field, Nabokov, toute une vie ou presque, publiée au Seuil en 1982, ne rencontra malheureusement qu’un maigre succès (il est difficile de s’en procurer un exemplaire aujourd’hui). On aurait aimé trouver, à la fin de l’ouvrage, une grande bibliographie.




Moscow.media
Частные объявления сегодня





Rss.plus



Tele2 модернизировала сеть на транспортных узлах по всей России

КАК АНТАГОНИСТ МОЖЕТ ИЗМЕНИТЬ МИР ИЛИ ИСТОРИЯ ОДНОГО МОСКОВСКОГО РЭПЕРА.

Дипломатический факультет Евразийского международного университета проводит дополнительный набор абитуриентов!

Менеджер модельных Показов для Платного участия в Дизайнерских Показах.


Почему в Тулу и Нижний Новгород нужно приезжать с ночёвкой?

Начальник сервисного локомотивного депо «Иваново» филиала «Северный» ООО «ЛокоТех-Сервис» Сергей Черемохин принял участие во вручении дипломов студентам Ивановского железнодорожного колледжа

Ученица из Реутова приняла участие в сборе мемориальных отрядов «Пост № 1»

Помощь в организации Презентации книги для Писателей и Поэтов в Книжных магазинах и других площадках


BBC-R: Innovation and Quality in Bearing Manufacturing

Leeloo Dolls UK: The Epitome of Realism and Diversity

An iconic Michael Jordan photo will be on Tyler Reddick's car as he races through Chicago

Leeloo Dolls: Your Premier Destination for Realistic Sex Dolls


Беспроводной сканер штрих-кодов SAOTRON P05i промышленного класса

Портативный ТСД корпоративного класса Saotron RT-T70

Приморье - мыс Сосновый

Ученые создали мышь с иммунитетом человека


Dead Space x Battlefield 2042 crossover event looks fun, even if it isn't quite what Dead Space fans have been hoping for

Macrumors: «В iPhone 17 Slim будет 8 ГБ ОЗУ, а стоить он будет больше Pro Max»

The internet is not a free-for-all—we shouldn't let big tech companies wish copyright out of existence

Original Fallout lead Tim Cain says the team planned for there to be 1000 Vaults, but he thinks there are actually far fewer in the setting



Мытищинский форсаж: часть вторая

СОТРУДНИКИ РОСГВАРДИИ ПО ГОРЯЧИМ СЛЕДАМ ЗАДЕРЖАЛИ ЖИТЕЛЯ САРАТОВСКОЙ ОБЛАСТИ, ПОДОЗРЕВАЕМОГО В КРАЖЕ

Менеджер модельных Показов для Платного участия в Дизайнерских Показах.

Москва на такое не подписывается // Чем завершился сбор автографов в поддержку кандидатов в депутаты Мосгордумы




Сборы «Сто лет тому вперёд» достигли 1,5 млрд рублей в прокате

Синоптик призвал перестать удивляться жаркой погоде в Москве

Источник 360.ru: в Москве произошел пожар в здании на улице Декабристов

В Москве массовое ДТП парализовало движение на Садовом кольце


С юбилеем супружеской жизни поздравили участников «Московского долголетия»

Три человека задержаны по подозрению в изнасиловании сотрудницы «Матч ТВ»

Семейный спортивный праздник прошел в парке «Киово» в Лобне

Почему Толстого отлучили от Церкви?


Теннисист Медведев вышел в четвертый круг Уимблдона

Помощник Медведева заявил, что «дух Навального жив» и продолжает публиковать фейки о связи с «Мираторгом»

Теннисистки из Тольятти закончили выступление на турнире в Уимблдоне

Уроженка Москвы выбила с Уимблдона первую ракетку мира


Павильон «Наша культура» на выставке «Россия» посетили свыше 800 тысяч человек

В 2024 году на свет появятся 1,21 млн новорожденных

На «Иннопроме» показали макет головного вагона высокоскоростного поезда в натуральную величину

Пензенские полицейские задержали курьера с 5 кг наркотиков


Музыкальные новости

В Перми откроется кофейня репера Тимати, которая замещает в России Starbucks

На фестивале «Ангара – Джаз» выступят Игорь Бутман, Леонид Агутин и австралийская певица Фантине - Иркутская область. Официальный портал

В Перми откроется кофейня Тимати Stars Coffee

Брэд Питт за рулем болида под трек We Will Rock You от Queen в первом трейлере фильма «Ф-1»



Дипломатический факультет Евразийского международного университета проводит дополнительный набор абитуриентов!

