La dernière pépite du Conseil supérieur de la Magistrature
Le Conseil supérieur de la Magistrature publie son rapport annuel1. Selon cette institution, ce qui menace l’État de droit, ce n’est pas que des multidélinquants ne soient pas sanctionnés, c’est qu’on critique les juges…
Merci à Jean-Baptiste Roques, directeur adjoint de la rédaction, pour cette pépite ! Le Conseil supérieur de la Magistrature (CSM), l’autorité disciplinaire des magistrats se prononçant notamment sur les nominations, s’inquiète pour l’État de droit. Pourquoi ? Parce que la justice est abondamment critiquée ! « L’autorité des décisions et même la légitimité des juridictions nationales et européennes est contestée », écrit-il. Et ces attaques répétées trouvent « un large écho dans l’opinion publique », s’inquiète-t-il.
L’État de droit en péril ?
Donc, ce qui met en péril l’État de droit, ce n’est pas que dans certains quartiers, le droit d’aller et venir n’existe pas, ni que des multidélinquants s’en sortent avec une tape sur les mains, ni que des gens sous OQTF se baladent en liberté dans le pays, ni que les forces de l’ordre soient quotidiennement agressées, ni les milliers de refus d’obtempérer. Et évidemment pas les prises de position délirantes du Syndicat de la Magistrature (dont je n’aimerais pas être jugée par un de ses adhérents) ! Non : le grand danger, c’est que certains citoyens s’aventurent à critiquer la justice…
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Mais si on dénie sa légitimité à la justice, il n’y a plus de contrat social, me dira-t-on. Oui, mais seule la légitimité des juridictions européennes est contestée en réalité, et à raison. Notamment celle de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Certes, cette dernière tient sa compétence de traités ratifiés par le parlement français. Mais, cette compétence a fait l’objet d’une évolution idéologique, et de l’extension permanente du droit des individus contre celui des États. On se souvient par exemple que la CEDH a sommé la France de reprendre un terroriste tchétchène dangereux – ce qu’elle n’a pas fait, d’ailleurs. Autre décision qui a fait moins de bruit, concernant MeToo, la CEDH estimait qu’on ne doit pas demander aux femmes de prouver leurs accusations. Et dès lors qu’il n’existe pas de peuple européen au nom duquel elle pourrait juger, je trouve légitime de contester sa légitimité. En revanche, la justice française rendue au nom du peuple français, personne ne conteste sa légitimité. On doit se soumettre à ses décisions, quoiqu’on en pense – mais on a le droit de penser !
Marges d’interprétation
Personne ne dit qu’on doit désobéir à la justice. Ça n’interdit nullement de la critiquer et d’observer qu’elle ne remplit pas sa mission de protection de la société. On dit que le juge est la bouche de la loi. Mais, les juges interprètent la loi. Ils décident ce qu’elle dit. Et beaucoup n’aiment pas sanctionner.
Pour le CSM, si j’ai bien compris, les juges devraient donc être la seule corporation qui ne souffre pas la critique (avec les journalistes, bien sûr !).
Pour cela, il invoque l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution ». Sauf que, selon l’article 11 de la même Déclaration, « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ». Dans la Déclaration des droits de l’Homme, rappelons-le, la liberté d’expression a une dignité particulière. Autrement dit, critiquer les juges est un droit de l’homme. Et parfois un devoir.
Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio
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