Cyclisme sur piste: Benjamin Thomas, gendre idéal ou faux gentil ?
Quand le Tarnais de 28 ans approche d'un pas décontracté, sourire aux lèvres et blague facile, on a du mal à imaginer le tueur qui sommeille en lui. "C'est son côté italien ça", se marre Cédric Vasseur, son patron dans l'équipe Cofidis. "Il est détendu, élégant, agréable à vivre. Tu pars en vacances avec Benjamin Thomas, tu vas passer des super vacances."
Installé depuis sept ans en Italie, au bord du lac de Garde avec sa compagne, la pistarde italienne Martina Alzini, le Français a justement "l'impression d'être en vacances" quand il est à la maison. "Je suis tombé amoureux de la région. J'aime le rythme de vie et c'est un beau cadre pour rouler. Le seul bémol, c'est l'éloignement avec ma famille qui habite dans le sud-ouest."
Benjamin Thomas est un coureur complet. Sur la route, il a brillé cette année avec une victoire d'étape dans le Giro. Sur la piste, il est quintuple champion du monde à l'omnium, la course aux points, et l'Américaine, une épreuve qui demande une grande intelligence.
A cet égard, il est servi, selon l'entraîneur national d'endurance Steven Henry. "Pour moi, c'est le coureur le plus intelligent en termes de prise d'infos, de lecture de course, soutient-il. C'est un passionné de cyclisme. Vous pouvez lui poser des questions sur les résultats ou les palmarès, il va tous vous les citer."
"Sensations fines"
Cette intelligence se mesure aussi à travers son implication dans le développement des vélos, un élément crucial sur la piste.
"Validation du vélo, validation des combinaisons. on a fait tout ça avec lui. C'était notre modèle. Il a des sensations fines. Il est comme il est dans la vie. Quand il a rendez-vous pour un test, il est là dix minutes avant. Il fait le truc, merci, au revoir. C'est d'une simplicité", Emmanuel Brunet, responsable de la performance à la Fédération française de cyclisme qui livre une anecdote qui le laisse encore pantois.
"En 2018, on a un forfait à l'avant-veille du Mondial de contre-la-montre à Innsbruck. Cyrille (Guimard, le sélectionner) me dit: +appelle Benjamin+. Je l'appelle. +Tu es prêt à venir ? Oui, je viens. T'inquiètes, j'ai ma combi de piste, je suis à 1h30 de voiture.+ Il fait son chrono, il fait 18e je crois (20e en fait, ndlr). Merci les gars, super. Il repart dans sa bagnole en Italie le soir-même. Benjamin, c'est quelqu'un d'extraordinaire."
Face à ce concert de louanges, l'intéressé répond qu'il est "important de ne pas oublier ses valeurs". "Je ne pense pas avoir d'ennnemi dans le peloton. Il y a toujours des mecs qui sont dangereux. Des grenades. Moi j'aime bien discuter avec tout le monde. Je ne me prends pas la tête. Ce n'est que du vélo."
"Ambitions de podium"
La tête, il se l'est quand-même prise un peu à Tokyo-2020 où, favori de l'omnium, il a terminé quatrième, avant de prendre le bronze à l'Américaine. "Il y avait beaucoup de pression avec le Covid. Tu prends l'avion, tu as quelqu'un qui éternue deux places derrière toi, tu ne dors plus. C'était vraiment difficile à gérer. En plus, l'équipe de France n'avait pas encore fait de médaille sur le cyclisme. Tu sentais l'épée au-dessus de ta tête."
A Paris, où il est le seul à faire les trois épreuves d'endurance, il est également très attendu. Lui-même a "clairement des ambitions de podium", voire de titre.
"Mais il n'est plus l'arbre qui cache la forêt comme à Tokyo où il devait quasiment être le sauveur de la nation", insiste Steven Henry.
Reste à se transformer en "tueur" sur la piste, malgré les apparences. "C'est un mec sympa, mais en course, ce n'est pas forcément un gentil", souligne Samuel Monnerais, entraîneur français.
"Je ne pense pas être quelqu'un de méchant, mais sur le vélo, mon père m'a toujours dit que j'étais un faux gentil, assure Benjamin Thomas. Quand je peux gagner, j'essaie de penser à moi."