Les marionnettes de la Compagnie Les Involtes tournent les pages de l'imaginaire
Tout commence là, dans cette ancienne ferme de Chaussac-Bas, à Chirac-Bellevue. La maison en travaux, pour longtemps semble-t-il. Le hangar à tracteurs transformé en habitation, petite mais entièrement refaite à la main de ses propriétaires, Mathilde Defromont et Matthieu Bassahon. La grange enfin, que les deux artistes ont transformée en atelier ; du sol au plafond, des machines-outils, des pièces de bois, de mousse ou de tissu.
Et sur l’établi, Peter et Piou, les deux héros du nouveau spectacle, Le PP Project, que la Compagnie de marionnettes Les Involtes, montée il y a eu 10 ans l’an dernier, vient de créer.
L’imaginaire, la liberté, la réflexion, un certain regard sur le monde, Les Involtes en ont fait leur marque de fabrique. Les marionnettes aussi. Elle, diplômée au lycée Queuille de Neuvic d’un BTS gestion et protection de la nature avant de multiplier les expériences, notamment comme costumière, le désir du théâtre chevillé au corps ; lui, longtemps technicien lumières et régie générale, introduit dans « beaucoup de disciplines du spectacle vivant ».
Un coup de foudre pour les Anges au plafondLeur découverte de la Cie Les Anges au Plafond, son spectacle Les mains de Camille, les décident. « On est tombé amoureux de ce spectacle et ce qui y est déployé, la musique, la manipulation, la danse, le théâtre d’ombres. C’était exactement ça qu’on avait envie de faire », se souvient Mathilde, les yeux pétillant de plaisir. « C’est le terrain où l’on a trouvé notre liberté, d’imaginaire et d’esthétique ; un vrai terrain d’aventures ! », poursuit Matthieu.Mathilde Defromont et Piou, l'oisillon qui vient contrarier (ou embellir) le quotidien de Peter.
Leur première création, une conférence gesticulée, date de 2013. Avec leur sixième, Le PP Project, ils poursuivent leur exploration du monde des marionnettes. Fabriquant tout, décors et personnages, cherchant les mécanismes et les techniques qui serviront leurs manipulations et leur ouvriront des récits nouveaux.
Le spectacle de marionnettes, c’est le terrain où l’on a trouvé notre liberté, d’imaginaire et d’esthétique ; un vrai terrain d’aventures !
Écrivant les histoires, portées toujours par une musique live. « À chaque fois, on met la technique au service de ce qu’on a envie de raconter, précise Matthieu. On se forme à plein de techniques, on multiplie les outils pour exprimer ce que l’on veut. Cela permet une multitude de possibles. »
Se réapproprier le bunraku japonaisPour Le PP Project, ils se sont réapproprié la technique japonaise du bunraku (trois personnes manipulent une marionnette, N.D.L.R.), l’adaptant pour eux deux et le musicien bruiteur Gabriel Papp. « C’est notre premier projet prévu pour la rue, avance Matthieu. Quand on joue dans un castelet, avec des lumières, on maîtrise ce que les gens voient et ils oublient que le personnage n’existe pas en vrai. Dans la rue, on n’a pas ce confort. »
« On a donc cherché comment tout dépouiller au maximum et créer malgré tout la magie, reprend Matthieu. Comme si on montrait le film, le tournage et le making-of. On s’amuse à casser le quatrième mur, le public se retrouve dedans et dehors et le castelet devient l’espace public. »
Un défi technique et artistiqueUn défi technique qui se double d’un second, artistique : « Pour la première fois, quatre amis nous ont apporté leurs regards extérieurs au fil du montage, sachant que c’est notre première création sans texte », sourit Mathilde. « L’idée, c’est de jouer pour absolument tout le monde. On rend les gens acteurs du spectacle. »
On a donc cherché comment tout dépouiller au maximum et créer malgré tout la magie. Comme si on montrait le film, le tournage et le making-of.
Un an et demi de travail dans leur atelier de Chaussac-Bas ou en résidence à travers la France, beaucoup d’ateliers de pratique artistique, cinq personnes salariées en continu.Matthieu a créé des personnages les plus épurés possibles pour laisser toute la place à l'imagination des spectateurs.
« Pour nous, l’identité d’artisan a du sens. On est content d’avoir cette reconnaissance des institutions (Centre national de la marionnette et DRAC en tête), mais on est surtout content qu’il y ait une reconnaissance de notre manière de faire. Peut-être que Les Involtes montrent qu’il y a un moyen d’exister dans le paysage, mais différemment. »
(*) Contact : www.lesinvoltes.fr.
Dans ce dialogue à distance avec le public, « on essaie de relancer leur machine de l’imaginaire », espèrent les deux artistes. Leur manière de lutter contre le repli sur soi et les a priori.
« On raconte le vivre ensemble, notre parcours de parents aussi. Nous ne sommes ni moralisateur, ni culpabilisant, on ouvre le débat. Nous recherchons la rencontre, les échanges, le partage. Vivre ensemble, ce n’est pas forcément avoir la même vision ou le même socle, c’est créer des ponts. Après le spectacle, les gens repartent avec un petit bout de cet ensemble. »
Les Involtes joueront Le PP Project ce samedi 22 juin, à 17 heures, au Carré du fournil à Saint-Hilaire-Luc, en ouverture des Granités de haute Corrèze. Entrée libre.
Blandine Hutin-Mercier