“Les 7 Samouraïs” retrouve les grands écrans cet été
Parmi les mille et une raisons de (re)découvrir Les 7 Samouraïs, la première serait sans doute que le chef-d’œuvre de Kurosawa ressort dans son montage original et le lustre d’une copie restaurée dès aujourd’hui.
Lorsqu’il entreprend la réalisation des 7 Samouraïs, Akira Kurosawa est un jeune cinéaste de 44 ans, déjà expérimenté, avec treize films derrière lui qui l’ont élevé au rang de maître du réalisme. Il commence aussi à goûter à la célébrité, depuis le Lion d’or remporté par Rashomon à la Mostra de Venise de 1951, qui a notamment permis à l’Occident de s’ouvrir à la production cinématographique nippone. Si ce jidai–geki signé Kurosawa a trouvé une résonance dans l’esprit du public européen de l’époque, c’est sans doute parce qu’il porte en lui des valeurs universelles et humanistes que cette période de l’histoire a renforcées.
L’histoire – établie sur des événements historiques du XVIe siècle – prend pour cadre un petit village du Japon féodal, attaqué par des bandits. Pour sauver leur peau, les paysans devront recruter des samouraïs, guerriers mercenaires experts au maniement des armes.
Une peinture réaliste
Quoique divertissante, l’œuvre transcende la simple étiquette de western nippon. La première scène de combat entre deux guerriers du village, qui capte le coup fatal au ralenti dans un silence religieux, subvertit la logique du film d’action et cristallise le programme contemplatif du récit. Il faudra d’ailleurs patienter jusqu’à la dernière partie du film pour voir se dérouler l’affrontement entre les samouraïs et les pilleurs.
Jusqu’à l’épisode épique final, Kurosawa donne la primeur à la description du quotidien de ses personnages à travers une multitude de petites scènes réalistes qui obligèrent le cinéaste à tourner pendant un an, au lieu des trois mois initialement prévus par la société de production Tōhō.
Imprégné d’une vision marxiste, le film explore avec subtilité les clivages de classes dans le Japon féodal. À travers la mise en scène magistrale de Kurosawa, se révèle d’une part l’aliénation profonde des paysan·nes, dont l’existence est profondément enracinée dans la terre, et d’autre part, la dégénérescence morale de la caste des guerriers. Cet antagonisme à l’œuvre trouve son acmé à travers le récit d’amour contrarié entre un jeune samouraï, héritier d’une lignée fortunée, et une jeune paysanne dissimulée sous des atours masculins par son père.
Un film patriotique
À sa sortie en 1954, le film a pu largement inspirer un renouveau du patriotisme chez les Japonais·ses. Deux ans auparavant, le pays était encore occupé par les Américains à la suite de la défaite de l’Empire. À cette époque, la production des films jidai-geki, ce genre désignant les œuvres historiques, notamment médiévales, perçues comme véhiculant le nationalisme japonais à travers le code d’honneur des samouraïs (le bushido), était strictement limitée. Le cinéaste en a fait l’amère l’expérience : son film historique inspiré d’une pièce de kabuki, Les Hommes qui marchèrent sur la queue du tigre (1945), a été interdit pendant sept ans.
Si dans Les Sept Samouraïs, le recours à des hommes de main a souvent été interprété comme un aveu d’impuissance, doublé d’un éloge de la force armée, il en va tout autrement dans l’esprit de Kurosawa, comme en témoigne la séquence finale. Tandis que les paysan·nes retrouvent une symphonie pastorale dans les rizières, la caméra illustre la défaite des trois samouraïs restants, en dévoilant les sépultures de leurs compagnons disparus.
Les 7 Samouraïs d’Akira Kurosawa. Reprise en salles le 3 juillet 2024.