Michel Boujenah fête cet été les 40 ans du Festival de Ramatuelle : "Si on arrête de rire, d'aimer, on est morts"

Christophe Maé, Mathilde et Emmanuelle Seigner, Francis Huster, M.C. Solaar, Roberto Alagna, .... pour son 40e anniversaire, du 29 juillet au 12 août, le Festival de Ramatuelle déroule une affiche étincelante. Son directeur artistique, Michel Boujenah, dévoile les clés d'un incontournable de l'été.

Dans cette période de turbulences politiques, le spectacle vivant est-il le seul moyen pour prendre de la hauteur ?  J'espère. ll faut que les artistes soient à la hauteur de l'événement. Gérard Philipe disait : "L'époque a les artistes qu'elle mérite". Pour l'humour, plus il y aura des humoristes, plus la société sera saine et plus les artistes seront libres. Quand la liberté est là, tout est possible. On vit une période compliquée et j'en souffre. 

C'est-à-dire ? On est tous angoissés, se demandant ce qui va se passer, comment nous allons voter. Étant un fervent défenseur de la démocratie, je tiens à vivre dans un pays démocratique. Si j'avais la solution idéale, j'arrêterais tout. Beaucoup de gens critiquent, mais ils n'apportent pas la solution. Je ne nie pas que le pays souffre mais, quand je compare notre situation à d'autres pays, je préfère être en France. On oublie souvent que l'on a un pays génial, même si rien n'est parfait. La chose qu'il faut toujours surveiller, c'est la liberté. Sans cela, on peut avoir peur. 

Vous occupez peu les réseaux sociaux... Car la moindre phrase, le moindre mot sont décontextualisés. De plus, je ne suis pas un homme politique. Il y en a tellement qui veulent l'être, alors qu'ils ne le sont pas. Dans ce moment compliqué, les réseaux dits sociaux participent de cette confusion...

Qu'est-ce qui différencie le rendez-vous vous de Ramatuelle des multiples festivals qui fleurissent chaque été ?  D'abord le lieu qui est magique, la réplique du Théâtre de l'épi d'or. Ensuite, sa ligne éditoriale : à Ramatuelle, il n'y a pas de chapelle, pas d'ostracisme. Juste des artistes qui travaillent dans des disciplines différentes. Il y a des chanteurs, des comédiens, des humoristes, des danseurs,... MC Solaar, l'alliage du rap et de la joie de vivre. Thomas Braut  

"Ramatuelle existe dans ce mélange incroyable de registre et de genres du spectacle vivant. Quand ils viennent, les gens savent qu'en quatre jours, ils vont voir des choses totalement différentes. De Christophe Maé à Christiana Réali, de Roberto Alagna aux soeurs Seigner... : il y a une formidable pluralité. Ramatuelle, c'est un espace de tendresse, de liberté, de rire." 

Le public a aussi son importance ? Dès le départ, les créateurs Jean-Claude Brialy et Jacqueline Franjou ont construit une relation de tendresse avec les spectateurs. Il y a un grand respect du public. Des tas de gens modestes viennent. Cela me rend fou de joie, c'est magique. J'ajoute que Ramatuelle a une indépendance financière grâce aux entreprises amies qui défendent le festival. 

Les recettes du public ont aussi un rôle important. Les recettes ne sont pas négligeables par rapport au budget. Et puis, il y a l'amour formidable que Jean-Claude Brialy et Jacqueline Franjou ont su insuffler dès l'origine à cette manifestation. 

À l'origine, vous ne deviez assurer qu'une édition en tant que directeur artistique, en mémoire à Jean-Claude Brialy, père du festival. Pourquoi êtes-vous resté ? Cela fait 18 ans... quand on aime, on ne compte pas ! La première fois que j'ai joué à Ramatuelle, je voulais revenir le plus vite possible.  Tous les artistes le ressentent et reviennent avec joie. 

Christian Reali dans le biopic époustouflant sur Simone Veil. Photo Jean-Paul Loyer.

En quoi votre fibre d'humoriste influe-t-elle dans votre programmation ? La comédie est le meilleur moyen de parler du monde dans lequel on vit. La pièce Vidéo Club, de Sébastien Thiéry, avec Yvan Attal et Noémie Lvovsky parle du couple ; la pièce de Sébastien Castro est incroyable ; M.C. Solaar et Christophe Maé ont une joie de vivre,... Je voulais que le festival soit festif. Il faut rire, car le siècle est si sombre.  C'est un bon remède ? Si on arrête de rire, d'aimer et de regarder nos blessures avec dérision, on est morts. Dans le festival, il n'y a pas que le rire, nous accueillons notamment le biopic Simone Veil, avec Christiana Reali. C'est important que Ramatuelle parle aussi du monde.  Que vous a transmis Jean-Claude Brialy ?  Le goût de l'éclectisme, la curiosité. Jean-Claude aimait les choses parfaitement différentes. J'essaie de perpétuer son esprit tout en y apportant ma touche. Ne soyons pas frileux des différences, bien au contraire ! Duo de choc : Francis Huster et Michel Leeb dans Les Pigeons. Photo : Cyril Bruneau  

Votre spectacle, que vous présentez à Ramatuelle, s'appelle Les derniers Magnifiques. Est-ce vraiment votre dernier seul en scène ?  Je vais ensuite jouer dans la nouvelle pièce d'Ivan Calbérac; après, j'endosserai le rôle de Georges Dandin. Plus le film que je suis en train d'écrire. Il ne faut pas faire le combat de trop, soyons élégant. Je jouerai toujours au cinéma, au théâtre. 

