Théo Ould aux Nuits de Nacre, à Tulle :

Les Nuits de Nacre, Théo Ould les connaît bien sûr. « C’est l’un des rares festivals consacrés à l’accordéon. Son point fort, c’est d’être éclectique, de présenter l’accordéon sous toutes ses facettes. L’instrument est tellement polymorphe, c’est la meilleure façon de le présenter. »

En France plutôt musette, en Russie plutôt folklorique classique, au Brésil le plus joué tout simplement… « L’accordéon aura passé un cap quand on demandera, comme pour la guitare, “quel accordéon tu joues ?” ».

Lui, à 25 ans, s’est affranchi depuis longtemps des frontières et des genres. Passionné depuis l’enfance par cet amusant objet et son « potentiel créatif ». « Enfant, j’écoutais beaucoup de musiques de Piazzolla, sur les pochettes je voyais le bandonéon déplié. J’adorais autant la musique que l’instrument. C’était comme un jouet ou un ordinateur, avec toutes ses touches. Comme une machine à écrire ou un vaisseau spatial. »

Premiers apprentissages, puis cursus au Conservatoire, le voilà propulsé sur le devant de la scène. Premier accordéoniste nommé pour les Victoires de la musique classique. Comparé (à Tulle, la référence compte) à Richard Galliano. « C’est extrêmement flatteur, sourit-il, un peu exagéré entre nous. J’ai voulu en faire grâce à lui, il a été très présent sans le savoir tout au long de mon adolescence. Il m’a fait rêver, parce qu’il a une façon de jouer que personne n’a, une signature, évidente. Il a tant fait pour cet instrument. »

Sa signature à lui marque un même goût pour « l’exploration d’un répertoire, même si ce n’est pas le même. Quitte à sortir de sa zone de confort. Et vivre à 100 % l’instant. Sur scène, il est à 1.000 % de générosité, j’essaie de le reproduire à ma manière. »

Enfant, j’adorais autant la musique que l’instrument. C’était comme un jouet ou un ordinateur, avec toutes ses touches. Comme une machine à écrire ou un vaisseau spatial.

Contrairement au violon ou au piano, le répertoire pour accordéon est à créer, estime le musicien. Depuis les années 1950, des pièces ont été écrites pour accordéon, peu avant et pas suffisamment. Lui remonte donc le temps et s’approprie les classiques, Rameau ou Tchaïkovski, pour se créer son propre répertoire.

Des transcriptions strictes, sans arrangement, « à la note près de ce que le compositeur a voulu » qu’il mêle à des pièces commandées à des compositeurs contemporains, dans un mélange d’accordéon et d’électro acoustique qui le transcende. « Dans cette bande électro, l’accordéon va se fondre, être en retrait ou au contraire s’opposer », apprécie le musicien.

Gubitsch et Campo, l’un Argentin star proche de Piazzolla, l’autre inspiré des musiques minimalistes américaines. « Ils ont composé des pièces sur lesquelles on s’amuse, jubile-t-il. Sur des pièces de Bach également, je prends énormément de plaisir. Les seules limites sont celles de notre goût. On peut faire déjà tellement de choses à l’accordéon, mais davantage encore en jouant avec d’autres. Quoi de mieux que l’accordéon ! »

Son prochain disque le ramènera du côté de chez Piazzolla, avec un quintette à cordes. « Je m’éclate, parce qu’il y a une part créative. Je veux montrer à quel point il est à la croisée des chemins, entre classique, jazz et tango. »

On peut faire déjà tellement de choses à l’accordéon, mais davantage encore en jouant avec d’autres. Quoi de mieux que l’accordéon !

Un héritage ? « Mon travail s’inscrit dans la lignée d’autres, je n’ai jamais fait que ce que j’aimais. Ça fait du bien en tout cas de voir que l’accordéon prend sa place dans de grandes salles et retrouve sa popularité, en tant qu’instrument polymorphe. On fait du chemin tous ensemble. » 

Blandine Hutin-Mercier