Émeutes racistes en Grande-Bretagne : les artistes tirent la sonnette d’alarme
Comme une impression de déjà-vu. Le 29 juillet dernier, un jeune homme de 17 ans faisait irruption dans une école de danse de Southport (au nord-ouest de l’Angleterre), où se tenait un événement sur le thème de Taylor Swift : couteau en main, l’assaillant tuait trois enfants et en blessait huit autres. Avant d’être arrêté et placé en détention provisoire.
Depuis, la Grande-Bretagne est à feu et à sang : ce crime a fait le lit des pires émeutes racistes que l’île a connues depuis plus d’une décennie. La faute à des agitateur·rices d’extrême droite ayant relayé des fakenews sur les réseaux sociaux à propos de l’identité de l’assaillant, lesquelles ont ainsi nourri le climat de violence.
Selon ces dernières, l’adolescent serait un demandeur d’asile du nom d’Ali Al-Shakati, un nom qui serait d’ailleurs inscrit sur la liste de surveillance du Secret Intelligence Service (MI6), le service de renseignements extérieurs du Royaume-Uni. De fausses informations qui ont catalysé les ardeurs de la frange la plus nauséabonde du territoire.
“De telles scènes devraient être inimaginables en 2024”
Le week-end du 3 et 4 août a ainsi vu une dizaine de manifestations accompagnées de violences perpétrées par des partisan·es d’extrême droite, lesquel·les ont visé des mosquées, saccagé des hôtels hébergeant des demandeur·ses d’asile, pillé des commerces… Et ce, aux cris du slogan xénophobe “Enough is enough” (“Trop, c’est trop”).
Face à des images d’une telle violence, les artistes (principalement britanniques) n’ont pas tardé à réagir. Massive Attack, mythique groupe de Bristol et pionnier du trip-hop, a d’emblée dénoncé un “racisme violent” qui “couve depuis longtemps sous la surface”.
“Ce qui se passe est le résultat direct d’années de racisme et d’islamophobie normalisés, encouragés par les politiciens et les médias britanniques”, ont-ils ajouté, exigeant “un leadership politique qui reconnaisse que la lutte contre l’extrême droite ne se résume pas simplement à lutter contre la désinformation en ligne ou à renforcer la surveillance policière”. Et de conclure : “De telles scènes devraient être inimaginables en 2024.”
Une dent contre le gouvernement
Du côté des Lambrini Girls, duo punk formé à Brighton, même son de cloche et même amertume envers le gouvernement britannique – qui “n’en a que faire du terrorisme intérieur”.
“C’est un choix politique de sa part de ne pas mentionner l’islamophobie et de qualifier le racisme de ‘peurs compréhensibles’”, ont-elles asséné, relayant sur X une publication de l’organisation Stand Up To Racism. Avant de poursuivre : “Il faudra une communauté pour chasser les fascistes de nos rues. Soyez prudents et prenez soin les uns des autres.”
Les Idles, pour leur part, ont partagé un extrait live de leur chanson Danny Nedelko sur Instagram, dans laquelle Joe Talbot, le leader du groupe, chante ce “frère de sang [qui] est un immigrant”.
“Juste un rappel à quel point nous sommes reconnaissants du nombre d’immigrés qui ont débarqué sur nos rives et construit cet endroit que tous ces horribles fascistes sont prêts à brûler”, ont-ils inscrit dans la légende accompagnant la vidéo, tout en “[envoyant] de l’amour et de la force”.
Yard Act, quatuor de Leeds, a lui suggéré l’idée que “beaucoup de gens en difficulté ont peut-être été trompés et induits en erreur en désignant les mauvaises personnes comme boucs émissaires, alors qu’ils essayaient de comprendre des problèmes légitimes auxquels ils sont eux-mêmes confrontés”, dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux – supprimé depuis.
Réviser son histoire
Quand le duo londonien Nova Twins a appelé à faire cesser “ce cycle de haine et de violence” et à “s’unir, soutenir [ses] voisins et […] [se] protéger les uns les autres, en particulier les plus vulnérables” dans un message posté sur X, les Irlandais de Kneecap ont eux invité à la vigilance. En des termes d’abord allusifs – “Et si tu connais ton histoire…” –, puis très limpides, invitant à “écraser tous les fascistes”.
La déferlante à laquelle la Grande-Bretagne fait face actuellement s’inscrit justement dans la lignée de celle déjà observée en Irlande, en novembre 2023. Dublin avait été le théâtre d’émeutes du même acabit, après que cinq personnes, dont trois enfants, avaient été blessées au couteau à proximité d’une école. Des dizaines d’hommes avaient semé la terreur dans les rues de la capitale irlandaise, hurlant des slogans racistes et anti-immigration.
Une crise que Kneecap a toujours en tête, forcément – eux qui ont relayé par la même occasion les mots de Bernadette Devlin, fondatrice du Parti socialiste républicain irlandais, prononcés lors de son voyage aux États-Unis, en 1969. “Mon peuple – celui qui connaissait l’oppression, la discrimination, les préjugés, la pauvreté ainsi que la frustration et le désespoir qu’ils engendrent – n’était pas composé d’Américains d’origine irlandaise. Il s’agissait de Noirs, de Portoricains, de ‘Chicanos’”, y déclarait-elle. Voilà qui résonne encore aujourd’hui, à l’aune des attaques xénophobes qui sévissent dans le monde entier.