Du travail, de l'investissement et des projets : quinze ans après le fiasco, un nouveau départ pour le Scénoparc de Valette
C’est la fin d’une longue jachère de 15 ans pour le Scénoparc iO de Valette. Les pieds sur terre, Rodolphe et Séverine Limasset ont repris, à l’automne dernier, cet ancien parc d’attractions tombé en faillite, en 2009, après seulement trois ans d’exploitation. Le potentiel est à la hauteur des investissements consentis à l’époque, mais le travail est immense pour exploiter ces 35 hectares situés à 1.000 mètres d’altitude.
La banne, le bâtiment emblématique du Scénoparc iO, est toujours là, mais a été renommée. Désormais, c’est « le nid », dévoile Rodolphe Limasset, nouvel exploitant de O’scéno, à Valette, avec sa compagne Séverine. Un coup de peinture a été repassé mais, à l’automne 2022, quand le nouveau gérant le voit pour la première fois, la structure émerge difficilement des épais taillis qui ont poussé depuis 2009 et la fermeture du parc d’attractions.
« Au niveau agricole, il y a un site d’exception »Le couple travaille alors dans la vigne et le maraîchage, près de Bordeaux. Ils s’occupent des grands crus avec leurs chevaux, en biodynamie, en respectant au maximum les sols. Mais là-bas, « la terre est devenue du sable. Il y a eu les grands incendies, on a hébergé les pompiers, on voyait la fumée depuis la maison », se souvient Séverine Limasset, visiblement marquée.
Il y avait de l’espoir, en 2006, à l’ouverture du Scénoparc iO. La promesse?? Offrir aux spectateurs une plongée à travers l’histoire de l’élevage, à Valette. Les élus locaux ont beaucoup cru à ce projet, et notamment la communauté de communes du Pays gentiane, qui a investi dans un Syndicat d’économie mixte pour soutenir le projet. L’échec n’en fut que plus cuisant. Alors que le parc espérait 80.000 visiteurs par an, éloigné des axes de communication, il n’a jamais su convaincre les touristes de faire le détour par Valette. Au bout de trois ans d’exploitation, le parc revendiquait 31.000 visiteurs la première année, 20.800 en 2007 et 10.700 en 2008. Le parc n’a pas rouvert en 2009 et la dette de 1,45 million d’euros a été réglée par la Région (447.520 €), le Département (735.479 €) et la communauté de communes du Pays gentiane (268.635 €).
Alors ils cherchent ailleurs. « On n’est pas réfugiés climatiques, mais presque ! », raconte-t-il. En 2022, « On était venu à une session d’accueil d’actifs à Riom-ès-Montagnes. Nous voulions nous installer, comme agriculteurs. On cherchait une dizaine d’hectares de terrain dans le Cantal. »
À la fin de la semaine, ils s’apprêtent à rentrer bredouille. Rien ne correspond à leur projet. Puis la maire de Valette Valérie Cabécas glisse discrètement qu’elle a peut-être autre chose à leur proposer. 35 hectares de terrain, un auditorium, plusieurs bâtiments, le tout à 1.000 mètres d’altitude en terre d’estive. La visite est organisée sur l’instant, pour voir.
Ils sont restés. « Au niveau agricole, il y a un site d’exception », vante l’agriculteur, qui salue la longue jachère qui offre la possibilité d’exploiter immédiatement en bio, avec des sols riches. Le projet est de planter du houblon, sur un sol acide en altitude. « C’est un coup d’essai, un pari sur l’avenir avec le changement climatique. » Si ça passe, il y a tout pour obtenir une culture unique, sur un terroir avec une identité forte. Deux hectares d’arnica ont également été plantés et une quarantaine de chevaux vont rejoindre l’exploitation.Une salle de jeu est amenagée
Mais ce n’est qu’une petite partie de ce qu’ils prévoient sur place. « La problématique, c’est de valoriser l’ensemble du site, avec les bâtiments », décrit-il. Il reste, sur place, des huttes, une longère et « le nid », un auditorium de 250 places. En plus de tout cela, il y a des canalisations d’eau et des branchements électriques partout à travers les 35 hectares. De quoi avoir des idées…
Multiplier les activités pour pérenniser l’entreprisePour l’auditorium, c’est le passé de musicienne de Séverine qui a parlé. Elle imagine rapidement accueillir des masterclass, c’est-à-dire un soliste enseignant à une quinzaine de musiciens en toute fin d’étude, souhaitant postuler aux grands orchestres. Le contrat est de leur offrir un bâtiment à l’acoustique impeccable, pour travailler, ainsi qu’une retraite en montagne, loin du monde, pour se détendre.Un grapheur différent viendra chaque année
C’était le père de tous les projets, qui impliquait un restaurant pour les musiciens, et des hébergements. Loupé. Tatillonne, en novembre 2023, l’administration rappelle que le scénoparc était un parc d’attractions, sans hébergement : selon le plan local d’urbanisme, ce n’est pas possible sur le site. La situation a été régularisée depuis, les demandes sont en cours. Au mieux, les premières nuitées pourront être vendues à l’automne.
