La CIJ juge «illégale» l’occupation des territoires palestiniens par Israël
Une cinquantaine d’États ont témoigné dans cette affaire sans précédent. Ce 19 juillet 2024, la Cour internationale de Justice (CIJ), qui siège à La Haye, a rendu son avis consultatif sur «les conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est».
La plus haute juridiction de l’ONU a conclu que «la présence continue de l’État d’Israël dans le Territoire palestinien occupé est illicite», estimant que l’État d’Israël «est dans l’obligation» de mettre fin «dans les plus brefs délais» à cette présence.
«L’État d’Israël a l’obligation de réparer le préjudice causé à toutes les personnes physiques et morales concernées», a par ailleurs enjoint la CIJ dans cet avis non contraignant. La cour onusienne a ajouté que l’État d’Israël devait cesser «immédiatement toute nouvelle activité de colonisation», et «évacuer tous les colons» du Territoire palestinien occupé.
Par ailleurs, l'occupation et la colonisation de la Palestine sont déclarées illégales erga omnes («à l'égard de tous», ndrl). «Tous les États sont dans l’obligation de ne pas reconnaître comme licite la situation découlant de la présence illicite de l’État d’Israël dans le Territoire palestinien occupé et de ne pas prêter aide ou assistance au maintien de la situation», lit-on notamment dans cet avis de la CIJ.
«Un grand jour pour la Palestine»
Dans la foulée, la présidence de l'Autorité palestinienne a qualifié cette décision d'«historique». «C'est un grand jour pour la Palestine», a réagi Varsen Aghabekian Chahine, la ministre déléguée aux Affaires étrangères de l'Autorité palestinienne.
«C'est la plus haute juridiction (de l'ONU) et elle a présenté une analyse très détaillée de ce qui se passe à travers l'occupation et la colonisation prolongées par Israël du territoire palestinien, en violation du droit international», a-t-elle déclaré.
De son côté, Ahmed Aboul Gheit, secrétaire général de la Ligue des États arabes, a salué l'avis rendu par la CIJ, estimant que «la décision est une preuve concluante d'un point de vue juridique pour faire taire tous les arguments israéliens vides de sens».
Aboul Gheit a estimé que l'avis consultatif de la Cour a «un grand poids juridique et moral», soulignant toutefois que «les pratiques racistes d'Israël dans les territoires palestiniens occupés n'ont pas besoin d'une déclaration pour démontrer leur atrocité et leur violation totale des valeurs des droits de l'homme».
Un avis fustigé par le gouvernement israélien
Côté israélien, le ministre des Finance Bezalel Smotrich et son homologue de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, ont attaqué frontalement la Cour internationale de Justice.
«La réponse à la Haye : la souveraineté maintenant sur la Cisjordanie» a déclaré Smotrich sur X (ex-Twitter). «La décision de la Cour internationale de Justice prouve qu’elle est antisémite, et nous n’accepterons pas de prêche moral de sa part», a déclaré pour sa part Ben Gvir, un partisan de l'annexion de toute la Cisjordanie.
Il s'agit d'une «décision mensongère», a de son côté réagi Benjamin Netanyahou. Le Premier ministre israélien a affirmé que les Juifs ne pouvaient pas être considérés comme des colons dans leur patrie historique. «Aucune fausse décision de La Haye ne déformera cette vérité historique, tout comme la légalité de la colonisation israélienne sur tous les territoires de notre patrie ne peut être contestée», a-t-il lancé.
Cette affaire fait bien sûr écho à la plainte portée par l’Afrique du Sud devant la Cour Internationale de Justice, accusant Israël de commettre des actes génocidaires à Gaza. Des accusations rejetées par Israël, qui poursuit ses opérations militaires dans la bande de Gaza en faisant fi des ordonnances de la CIJ.
Le 24 mai, celle-ci avait sommé Israël de cesser «immédiatement» ses opérations militaires dans le gouvernorat de Rafah susceptibles de créer «des conditions de vie susceptibles de conduire à la destruction de la population civile palestinienne, en tout ou en partie».
Le 28 mars, le tribunal a ordonné à Israël d’assurer sans délai la fourniture d’une aide humanitaire d’urgence à la bande de Gaza, soulignant que «la famine s’est déclarée» dans l’enclave palestinienne. En janvier, la Cour avait appelé l'État hébreu à «faire tout ce qui est en son pouvoir pour prévenir tout acte de génocide et permettre l’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza».
Expansion des colonies en Cisjordanie occupée
La publication de cet avis intervient à un moment où la pression internationale s'accentue sur Israël, plus de neuf mois après l’éclatement du conflit avec le Hamas suite à la sanglante attaque de ce dernier contre le sud de l’État hébreu. Un conflit qui n’a pas mis en suspens l’expansion des colonies israéliennes en Cisjordanie.
Depuis le 7 octobre, les Palestiniens vivant en Cisjordanie sont exposés à de nombreuses violences de la part des colons autant que de l’armée israélienne. Selon le dernier rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), 553 Palestiniens dont 131 enfants ont été tués en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est. En outre, plus de 5 420 Palestiniens ont été blessés au cours de la même période, dont environ 830 enfants.
Le 31 décembre 2022, l’Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ un «avis consultatif» sur les «conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est». La plupart des intervenants ont appelé, lors d’audiences en février, à ce qu’Israël mette fin à l’occupation qui a suivi la guerre des Six Jours en 1967.
En effet, les Nations Unies considèrent comme illégale l’occupation de quelque 70 000 kilomètres carrés de territoires arabes saisis par Israël lors de la guerre des Six Jours en 1967. L’assemblée de L’ONU avait ainsi demandé à la Cour de statuer sur les «conséquences juridiques» de ce qu’elle désigne, dans sa résolution, comme «la violation persistante par Israël du droit du peuple palestinien à l’autodétermination».