Мытищинский форсаж: часть вторая

СОТРУДНИКИ РОСГВАРДИИ ПО ГОРЯЧИМ СЛЕДАМ ЗАДЕРЖАЛИ ЖИТЕЛЯ САРАТОВСКОЙ ОБЛАСТИ, ПОДОЗРЕВАЕМОГО В КРАЖЕ

Москва на такое не подписывается // Чем завершился сбор автографов в поддержку кандидатов в депутаты Мосгордумы


Сергей Собянин. Главное за день

Губерниев обратился к Загитовой: надо прибавлять и держать удар

Начальник сервисного локомотивного депо «Иваново» филиала «Северный» ООО «ЛокоТех-Сервис» Сергей Черемохин принял участие во вручении дипломов студентам Ивановского железнодорожного колледжа

Журналист Боуз: США и ЕС не хватает такого рационального лидера, как Путин


С шутками на БАМ: группа "Чайф" оценила логотип РЖД в небе

Автомобили OMODA и JAECOO стали доступны на «Мегамаркете»

Водитель врезался в столб и разбился насмерть на севере Москвы

Девушка сломала шлагбаум, чтобы ее парень мог проехать на машине


«Динамичное и позитивное движение»: какие темы обсудят Путин и Моди на переговорах в Москве

С нетерпением ждет встречи: премьер Индии отправился в Москву на переговоры с Путиным

СМИ: Моди обсудит с Путиным в Москве быстрые переводы в отсутствии SWIFT

Путин встретится с премьер-министром Индии Моди 8 и 9 июля





Главный врач клиники "Мегастом", стоматолог Владимир Лосев: главные ошибки в уходе за зубами

МНПЗ расширяет инфраструктуру здравоохранения для сотрудников

Сергей Собянин: Создаем все условия для медиков

Анастасия Ракова поздравила золотых юбиляров супружеской жизни среди участников «Московского долголетия»


Зеленский посетит Польшу для обсуждения членства в НАТО


Охрану общественного порядка и безопасность на футбольном матче в Москве обеспечила Росгвардия

Бастрыкин потребовал доклад об изнасиловании сотрудницы «Матч ТВ» в Москве

В Москве мигранты изнасиловали сотрудницу «Матч ТВ» у телецентра «Останкино»

Мытищинский форсаж: часть вторая




Сергей Собянин назвал ключевые меры поддержки семей в Москве

Сергей Собянин. Главное за день

Собянин: Детский Черкизовский парк стал отличным местом для спорта и отдыха

Собянин: город предлагает различные меры поддержки московским семьям


Волны жары будут накрывать Россию втрое чаще

Клумба Забайкальского края завоевала гран-при на фестивале «Будущее в цветах» в Москве

Сотрудники Росгвардии оказали помощь мужчине, который упал в Москву-реку

Биолог Мейнцер: из-за жары в Москве могут появиться медузы


Велосипедист сбил ребенка на тротуаре в Балашихе

Медведева ответила, хочет ли стать тренером по фигурному катанию

Павильон «Наша культура» на выставке «Россия» посетили свыше 800 тысяч человек

Как отразится на рынке труда новый режим высылки мигрантов


Собянин: Утвержден проект участка метро от «Липовой рощи» до «Ильинской»

Зачем россияне вживляют чипы себе под кожу

В Архангельской области появились станции зарядки электротранспорта

Сергей Собянин утвердил проект нового участка Рублево-Архангельской линии метро


Выставка-настроение «Семья, согретая любовью, всегда надежна и крепка»

В День семьи, любви и верности телевизионная мачта в Оренбурге озарится праздничными огнями

Краеведческая арт-выставка «Живописец, прославивший Крым - Карло Боссоли»

В Крыму 12-летняя родственница чиновника на электросамокате сбила коляску с ребенком, но ей ничего не будет


Павильон «Наша культура» на выставке «Россия» посетили свыше 800 тысяч человек

Медведева ответила, хочет ли стать тренером по фигурному катанию

На «Иннопроме» показали макет головного вагона высокоскоростного поезда в натуральную величину

Ефимов: новые жилые и деловые кварталы появятся на северо-востоке Москвы












Спорт в России и мире

Новости спорта


Новости тенниса
Энди Маррей

Энди Маррей заявил о желании стать тренером






Велосипедист сбил ребенка на тротуаре в Балашихе

Пензенские полицейские задержали курьера с 5 кг наркотиков

На «Иннопроме» показали макет головного вагона высокоскоростного поезда в натуральную величину

Певица Вика Цыганова заявила, что получает чуть больше 10 тыс. рублей пенсии