Le musée Labenche, à Brive, offre une plongée dans les regards de quarante-trois personnages, réels ou imaginaires
Une Marianne datant de la Troisième République fait face au visage torturé d'une femme sculpté en céramique par Anne Wenzel, artiste mondialement connue pour son travail militant. À côté, une esclave noire sculptée par Sandrine Plante, engagée dans les mémoires africaines, plante son regard dans celui d'une seconde Marianne symbole de la république. Autre face-à-face éloquent de cette exposition : un bronze représentant un entomologiste, expert des insectes, face à un visage gracile d'où s'échappent des papillons, œuvre en porcelaine de Juliette Clovis, artiste installée en Aquitaine.
Une vingtaine de bustes restaurésQuarante-trois bustes au total composent cette exposition installée dans la nouvelle salle du musée Labenche. Parmi eux, une vingtaine viennent des réserves du musée. Ils ont été restaurés pour l'occasion, à l'instar du buste de l'artiste Alexandre Falguière sculpté par Auguste Rodin, qui a bénéficié d'un mécénat participatif pour sa remise en état.
Un buste signé Rodin a été découvert dans les réserves du musée Labenche à Brive
La plupart de ces bustes anciens représentent des hommes illustres, tel celui de Napoléon, dont les copies disséminées dans toutes les provinces servaient à la propagande. Plus surprenante, cette représentation du Maréchal Guillaume Brune, personnalité briviste du XVIIIe, sculptée en marbre, épaule dénudée avec une toge. Un style empereur romain très tendance à l'époque !
La place alors subalterne des femmesCette exposition donne aussi à voir la place subalterne qu'occupaient les femmes, car, à l'exception de la romancière Colette, parfaitement reconnaissable, on n'y voit pas de femmes illustres, mais des représentations fantasmées de jeunes filles. "La plupart des bustes féminins se sont développés au XIXe, non pour représenter des femmes célèbres mais des allégories du féminin, à visée décorative", précise Laudine Michelin, responsable du pôle des collections et des expositions. Voilà peut-être ce qui fait pleurer Lagrimosa, œuvre drolatique de Céline Cléron, sculpture qui peut être utilisée comme... boîte à mouchoirs.
Le buste, de l'Antiquité à nos jours au musée LabenchePreuve que le buste, une forme qui se développe sous l'empire Romain, est toujours vivace aujourd'hui. "Les élites et divinités étaient représentées en pied, mais les Romains ont voulu se focaliser sur le visage, siège de la pensée, plutôt que sur le corps. Ainsi, dans la Rome Antique, les plus riches exposent des bustes de leurs ancêtres dans l'atrium de leurs maisons. Les bustes sont ensuite utilisés pour représenter le défunt lors des funérailles. Buste vient de bustum, qui signifie en rapport avec les funérailles", explique Vincent Rigau-Jourjon, directeur du musée. Au XIXe, le buste devient un élément de décoration, démocratisé grâce au développement de la porcelaine et de la technique du moulage, plus accessibles que la sculpture en bronze ou marbre.
Diversité d'époques, techniques et matériauxToutes les époques se croisent dans cette exposition, toutes les matières et techniques également. Parmi les bustes contemporains, citons également le très organique buste du dieu Pan, recouverts d'éléments végétaux. Une oeuvre de l'artiste limousin François Lelong, exposé en parallèle à la Chapelle Saint-Libéral jusqu'au 29 septembre 2024.
Le musée Labenche (26 bis, boulevard Jules-Ferry, à Brive) est ouvert du mardi au dimanche, de 10 heures à 12 h 30 et de 13 h 30 à 18 heures. Tarif. 5,50 euros, comprenant l’accès aux collections permanentes et aux expositions temporaires. Renseignements. Au 05.55.18.17.70 ou sur museelabenche.fr.
Emmanuelle Mayer