Privés de sortie par les favoris du Tour de France, les baroudeurs frustrés après l'étape du Lioran
L’histoire retiendra de cette étape le fantastique mano a mano entre Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar, l’emballage final qui avait commencé à trente bornes et à trois cols de l’arrivée entre les patrons du Tour. La légende oubliera les trois heures, juste avant, quand les attaquants ont tenté de secouer le peloton pour s’en extraire.
Dans la succession de montées et de descentes à travers la Creuse et le Puy-de-Dôme, toutes les équipes qui n’étaient pas concernées par le classement général ont essayé de partir devant et cette bataille ne fut pas moins homérique que celle des favoris.Au point d’arriver à une ahurissante moyenne de 50 km/h au bout de deux heures de course et plus de 1.000 mètres de dénivelé positifs. Par définition, il fallait rouler encore plus vite pour parvenir à s’échapper. À ce jeu-là, Richard Carapaz, Ben Healy (EF Education-Easypost), Mattéo Vercher (TotalEnergies), le champion de France Paul Lapeira (Decathlon-AG2R), Oscar Onley (dsm-Firmenich) et Oier Lazkano (Movistar) ont difficilement réussi à s’octroyer quelques dizaines de secondes de marge.
« Les jambes en ont décidé autrement »Renforcé par Julien Bernard (Lidl-Trek), Romain Grégoire (Groupama-FDJ), Bruno Armirail (Decathlon-AG2R) et Guillaume Martin (Cofidis) le groupe avait fière allure. Romain Bardet, le local de l’étape, avait, lui, déjà jeté l’éponge sur ces routes qu’il connaît par cœur : « Les jambes en ont décidé autrement », lâchait-il à l’arrivée, préférant savourer la traversée du virage lui rendant hommage.
Son coéquipier Oscar Onley, fin grimpeur, avait pris le bon wagon mais, même en éparpillant des watts sur toute la largeur de la chaussée, jamais ces coureurs n’ont pu prendre plus de deux minutes d’avance sur un peloton mené par les coéquipiers de Tadej Pogacar (UAE Team Emirates). Le Maillot jaune avait décidé de faire sienne cette étape.Toute la vallée du Mars a ainsi été avalée à tombeau ouvert, jusqu’au Falgoux et le pied du col de Néronne. Sans grand espoir. « On roulait vraiment vite, on avait un rythme rapide et on n’augmentait pas l’écart, voire on perdait du temps, raconte Guillaume Martin. Je suis arrivé déjà bien entamé quand les choses sérieuses ont commencé. » Il a été repris, comme les autres, dès les premières pentes. Ben Healy, Richard Carapaz et Oier Lazkano ont bien tenté de faire durer le suspense jusqu’au pas de Peyrol. Sans succès.
« Cyclisme moderne »« On avait tout pour aller au bout, il y avait un bon groupe, analysait à l’arrivée Julien Bernard, frustré. Il ne faut pas s’étonner qu’il n’y ait pas d’échappée sur une étape comme celle d’hier (lundi, NDLR). Même aujourd’hui (hier), ça ne peut pas aller au bout, donc c’est dur d’y croire… » Pas simple pour ces profils flamboyants de s’insérer dans ce Tour entre des étapes promises aux sprinteurs, à l’image de celle d’aujourd’hui entre Aurillac et Villeneuve-sur-Lot, et la très haute montagne, dans les Pyrénées et les Alpes.
Les quatre fantastiques sont gourmands et profitent de toutes les occasions pour s’écharper. « C’est le cyclisme moderne ! Oui, c’est frustrant, résumait Guillaume Martin. Il faut essayer, et espérer. » « On est là pour attaquer et c‘est ce qu’on va essayer de faire en espérant que ça aille au bout, renchérissait Julien Bernard. Parce que là, c’est un peu triste… »
Pierre Chambaud