"Si on ne fait rien, vous n'êtes plus là à la fin de l'année" : chez les Benoit-Collange, deux générations face à la greffe
Dans la famille Benoit-Collange, deux générations sont confrontées à la greffe : Jean-Marc, le grand-père, témoignera ce vendredi 21 juin à l’hôpital de Montluçon (Allier), en prévision de la journée nationale de réflexion sur le don d’organes et à la greffe.
"Soit on fait une demande de greffe, soit vous n’êtes plus là à la fin d’année." Ces mots du médecin, Jean-Marc Benoit s’en souvient encore. Dans son pavillon montluçonnais, entouré de sa famille, cet ancien propriétaire d'un salon de coiffure de 73 ans se remémore, comment, il y a dix ans, il a frôlé la mort.
Quand son état s’est dégradé, Jean-Marc Benoit ne s’est pas inquiété. Alors jeune retraité, sa santé ne lui avait jamais fait faux bond. Il consulte et le diagnostic tombe comme un couperet : une cirrhose. Hospitalisé en urgence, on lui annonce qu’il n’y a "aucune solution médicamenteuse". Sa seule chance, c’est une greffe du foie en urgence.
Il y a 54 ans, José Forès, un habitant de Montluçon (Allier), était le sixième greffé du cœur en France
"J’étais septième sur la liste d’attente nationale", explique ce discret retraité. Une semaine plus tard, un greffon est disponible. "Le personnel m’a dit qu’il n’avait jamais vu une femme aussi contente de voir son mari partir au bloc", se souvient son épouse, Martine, les yeux pétillants d’émotion.
Son histoire, Jean-Marc Benoit la partagera avec d’autres greffés, ce vendredi, au centre hospitalier de Montluçon-Néris les Bains. Une sensibilisation, en prévision de la journée nationale de réflexion sur le don d’organe et la greffe, qui se tient le 22 juin.
Près de 22.000 personnes sur la liste d’attente de greffeLe processus de greffe n’est pas facile. Dans 90 % des cas, les dons de tissus et d’organes interviennent lors de décès. Pour que ce soit possible, il faut que le défunt soit en état de mort encéphalique (*).
Mort qui ne représente qu’ "1 % de tous les décès hospitaliers", souligne Céline Planche Bethoule, infirmière coordinatrice des dons et prélèvement d’organes et de tissus au centre hospitalier. Ensuite, chaque organe est évalué pour déterminer s’il est possible ou non de le prélever et s’il est compatible avec un patient. Un process complexe.
Début janvier, 21.866 personnes étaient sur liste d’attente pour une greffe, dont 11.422 immédiatement éligibles. L’année dernière, pourtant, seuls 5.634 patients en ont bénéficié. Un taux encore insuffisant quand on sait que deux à trois personnes meurent par jour, faute de cette opération. Une question de vie ou de mort, mais pas que. Pour certains malades, elle représente la possibilité d’améliorer le quotidien.
Maxime Collange est le petit-fils de Jean-Marc Benoit. Par un malheureux hasard, lui aussi, est dans l’attente d’une greffe. De prime abord, "Max" va bien. Pourtant, depuis six ans, le jeune de 27 ans souffre d’une déformation de la cornée. Un "cadeau" possiblement hérité de son arrière-grand-mère. "Je vois très mal de loin, et après trois heures d’ordinateur, je pleure", résume ce manager en restauration qui passe beaucoup de temps sur les écrans. "Max" est actuellement sur la liste d’attente pour un don de la cornée. La marche à suivre, il la connaît.
Maxime Collange, le petit fils de Jean-Marc.
"En parler du vivant"Si dans la famille Collange-Benoit, on en parle, le sujet du don d’organe reste assez méconnu. Pour rappel, ce dernier est anonyme, gratuit et part d’un "consentement présumé".
En 2023, le taux de refus était tout de même de 36,1 %. "Le 'non' se respecte", assure Fernand Brun, président de l’Association des greffés de l’Allier. "Mais c’est important d’en discuter de son vivant." Important, aussi pour préserver ses proches. Les morts encéphaliques sont des "morts violentes qui ne sont pas attendues. À ce moment-là se pose, en plus, cette autre contrainte, celle de savoir ce qu’aurait voulu la personne", rappelle Céline Planche Bethoule, infirmière hospitalière.
"Le corps est préservé comme lors d’une opération"Pour les familles des défunts, "il y a la peur qu’on les 'charcute'. Souvent, les gens ne savent pas comment ça se passe", poursuit la soignante. Le rôle des associations, c’est de rassurer et de renseigner.
"Le corps est préservé comme une opération de son vivant",
Aujourd’hui, Jean-Marc Benoit se porte bien. "Des médicaments, une prise de sang tous les six mois", quelques interdictions alimentaires, une vigilance vis-à-vis des microbes et les petits aléas de la vieillesse, mais sinon le foie du Montluçonnais "marche".
Chez les Benoit-Collange, on ne se plaint pas. Et ce, peu importe la génération. La greffe?? "C’est la vie", acquiesce Jean-Marc. Un peu timoré, il ne s’épanche pas plus sur cette période, mais sort avec fierté sa carte de donneur si on la lui demande.
La carte d'adhérent de Jean-Marc Benoit à l'Association des greffés de l'Allier. Par le biais des hôpitaux, les greffés, s’ils le désirent, peuvent écrire anonymement à la famille de leur donneur. Il y a quelques années, le retraité a fait la démarche. Pourquoi?? "Pour les remercier de ce don de vie."
(*) Destruction du cerveau irréversible (AVC, traumatisme crânien etc.)
Pratique. Journée de sensibilisation sur la greffe, vendredi 21 juin de 9 à 16 heures, dans le hall, entrée nord, du centre hospitalier de Montluçon-Néris les Bains.
Texte: Camille Gagne Chabrol
Image : Florian Salesse