Paris 2024 : "Non, M. le président du CIO, la République islamique d’Iran n’est pas un Etat démocratique"
"Monsieur,
Le 19 mars 2024, vous avez accordé un entretien au journal Le Monde. À la question "Le prochain président du CIO pourrait-il être issu d’un pays non démocratique ?", vous avez répondu : "Il faudrait déjà me donner la définition d’un pays non démocratique". Vous avez alors conclu cette interview en précisant que le président du CIO devait "être prêt à porter haut les valeurs de l’olympisme" mais "respecter le fait que, dans certaines cultures, puissent exister des manières différentes de porter ces valeurs."
Ce relativisme s’applique-t-il à la "République" Islamique d’Iran, qui fait partie des pays retenus par le CIO pour participer aux Jeux olympiques de Paris 2024 ?
Le 8 mars 2024, la Mission internationale indépendante (FFMI), créée en novembre 2022 par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU pour enquêter sur la détérioration de la situation des droits de l’Homme en République Islamique d’Iran, a rendu son premier rapport. Celui-ci ne souffre aucune ambiguïté : exécutions extrajudiciaires, force meurtrière disproportionnée, tortures, viols, arrestations arbitraires et disparitions forcées figurent parmi les nombreuses violations des droits qui constituent, selon les propres mots de la mission d’enquête, des "crimes contre l’humanité". Dans un nouveau rapport publié le 4 avril 2024, l’ONG Amnesty International déclare que l’Etat iranien "persiste dans sa folie meurtrière, transformant ses prisons en véritables lieux de massacres".
La République Islamique n’est pas un état démocratique
Non, Monsieur Bach, la République Islamique n’est pas un état démocratique. Ce régime bafoue sous nos yeux les droits de l’Homme les plus élémentaires et, a fortiori, la charte olympique. Le meurtre, par des agents de l’Etat, d’une femme qui refuse de se couvrir les cheveux n’a rien de culturel. L’apartheid sexuel que subissent 40 millions d’Iraniennes depuis 45 ans n’a rien de culturel. La pendaison en place publique de protestataires pacifiques n’a rien de culturel. Le fait d’amputer pour vol ou d’éborgner délibérément des manifestantes inoffensives n’a rien de culturel. La condamnation à mort de prisonniers politiques, comme Toomaj Salehi, artiste et défenseur des droits de l’Homme, n’a rien de culturel. Ce sont autant de pratiques barbares qui visent à terroriser la population et à étouffer toute forme de contestation afin de se maintenir au pouvoir. La liberté, des femmes et des hommes, n’est pas une valeur relative ; tout être humain y aspire. Prétendre le contraire relève au mieux de l’ignorance ou d’un orientalisme nauséabond, au pire de la malhonnêteté intellectuelle.
La République Islamique est un Etat totalitaire qui commet quotidiennement des crimes contre l’humanité sur sa propre population. Le CIO pourra nous rétorquer qu’il ne peut se montrer plus exigeant que les Nations unies, qui n’ont jamais engagé de procédure criminalisant ce régime. Il dispose néanmoins, dans sa charte olympique, d’outils lui permettant de refuser les diktats d’un régime qui impose l’apartheid sexuel à travers l’obligation pour les athlètes féminines du port du voile et l’interdiction de certaines disciplines sportives. Autant de diktats contraires au principe de non-discrimination et à la règle 50.2 interdisant toute démonstration politique, religieuse ou raciale dans un lieu, site ou emplacement olympique.
Au lieu de cela, le CIO permet à la République Islamique de se livrer, devant les spectateurs du monde entier, au prosélytisme assumé d’un modèle sportif discriminatoire à l’égard de plus de la moitié de l’humanité, trahissant ainsi la charte olympique. L’apartheid sexuel, institutionnalisé, impacte aussi le sport, tout comme le faisait l’apartheid racial imposé par l’Union sud-africaine, exclue pendant 30 ans des Jeux olympiques. En vertu de la charte olympique et de la déclaration universelle des Droits de l’Homme, le régime des mollahs n’a rien à faire aux Jeux olympiques. Sa place est devant la justice pénale internationale."
Premiers signataires :
Mitra Hejazipour - Grand Maître International Féminin d’échecs ; Mahyar Monshipour - Champion du monde de boxe ; Marzieh Hamidi - Championne afghane de taekwondo ; Annie Sugier – Présidente de la Ligue du Droit International des Femmes ; Arlette Zilberg - Militante féministe ; Hilda Dehghani-Schmit – Prix international de la laïcité 2024 ; Hirbod Dehghani-Azar - Avocat au Barreau de paris, Prix International de la Laïcité 2024 ; Lilas Pakzad - Historienne d’Art ; Catherine Louveau - Sociologue, Professeure Émérite Des Universités ; Chantal Crabere - Professeure d’EPS ; Michèle Vianès - Regards de femmes ; Jean-Marie Brohm - Sociologue, Professeur émérite des universités ; Patricia Costantini - cadre ministère des sports retraitée ; Céline Masson - Professeure des universités, psychanalyste ; Martine Benoit - Professeure des universités ; François Rastier - Directeur de recherche ; Annette Guillaumin - Enseignante retraitée ; André Tiran - Professeur de sciences émérite ; Renée Fregosi - Philosophe et politologue ; Stéphane Héas - Sociologue, Professeur des universités ; Nicole Raffin - Militante laïque, féministe, universaliste ; Fabien Ollier - Directeur de la revue « Quel Sport ».
Collectifs et Associations :
This Is A Revolution ; Norouz ; Femme Azadi ; Collectif Contre Le Terrorisme ; Mouvement Pour La Paix Et Contre Le Terrorisme (MPCT) ; Les Citadelles ; European Iranian Woman For Secular Democracy ; Libres Mariannes ; La Ligue du Droit International des Femmes (LDIF) ; Forum Femmes Journalistes Méditerranée ; Réseau Féministe Universaliste Et Laïque ; Band Of Sisters ; Association EGALE Egalité Laïcité Europe.