"Ils n'arrivaient pas à le gérer" : miraculé, ce malinois a été sauvé quelques heures avant son euthanasie dans le Cantal
Les félicitations fusent dans les rues du centre-ville de Mauriac. Uskö, 18 mois, fait un sans-faute : il croise des inconnus, des chiens, passe à côté des tables d’un café sans broncher, à chaque fois récompensé par un petit bout de saucisse.Un miracle pour Alexandre Chauvet, à l’autre bout de la laisse. Celui qui est derrière Les potes de Raph se souvient avoir été accueilli toutes dents dehors par ce malinois, à peine quatre jours auparavant…
Alexandra Almeida se rappelle des messages de ses anciens propriétaires, un couple du Bourbonnais. C’était une urgence. « Lui, il voulait absolument l’euthanasier dans l’après-midi, le rendez-vous était pris. C’est elle qui a multiplié les appels téléphoniques. » Le tort d’Uskö ? Il n’était pas le bon chien.
Un malinois, c’est un chien de travail, pas un animal de canapé. Ses besoins n’étaient pas respectés
Le duo voit régulièrement ce schéma se répéter : « Ils voulaient juste un chien et le problème, c’est que les malinois ne sont pas très chers. Un labrador ou un yorkshire, pour eux, c’était pareil, enchaîne Alexandra Almeida. Ils n’arrivaient pas à gérer Uskö, il fuguait, il faisait peur aux gens pendant la promenade, il aboyait sur les autres chiens, il poursuivait les voitures. Ils ont fini par avoir des plaintes des voisins. »
Patous, kangals, malinoisCe n’est pas un cas isolé. Les erreurs de casting sont nombreuses. « On croule sous les demandes pour des kangals, des patous, des malinois, continue-t-elle. On peut en sauver, mais pas suffisamment. » Comme pour illustrer son propos, son téléphone sonne : une demande de prise en charge, dans le département du Nord, d’un staff de 9 ans. Suite à une rupture amoureuse, sa propriétaire se retrouve coincée avec ce molosse qu’elle n’ose plus sortir et qu’elle n’a pas les moyens d’entretenir.En quatre jours, Uskö, identifié par ses précédents propriétaires, a été castré. Surtout, un travail important de sociabilisation a été réalisé. Au fil de ses progrès, le duo le promène dans tous les cadres possibles, dans la nature, en ville, avec des adultes, des enfants, avec et sans muselière. « On veut déconditionner sa réactivité, changer l’image que le chien a de tout ce qui est étranger », explique Alexandra Almeida.
Les saucisses sont là pour permettre d’associer la promenade avec quelque chose de positif.
La plupart du temps, les gens sont tellement dans le stress que les rencontres avec d’autres chiens se passent mal. Ils tirent sur la laisse, frustrent le chien, mettent une mauvaise intention. C’est comme ça qu’ils le rendent réactif
Pour Uskö, il y a encore du travail. Le malinois a laissé passer les voitures sans broncher, ne s’est pas figé, est resté attentif aux demandes. Mais il a terminé son heure de promenade, pourtant au pas, exténué par tant de découvertes et de concentration. Alexandra Almeida, éducatrice canine, éleveuse de bouledogues français et gérante d’une pension, s’assure aussi qu’il ne fasse pas cela qu’avec Alexandre Chauvet, qui l’héberge pour le moment. L’objectif est de le faire adopter.
Spécialité : les animaux difficilesIl avait juré qu’on ne l’y reprendrait plus, mais Alexandre Chauvet a replongé. L’ancien président du refuge animalier bortois a lancé l’association Les potes de Raph, au printemps, un peu moins d’un an après avoir tout arrêté d’un coup. Le nom de sa nouvelle association est tout droit tiré d’une expérience douloureuse à Bort-les-Orgues : Raph est un cane corso euthanasié avec cinq autres chiens suite à l’attaque d’une septuagénaire, en Corrèze.Leur propriétaire, une femme de 35 ans condamnée depuis à trois ans de prison, dont un ferme, s’en occupait mal. Quatre des six chiens étaient connus pour être dangereux et régulièrement en divagation à Lamazière-Basse, un village de Corrèze. Mais l’euthanasie de ce chiot âgé de 3 mois au moment de l’attaque avait été vécue comme une injustice par les bénévoles du refuge qui avaient recueilli les animaux : ils estimaient que son seul tort avait été de partager la même maison que les autres.
Derrière cette histoire, c’est un engagement que porte Alexandre Chauvet. Il fustige les refuges « qui font de l’animalerie, qui refusent les chiens compliqués parce qu’ils sont difficiles à faire adopter. Notre boulot, c’est de sauver des animaux ». L’association recherche aujourd’hui des familles d’accueil et des dons. Pour l’instant, il n’y a pas de refuge physique, comme à Bort, Riom-ès-Montagnes ou Aurillac, mais l’espoir est là, même si « c’est très compliqué à mettre en place ».
L’autre levier, c’est l’éducation. Alexandra Almeida et Alexandre Chauvet sont désormais intervenants Peccram (pour Programme d’éducation à la connaissance du chien et au risque d’accident par morsure). L’idée est d’apprendre aux enfants à « lire » le comportement du chien pour éviter que la situation autour d’un animal montrant des signes de stress sans être compris ne dégénère.
Uskö a été sauvé à quelques heures près, comme Swat, un colosse cane corso récupéré au début de l’été et que les Mauriacois ont appris à connaître à force de le voir en promenade. Après plusieurs semaines de travail, il recherche désormais une famille consciente de ses besoins. Une renaissance pour cet animal un temps condamné à mort sans le savoir. Tous n’auront pas cette chance.
Pierre Chambaud
Contact : Tél. 06.17.06.25.46 ou Les potes de Raph sur Facebook.