Pour le couple, qui investit ses deniers personnels et qui est en train de racheter le site à la mairie, c’est la douche froide. « On a dû rebondir. L’horizon est plutôt positif, mais aujourd’hui, le temps presse pour pérenniser l’activité. » Pour commencer à exister, le site a ouvert de manière très partielle, avec des soirées en musique, en attendant des bains nordiques et les hébergements.
Depuis le début du mois de juin, le restaurant est ouvert à tous… avec une identité musicale très marquée. Tous les week-ends, c’est un repas cuit au brasero, avec des ingrédients locaux, qui attendent les convives. Le vin est vendu au verre, avec un très large panel, de la belle découverte bon marché au grand cru classé, grâce à une machine qui permet de conserver la bouteille une fois ouverte.
Le bonus, c’est le concert joué pendant la soirée, en live, tandis que les enfants peuvent aller se défouler à la Ruche, l’un des bâtiments décoré par un grapheur riomois, et réaménagé en salle de jeu, avec une animatrice.
À travers ces soirées avec un menu à 32 €, c’est l’identité d’O’scéno qui commence à s’affiner. Le couple et ses quatre salariés, sans compter trois extras, accueille le client à l’entrée du parc, l’amène à la table dans une pièce de musée de la fin du XIXe siècle, un omnibus tiré par des chevaux. Il y a de l’élégance, voire du raffinement, dans l’accueil fait aux clients, mais aussi de la simplicité et de l’humilité dans les menus proposés, imaginés pour mettre en avant le terroir. Et il y a surtout une idée de la culture qui se partage, sur tout le site, à travers la musique notamment.
Et tout cela va évoluer. Des bains nordiques sont attendus dans les prochaines semaines et pourront commencer à être utilisés en attendant la création des hébergements. Ceux-ci arriveront dans un second temps, une fois les autorisations accordées par l’administration.
Le restaurant, enfin, va changer de forme dans le futur : si la cuisine est nouvelle, la salle va être totalement repensée, agrandie, ouverte sur l’extérieur et les estives grâce à de larges baies vitrées.
Les chantiers s’enchaînent. Les taillis qui recouvraient le site ont été retirés, les chemins ont été refaits de manière à permettre un accès aux personnes à mobilité réduites, via une voiturette de golf qui peut prendre le relais de l’omnibus. Tous les bâtiments ont été vidés des tonnes de détritus qui les encombraient, les huttes ont été déshabillées et il n’en reste que le gros œuvre.
Certaines seront aménagées en habitat individuel, d’autres en dortoir, pour proposer une gamme de tarifs variée. L’idée générale est la même : être capable de satisfaire toutes les bourses, et tous les clients, des voisins voulant profiter d’une soirée en musique aux riches vacanciers s’offrant un moment d’exception dans les estives du Cantal.
De l'huile de coudeLa charge de travail est titanesque, à l’image d’un investissement personnel qui, en Pays gentiane, inspire le respect. Rodolphe et Séverine Limasset ont parfois lu de la surprise, voire « de l’incompréhension ou du scepticisme » dans l’œil des voisins quand ils annonçaient la reprise du Scénoparc. Pas de quoi gâcher leur première année dans le nord-Cantal, où ils ont apprécié le territoire à taille humaine, qui les a parfaitement accueillis.Face à l’incrédulité, face, aussi, aux difficultés administratives, rageantes, le couple avance. Si la multiplication des projets sur place étonne, elle répond avant tout à un principe économique : « On y croit à 100 % parce qu’on a pris des précautions avec la pluriactivité. Pour l’instant, c’est encore difficile parce qu’il n’y a pas les hébergements, mais, ensuite, les différentes activités se soutiendront les unes les autres. » Loin, très loin du projet de 2006 qui avait eu les yeux plus gros que le ventre, pénalisant un site qui peut avoir du potentiel… tant qu’on n’y attend pas 80.000 spectateurs par an.
Pierre Chambaud