Avez-vous un rêve ? Enseigner la comédie, non pas la technique, mais transmettre aux jeunes le désir de raconter des histoires, de faire ce beau métier.  Votre spectacle Les Magnifiques va devenir un film. Humoriste, comédien, patron de festival... vous aimez alterner les rôles.  C'est toujours la même chose : celle de raconter des histoires.  Est-il plus difficile de faire rire en 2024 qu'à vos débuts ? La difficulté a toujours existé. Plus vous êtes exigeant, plus vous le regardez avec honnêteté, plus vous aurez des difficultés à faire rire. Il faut savoir s'adapter au monde dans lequel on vit. Si faire rire était facile, il n'y aurait aucun intérêt à le pratiquer.

Quand avez-vous ri pour la dernière fois ? Lorsque j'ai reçu un message dans une langue que je ne connais pas. Je me sentais comme un gosse qui rigole à une blague. C'est très important ! 

Festival de Ramatuelle, du 29 juillet au 12 août, au théâtre de verdure de Ramatuelle. Réservation et programme complet sur https://www.festivalderamatuelle.com/

Association pour le Festival de Ramatuelle, 284, Chemin de la Fond de Madon  à Ramatuelle. Tél. 04.94.79.25.63.

Toute la programmation ! Nuits Classiques, le 29 juillet : Le Pianiste aux 50 doigts. Pascal Amoyel, héritier spirituel de György Cziffra, offre un spectacle mêlant répertoire classique, piano préparé, et scie musicale, plongeant le public dans la vie du légendaire pianiste hongrois. · 30 juillet : Classico Broadway. L'Orchestre de l'Opéra de Toulon, dirigé par Larry Blank, présente une soirée dédiée à la comédie musicale, avec les talents de Jasmine Roy, Margaux Poguet, Sinan Bertrand, et Guillaume Andrieux. · 31 juillet : La clôture des Nuits classiques avec la présence exceptionnelle de Roberto Alagna, accompagné du pianiste Yvan Cassar, promet une soirée d'émotion avec une sélection d'airs d'opéra et de mélodies italiennes. Théâtre : 1er août : Christophe Maé, Carnet de Voyage. Christophe Maé nous embarque dans un voyage musical aux rythmes solaires et inspirations africaines. 2 août : Une idée géniale. Une comédie hilarante de Sébastien Castro, sur les quiproquos d'un sosie inattendu. 3 août : Poiret-Serrault, extraits extra. François Berléand et Nicolas Briançon rendent hommage au duo mythique du théâtre français à travers une série de sketchs irrésistibles et actuels.  4 août : Simone Veil, Les combats d’une effrontée. Cristiana Réali incarne Simone Veil dans une adaptation émouvante et contemporaine de "Une Vie", explorant les combats politiques de cette femme exceptionnelle. Une exposition de photos, qui l’ont accompagnée dans son entrée au Panthéon, seront exposés à Ramatuelle.  5 août : Vidéo club. Yvan Attal et Noémie Lvovsky se confrontent à la transparence totale dans une comédie surprenante de Sébastien Thiéry. 6 août : Le jour du kiwi. Arthur Jugnot, Florence Pernel, et Elsa Rozenknop présentent une comédie surprenante où un simple yaourt peut changer une vie, mise en scène par Gérard Jugnot. 7 août : Bungalow 21. Emmanuelle et Mathilde Seigner incarnent Simone Signoret et Marilyn Monroe dans une histoire d'amour, d'orgueil, d'adultère, et de pardon.  8 août : Chers parents. Une comédie irrésistible d'Emmanuel et Armelle Patron, explorant les liens familiaux et les faux semblants.  9 août : Sandrine Sarroche. Un spectacle d'humour féminin et engagé. En première partie : Remise du prix Raymond Devos de la langue Française et de l’humour à la lauréate 2023 en présence de François-Xavier Demaison, Michel Boujenah, et Nicole Ferroni. 10 août : Les pigeons. Michel Leeb et Francis Huster partagent rires et émotions dans une comédie sur l'amitié et la rivalité entre deux acteurs de second plan.  11 août : Mc Solaar. Figure emblématique du rap français, il nous offre une performance exceptionnelle avec son style poétique et ludique.  12 août : Michel Boujenah, Adieu les Magnifiques. Un adieu émouvant aux personnages emblématiques, un moment chargé d'émotion et de rires.

Olivier Bohin