"Il faut toujours y croire, jusqu’au bout" : le parcours de Dorian Keletela, membre de l'équipe olympique des réfugiés
Cent mètres, une foulée qui s’allonge au-dessus de la piste, le regard fixé sur le dénouement de quelques secondes chargées d’espoir. Dorian Keletela court pour la performance, mais aussi pour celles et ceux qui, à l’allure des possibles et des rencontres, ont parcouru des milliers de kilomètres pour atteindre la ligne d’arrivée d’un parcours migratoire. "Je ne représente pas un pays, mais une communauté de plus de 100 millions de personnes. Cela me donne plus de responsabilités", déclare, au téléphone, le sprinteur de 25 ans.
Les mots de Dorian Keletela font écho à ceux prononcés, lundi 22 juillet, par le président du CIO Thomas Bach lors d’un rassemblement au sein du village olympique. Pointant l’exemplarité de "l’esprit olympique de coexistence pacifique", il a qualifié les athlètes d’"ambassadeurs de la paix."
Parmi ceux-ci, donc, Dorian Keletela, qui a bénéficié de l’accompagnement du Comité national olympique et sportif français. Il est l’un des 36 athlètes issus de 11 pays différents qui composent la troisième équipe olympique des réfugiés (après Rio en 2016 et Tokyo en 2020).
Une équipe qui témoigne de la "résilience", du "courage" de "celles et ceux qui ont été déracinés par la guerre et la persécution", expliquait Filippo Grandi, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à l’occasion de l’annonce de la composition de l’équipe, au mois de mai.
Ces athlètes nous rappellent également que le sport peut être un facteur de reconstruction pour les personnes dont la vie a été bouleversée par des événements souvent tragiques.
Pour construire l’unité de leur équipe, les athlètes se sont retrouvés, la semaine dernière, à Bayeux (Calvados), en camp d’entraînement.
Fuir les conflits sans délaisser son rêveOrphelin, Dorian Keletela a fui les conflits déchirant le Congo, en 2016, pour rejoindre Lisbonne. Conseillé par l’assistante sociale du centre de réfugiés où il vivait alors, il s’est lancé dans la course et a intégré le Sporting Club du Portugal. "Il y avait un coach qui croyait en moi", retrace-t-il. "J’ai commencé à m’entraîner régulièrement, quatre fois par semaine, à trouver du plaisir. J’ai participé à des compétitions au niveau régional, puis national."
Détecté par le comité olympique portugais, il a bénéficié d’un programme dédié aux athlètes réfugiés, recevant une bourse permettant d’allier études et entraînements. "Je me concentrais essentiellement sur la langue, car c’était un frein. J’apprenais à écrire et parler correctement le portugais."
"Il faut se concentrer sur Paris"Malgré deux opérations du genou les années précédentes, Dorian Keletela participe aux JO de Tokyo en 2021, déjà sous la bannière de l’équipe olympique des réfugiés. Il est éliminé au stade des séries : "C’était un contexte un peu difficile. À l’époque, il y avait le Covid, j’ai couru dans un stade vide. C’étaient mes premiers Jeux. Maintenant, il faut se concentrer sur Paris et faire largement mieux", expose-t-il. Cet objectif en tête et dans les jambes, il s’entraîne depuis deux ans à Antony (Hauts-de-Seine), dans un club qui l’a "accueilli à bras ouverts."
Son rêve ultime ? "Courir le 100 m en 9 secondes." Dorian Keletela, qui se décrit comme "très déterminé", n’entend pas laisser aux bords du couloir la possibilité de déterminer la trajectoire de son existence. Il faut, pour lui, voir plus loin, plus large, s’affranchir des limites. "La vie n’est pas facile, pour tout le monde. Elle est dure. Il faut se battre. Comme on dit, au bout du tunnel, il y a toujours la lumière. Il faut toujours y croire, jusqu’au bout." Jusqu’à l’épreuve olympique, qui se déroulera samedi 3 et dimanche 4 août, et plus encore. Un sprint après l’autre.
Les quatre athlètes réfugiés soutenus par le Comité national olympique et sportif français et qualifiés pour les Jeux : Dorian Keletela, Farida Abaroge (1.500 m, originaire d’Éthiopie), Eyeru Gebru (cyclisme sur route, originaire d’Éthiopie) et Jamal Valizadeh (lutte, originaire d’Iran).
Alice Forges