En Creuse en 1884, on venait admirer cet abricotier, "l'un des plus beaux arbres de ce genre en France"

Le 24 mai 1884, on lisait dans L’Abeille de la Creuse : « Il existe à Bonnat, dans le jardin de MM. Blandin, un abricotier qui fait l’admiration de tout le monde. Cet arbre est adossé au pignon du presbytère et le couvre tout entier, depuis le sol jusqu’au sommet. Il y a tant de fruits, déjà très gros, qu’on en évalue le nombre à plus de quatre mille. C’est peut-être le plus bel arbre de ce genre qui existe en France. Pour le préserver des gelées, il y a un rideau qui le couvre de la base jusqu’au sommet et qu’on déroule au moyen de cordes et de poulies quand le temps est à la gelée ; et lorsqu’il fait chaud, comme ces jours derniers, le jardinier Deschamps, qui en prend un soin extrême, l’arrose avec une pompe ». Même si l’auteur exagère un peu le nombre de fruits produits par cet abricotier, il méritait bien un article car ce n’est pas un arbre autochtone de notre département.

Si l’on croit la communication de Marguerite-Marie du Muraud, publiée dans le tome 30 des mémoires de la Société des Sciences naturelles et Archéologiques de la Creuse, nos paysans préféraient les fruits de leurs vergers : pommes, poires, pêches, cerises… Elle note que les pommiers occupaient une place prépondérante, croissant à « va comme je te pousse », sans soins particuliers, notamment dans les communes de Sainte-Feyre, Saint-Laurent, Bonnat. Les espèces se nommaient Belle-Fleur, Jérusalem, Lombard, Drap d’Or, Pommes d’Enfer, Saint-Laurent. Chaque repas se terminait par une pomme soigneusement pelée au couteau de poche en un seul ruban, les enfants préférant la manger avec la peau après l’avoir frottée sur leur manche. Avec les pommes on produisait également du cidre.Les Creusois ne consommaient pas toutes leurs pommes : M.-M. du Muraud rappelle qu’ils en faisaient un commerce important, les expédiant chaque année vers d’autres contrées par le chemin de fer, la récolte étant rarement déficitaire.

Nos compatriotes se régalaient d’autres fruits cueillis dans leurs jardins : poires de Saint-Jean qui ouvraient la saison ; poires Madeleine nommées ainsi parce qu’on les achetait à la foire de la Madeleine en Roche le 22 juillet, poires Duchesse d’Angoulême, poires Bon Chrétien, poires Curé mangées séchées au four, poires Saint-Denis, les dernières à mûrir. Et les cerises ! L’historienne décrit les jeunes gens grimpant de branche en branche dans l’arbre, rabattant les rameaux lourds de fruits avec un crochet en bois : « Que de belles après-midi de dimanche passées autour des cerisiers, garçons et jeunes filles, celles-ci recevant dans leur tablier les plus beaux bouquets que galamment on leur jette de là-haut ».

Un chien sauve un âne de la noyade en 1884 en Creuse

Et il n’y avait pas de clafoutis sans cerises noires, gâteau emblématique du Limousin cuit dans le four du boulanger en non dans celui de la cuisinière en fonte pour être plus goûteux.Parmi les autres fruits de la Creuse, M.-M. du Muraud cite les prunes Moisson, toutes petites prunes vertes ou violettes, appelées en pays guérétois dindons, mangées le jour de la fête de Sainte-Feyre, le dernier dimanche d’août et les prunes Sainte-Catherine recherchées pour les desserts d’hiver ; les pêches, jadis fruits de luxe, vendues par des marchands berrichons et montluçonnais aux fêtes patronales du nord du département, avant de s’acclimater à la Creuse ; le raisin des treilles du jardin potager, dont les belles grappes ornaient la statue de Saint Roch, le 16 août au Moutier-d’Ahun. M.-M. du Muraud conclut par un hommage à « … l’humble nèfle, la « mêle » […] qui au cœur de l’hiver mûrit et mollit sur son lit de paille »