La CGT veut remettre le fret sur les rails en Creuse et ailleurs
Ils nous ont donné rendez-vous près de l’usine du fabricant de meubles Sauthon, devant la voie de chemin de fer qui traverse la zone industrielle de Cher-du-Prat. Mais qui, expliquent-ils, n’a pas vu circuler de train de marchandises depuis plus d’un an. De quoi illustrer parfaitement les propos des syndicalistes de la CGT, qui organisaient un point presse consacré à « la relance du fret ferroviaire », mercredi 26 juin, à Guéret.
La CGT dénonce les effets de la « l’ouverture à la concurrence »Une « relance » qui, explique Loïc Coudert, secrétaire général de la CGT cheminots de la région de Limoges, serait mise à mal au sein de la SNCF suite à la « mise en œuvre de l’ouverture à la concurrence ». Le syndicaliste désigne notamment les dernières mesures prises sous la présidence d’Emmanuel Macron :
L’État a demandé à la SNCF de créer deux nouvelles entreprises à caractère privé destinées au fret. Et dans un même temps de laisser une part de ses marchés au privé.
Cette dynamique de libéralisation à l’œuvre depuis plusieurs années aurait, selon la CGT, d’abord pour effet de reporter une part importante du trafic vers la route. « Le fret ferroviaire est un système complexe et s’il n’y a pas de maîtrise publique pour l’organiser, les entreprises vont au plus simple, en demandant à un camion d’aller d’un point A à un point B », estime Loïc Coudert.
Le fret ferroviaire en déclin en CreuseCette situation aurait abouti au délaissement de lignes de fret, dit la CGT. Notamment en Creuse, comme le détaille Yann Desenfant, secrétaire général CGT des cheminots du département :
Actuellement, le seul transport de fret par le rail en Creuse concerne la carrière de Soumans, avec quatre trains par semaine qui partent vers l’Italie. Il y a pourtant un véritable potentiel pour développer le fret dans ce département. L’embranchement qui dessert Cher-du-Prat fait plus d’un kilomètre et passe devant de nombreuses entreprises. Un embranchement qui allait autrefois jusqu’à Boussac où se trouvent les sociétés Dagard, Gibard ou France Fermetures, n’est plus utilisé. Par ailleurs, plus aucun train de bois ne part de Felletin pour se rendre à l’usine de papier de Saillat-sur-Vienne, près de Saint-Junien.
Les syndicalistes citent également l’embranchement reliant les gares de Vieilleville et de Bourganeuf qui était emprunté pour du transport de bois « jusqu’au milieu des années 2000 ».
Pour la CGT, il conviendrait de relancer ces liaisons pour l’acheminement de marchandises. Mais aussi de réfléchir à l’ouverture de nouvelles, comme la possibilité de desservir la zone d’activité de La Croisière, via une connexion à la ligne POLT, qui passe non loin de là.
Trains contre “méga-camions”Le tout en pointant un “deux poids, deux mesures” concernant la route et le rail. « Un train, on lui fait payer l’infrastructure », par l’intermédiaire d’un droit de péage, souligne Jean-Marc Lahouse, secrétaire régional adjoint de la CGT cheminot du secteur de Limoges. « Alors que les camions passent rarement par des péages. On leur a d’ailleurs fait une RCEA, qui est gratuite », poursuit le syndicaliste.
Ce dernier s’inquiète d’ailleurs de l’augmentation de la taille des camions sur les routes :
Les véhicules de 54 tonnes à l’essieu ont déjà été autorisés à circuler. Mais aujourd’hui, on envisage de mettre sur les routes des “méga-camions” de 72 tonnes.
Ce qui ne serait pas sans incidence sur le climat, alertent les cheminots. « Un train de fret équivaut, au minimum, à la circulation de cinquante camions », argumente Yann Desenfant. Ce dernier en appel à la « responsabilité de l’État ». En convoquant l’exemple de la Suisse, « pays qui ne peut pas être traversé par des camions. Ces derniers doivent passer par le fer. » Il ajoute : « S’il existe une volonté politique similaire en France, nous pouvons en faire de même. »
François Delotte