Matignon: c’est pour aujourd’hui ou pour demain?
Macron dans l’impasse: et si la porte de sortie était sa démission ? se demande notre chroniqueur
La France n’est plus gouvernée depuis 50 jours. Mais qui voit une différence ? En réalité, ses dirigeants ont abandonné leur poste depuis des décennies. Le monde politico-médiatique, coupé du réel par ses aveuglements idéologiques prolongés, tourne à vide et se mord la queue. Emmanuel Macron n’est que l’ultime symptôme de l’effondrement du système avec lequel il n’a jamais voulu rompre.
Actuellement, les faiseurs d’opinions se passionnent autour de l’interminable feuilleton du futur Premier ministre. Mais ce huis-clos n’intéresse pas les citoyens ordinaires. Ce mauvais théâtre les conforte en revanche dans leur rejet de cette oligarchie bavarde et inopérante, qui a décidé de rejeter le RN, premier parti de France, et le NFP, première formation parlementaire. Selon l’Ifop (Le Monde, 30 juillet), 85% des Français portent un jugement négatif sur les responsables politiques. Les sondés sont 73% à ne pas faire confiance en l’Assemblée nationale issue du 7 juillet et du front républicain qui l’a rendue ingouvernable. D’ores et déjà, 51% sont même favorables à une démission du chef de l’État : une éventualité qui a poussé Édouard Philippe, hier dans Le Point, à se déclarer candidat pour la prochaine présidentielle. Reste que l’ancien Premier ministre, qui fit se soulever contre lui les premiers gilets jaunes en octobre 2018, fait partie de ce vieux monde déconnecté, qui n’a jamais voulu reconnaître ses fautes. « Je sais où je veux emmener le pays », déclarait Macron le 1er mai 2018 devant Jean-Pierre Pernaut. On voit : il l’a conduit dans l’impasse.
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Relire les forfanteries du président fait comprendre son aveuglement pathologique. Le 10 juin, au lendemain de l’annonce de sa dissolution de l’Assemblée, Le Monde relate (et confirme par la suite) cet échange avec « un grand patron, familier de l’Elysée » : « Ça va, pas trop dures, ces journées ? » Macron : « Mais pas du tout ! Je prépare ça depuis des semaines, et je suis ravi. Je leur ai balancé ma grenade dégoupillée dans les jambes. Maintenant on va voir comment ils s’en sortent… ».
Macron, évidemment, ne s’en sortira pas. Sauf à se caricaturer davantage en Ubu roi, en devenant son Propre premier ministre et son gouvernement à lui tout seul. Néanmoins, avoir eu ne serait-ce que l’idée de nommer à Matignon Thierry Beaudet, apparatchik de gauche de l’inutile et dispendieux Conseil économique et social, fait mesurer le gouffre qui sépare Macron de la société civile dont il prétendait se réclamer en 2017. Les personnalités de Bernard Cazeneuve ou de Xavier Bertrand, qui semblent demeurer en lice ce mercredi matin, ont en commun une même détestation pavlovienne du RN.
Or, comme le rappelle le politologue Dominique Reynié, le RN est devenu la droite par le choix de 80% des électeurs de cette tendance. Malgré sa paresse intellectuelle, ce parti est porté par ses critiques contre l’immigration devenue folle, la montée de l’islamisme conquérant et le laxisme sécuritaire. Ce sont ces sujets, évacués par la caste claquemurée, qui vont continuer à porter Marine Le Pen et Jordan Bardella. À moins qu’un improbable Premier ministre ne reprenne prioritairement ces thèmes à son compte (David Lisnard, autre premier ministrable, l’oserait-il ?), il n’est guère d’autre issue pour Macron, à terme, que de démissionner.
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