Rassemblés pour un tournoi de foot à Aurillac, des réfugiés racontent leurs galères et leurs espoirs

Attente de régularisation, études, enfants : plusieurs réfugiés racontent les difficultés qu’ils traversent. Mais le temps d’un tournoi organisé par des associations qui les accompagnent, le foot leur a permis de prendre une respiration.

« J’aime le foot depuis toujours. C’est parce qu’il y avait un terrain juste à côté de chez moi, en Albanie. » Pourtant, aujourd’hui, Ervin ne chaussera pas les crampons. Il est coach de l’équipe d’Emmaüs pour le tournoi inter-associations organisé à Peyrolles, vendredi 12 juillet. Ervin est compagnon à Aurillac depuis deux ans. « On s’entraîne le soir sur le parking, après les journées de tri et de vente. » Il est arrivé en France en 2017. Nice, Clermont-Ferrand, Limoges, il est passé de ville en ville avant de se poser à Aurillac. « C’est une petite commune où je me sens bien. Les gens sont gentils avec nous », ajoute-t-il en montrant de la main son équipe vêtue de jaune, prête à entrer sur le terrain.

En effet, le coup de sifflet retentit. Les joueurs de l’association Forum réfugiés rejoignent un petit carré derrière les cages où ils ont installé toutes leurs affaires pour la journée. Hassan a le regard fier, il est l’un des buteurs du match. Une quinzaine de minutes sans penser à la carte d’identité qu’il attend « pour bientôt », espère-t-il. C’est la dernière case à cocher avant de pouvoir mettre de l’argent de côté, passer son permis poids lourd et devenir routier. « C’était mon métier en Sierra Leone. » Hassan est père de deux enfants. L’un d’eux est toujours là-bas. Un pays qu’il a quitté à vélo pour rejoindre la Guinée. Puis, pour lui aussi, une épopée sur laquelle il reste évasif, jusqu’à son arrivée dans le Cantal, il y a trois mois.

Hassan est accompagné par Forum réfugiés pour obtenir sa carte d’identité. Les joueurs des huit équipes qui s’affrontent sous la pluie sont accompagnés par plusieurs associations. Pour les demandes administratives, pour trouver un hébergement ou un employeur. Chacune son levier d’action. L’École de la deuxième chance, l’association Aurore, Habitat jeunes Cantal, France terre d’asile et Accent jeunes faisaient aussi concourir leur équipe. Et si les joueurs donnent tout pour remporter le tournoi, dès qu’ils passent la bordure du terrain, les groupes se mélangent et se font des passes en attendant de retourner jouer.

Bahoury fait partie de ceux qui n’arrivent pas à lâcher le ballon entre les matchs. Le foot, c’est son rêve. « Depuis le pays, je veux devenir professionnel. » Le pays, c’est la Guinée. « C’est compliqué d’être loin de ma famille, confie le jeune homme, qui passe en terminale au lycée Émile-Duclaux, à la rentrée. J’ai toujours voulu venir en France pour découvrir sa culture. » Son voyage a duré plusieurs mois.

J’ai eu de la chance. Pour certains, ce sont des années. Il faut avoir les moyens, trouver un travail, toujours se débrouiller

Passionné de sciences politiques, il est en pleine réflexion. Après le bac, il envisage des études d’économie, de journalisme, de géopolitique?? Il se laisse l’été pour prendre sa décision.

En plus de son quotidien de lycéen toujours en attente de ses papiers, Bahoury est licencié au club de foot de Belbex. L’association Dalhir, qui œuvre pour l’accès aux loisirs, l’a aidé à s’y inscrire, lui et cinq amis. « Grâce au sport, on travaille sur la communication, le lien avec une hiérarchie, l’apprentissage de la langue, beaucoup de points utiles pour l’insertion, revendique Florian Rapineau, membre de Dalhir. Par exemple, on commence toujours par un échauffement pour apprendre les différentes parties du corps. Ensuite, ils savent expliquer à un médecin là où ils ont mal. »

Bahoury et ses camarades ne lâchent pas le ballon. Ils continuent de jouer entre les matchs. Bryan (*), de son surnom de basketteur, en a aussi bénéficié pour intégrer le club de La Cantalienne. « Je suis moins fan de foot, mais il fallait bien que France terre d’asile ait une équipe. » L’association l’aide à régulariser sa situation en France. « Tout a été difficile, on ne vient pas ici pour rien. Je suis là pour fuir les problèmes. » Bryan préfère ne pas en parler. Comme le souffle Adama, qui joue dans l’une des équipes adverses : « Je ne sais pas s’il faut tout dire de mon histoire. » 

(*) Le prénom a été modifié.

Mona Bru