Ils transforment la terre en un art vivant au Chambon-sur-Lignon
Blottie entre les bords de l’ancienne voie ferrée d’un côté et la route de Saint-Agrève et le Lignon de l’autre, la maison des Roches offre un cadre des plus apaisants à 2 km du bourg du Chambon-sur-Lignon. C’est ici, qu’a débuté depuis 22 ans l’aventure de l’Espace d’art contemporain (EAC) Les Roches tenu par Arlette et Marc Simon. Le couple s’est installé depuis 1982 au Chambon-sur-Lignon.
« La céramique, c’est toute notre vie ! »
Marc a 75 ans, Arlette 74. Tous les deux se sont rencontrés à l’université de Saint-Étienne, en Histoire de l’Art. Après un passage dans les monts du Forez pendant 7 ans à partir de 1975, c’est presque une évidence que la suite de leur vie se soit écrite ici. « On a trouvé notre coin ! Maintenant on est chez nous. Nous sommes très attachés au territoire. On aime ces paysages et cet environnement tout autant que ce terrain favorable au développement culturel. Le Chambon, c’est un village résistant, avec une population sensible à l’Histoire aussi ». Une histoire présente partout, y compris dans les murs de leur maison des Roches, où des étudiants juifs ont séjourné, avant d’être raflés en 1943. Une plaque réalisée par Arlette et Marc rappelle cet épisode sur le mur de la propriété. « Nous sommes très attachés à l’histoire de la résistance civile » rappellent-ils. Le père d’Arlette était résistant. Marc a été objecteur de conscience. « Alors être ici aux Roches, cela a un sens ».
Un cadre qui leur apporte une inépuisable et formidable source d’inspiration pour continuer de créer leurs céramiques contemporaines et les exposer. « Nous nous exprimons par les formes, les couleurs, dans un monde d’ouverture et de création », résument-ils. Lui dans un travail plus littéraire. Elle avec un rapport au mouvement, à la danse.S’ils ont commencé en 1975 par « de la poterie utilitaire » pour commencer à gagner leur vie, ils s’orientent rapidement vers la céramique contemporaine. Leur principale source d’inspiration est née après un voyage très important pour eux aux États-Unis. Très vite, le couple de céramistes a eu une reconnaissance de son travail « qui correspond à notre personnalité. À l’époque, nous faisions partie des quelques céramistes en France qui ont créé la céramique contemporaine ».
Aux côtés de l’exposition De becs en abîme des céramistes, on retrouve les photos L’été de Chantal Vey jusqu’au 25 août et Par-delà le mur, la forêt de Cristine Guinamand, jusqu’au 1er septembre.Ce n’est donc pas un hasard si Jacques Chirac, deux ans après l’ouverture de l’EAC, y fait une escale attentive en 2004. Mais ce n’est pas le seul chef d’État à avoir marqué leur carrière. Bien avant, ils ont aussi vendu deux pièces à François Mitterrand, au cours de son premier septennat. « Une première pour son bureau et une seconde pour le service du protocole. Le chèque était signé de sa main et même notre banquier nous en avait donné une copie ! »Désormais, pour réussir à vivre dans la céramique contemporaine, c’est à travers les stages qu’ils valorisent leur très grande maison. « C’est important de transmettre, on leur donne des photos, on les ouvre à autre chose ! » Ils interviennent également dans les écoles des Beaux-Arts comme à Clermont-Ferrand ou à Limoges. « La pédagogie fait partie de notre activité », insiste le couple.Leurs deux filles, Leïla et Clio, les accompagnent dans la vie de l’Espace d’art contemporain. Un lieu sans cesse animé, entre les stages d’un côté, mais aussi les expositions d’artistes locaux ou internationaux, les conférences, les projections de film d’avant-garde et de courts métrages, les concerts… L’EAC Les Roches accueille environ 3.000 visiteurs par an.
Pratique. Espace d’art contemporain les Roches, route de Saint-Agrève. Ouvert tous les jours de 15 à 19 heures. Entrée libre. Toutes les infos et l’actualité à retrouver sur : www.eaclesroches.com.
Lionel Ciochetto
Histoire La maison des Roches est un lieu chargé d’histoire. Construite dans les années 1900, l’immense bâtisse était à l’origine L’Hôtel des Roches (photo ci-contre prise en 1910). C’est une ancienne ferme, au bord de la route de Saint-Agrève, transformée en « Pension de famille » et qui compta jusqu’à une quarantaine de chambres. Une trentaine de jeunes persécutés y trouve refuge dès janvier 1942, et jusqu’à 86 y séjournent. Le 29 juin 1943, 19 étudiants et le directeur Daniel Trocmé sont arrêtés. Beaucoup sont morts en déportation. Photo margerit bremond éditions pastre.