Pour le CRIF, la position de Serge Klarsfeld "n’est pas un appel à voter pour le RN"

« Si j’ai été déportée, c’est bien parce que l’extrême droite était au pouvoir […] Le RN, ce n’est pas un parti comme les autres, c’est pour cela que c’est dangereux ». Ginette Kolinka, 99 ans, rescapée d’Auschwitz où Arno Klarsfeld, père de Serge, a été assassiné, ne cachait pas, mercredi, dans les médias, son incompréhension. Non sans insister, en substance, sur l’immense importance du travail réalisé par l’ex-chasseur de nazi, et « qu’il ne faut pas l’oublier ».À l’origine de cette déclaration, les propos tenus, il y a une semaine, par Serge Klarsfeld quant au bulletin qu’il glissera dans l’urne en cas de duel entre des candidats du Nouveau Front Populaire et RN. « Je voterai pour le Rassemblement national parce que l’axe de ma vie, c’est la défense de la mémoire juive […] Parce que la gauche est sous l’emprise de la France insoumise avec des relents antisémites et un violent antisionisme » affirme le président de l’association des Fils et filles de déportés juifs de France. Sûr également, que « le RN a fait sa mue » […] que c’est un parti qui soutient les juifs […] et Israël ».

Pour l’octogénaire qui, enfant a échappé de peu à la Gestapo, la page est résolument tournée des condamnables saillies lepénistes du père fondateur du Front national. « Durafour-crématoire » est oubliée. L’amitié entre la famille Le Pen et le Waffen-SS Franz Schönhuber, aussi. Passé sous silence, « Le gaz a rendu justice aux victimes de la Shoah » tweeté, en 2018, par un candidat RN aux prochaines législatives dans le Morbihan, tout juste suspendu.Si elle interpelle de nombreux Français, elle ne laisse pas non plus indifférente la presse allemande. Dimanche, Der Spiegel, soulignait « l’intention » « de l’historien Serge Klarsfeld de voter pour les populistes de droite en cas de second tour en France. »« Le plus important est de comprendre que Serge Klarsfeld ne demande pas à voter pour le RN » précise Richard Prasquier président d’honneur du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France). « Il indique qu’il va voter pour un parti au centre. La question se pose pour le deuxième tour, en cas de face à face entre un candidat du RN et du Front Populaire. Là, le choix de Serge Klarsfeld se porterait sur le RN. De ce point de vue, je n’ai pas la moindre critique à formuler vis-à-vis de lui mais je ne voudrais pas que sa prise de position soit entendue comme une demande à voter pour le RN ».

« Si, personnellement, poursuit l’ancien président du CRIF, ce choix, j’avais à le faire, je ferais attention aux antécédents personnels des deux candidats […] et à leur position quant à l’antisémitisme. Je ne peux que constater que le parti qui a manifestement montré un visage antisémite ces derniers mois, c’est véritablement La France insoumise. Si j’ai à me prononcer pour un candidat de la gauche républicaine avec un passé irréprochable, comme celui de François Hollande, dans la défense des valeurs qui nous sont chères, je ferai ce choix sans hésiter. Non sans me demander pourquoi, ils ont accepté ce marché de dupes avec LFI […] Penser que je pourrais voter pour un parti fondé par Jean-Marie Le Pen, cela me tourne les tripes mais sa fille, Marine, a eu un comportement impeccable et, a priori, on ne peut pas tenir les enfants comme responsables des méfaits de leurs parents. Donc je lui laisse le bénéfice du doute tout en gardant une certaine prudence. En gardant à l’esprit que pour le RN, le vote juif est une manière de se normaliser ». 

Sophie Leclanché

L’Union des juifs de France pour la paix, estime, comme l’Association des amis de Maurice Rafjus (du nom de l’écrivain, journaliste disparu en 2020) que les Klarsfeld, « aveuglément fidèles à l’État d’Israël », admettent que le RN « fait désormais partie du bouclier qui protège du “péril musulman” ». « L’épisode de la “marche contre l’antisémitisme “, à Paris, le 13 novembre 2023, où » le RN « était venu affirmer sa place de “meilleur défenseur des Juifs et d’Israël” » a « fini de convaincre les Klarsfeld de la solidité du “ciment” de cette improbable alliance […] ». Ces associations déplorent que « la digue ait définitivement sauté » et que « les Klarsfeld envisagent […] la possibilité du vote » RN, « pour contrer un éventuel adversaire, forcément taxé d’antisémite (parce que critique d’Israël) ».