En Creuse, quelles sont les missions de ces agents de l'Office français de la biodiversité engagés au service du vivant ?
Depuis la rentrée, un programme court de 15 épisodes s’invite sur M6 pour sensibiliser les téléspectateurs et leur donner des clés pour agir en faveur de la préservation de la biodiversité. À l’origine de cette campagne de communication, l’OFB, l’Office français de la biodiversité, qu’« on a l’impression que tout le monde connaît mais que personne ne connaît », résume en souriant Morgan Pochoday, qui en est le chef du service pour la Creuse.
Police de l'environnement, mais pas que...Le fonctionnement de cet établissement public, ses domaines de compétences et ses missions sont parfois mal connus, voire méconnus à l’échelle nationale, comme à l’échelon local. Souvent résumé uniquement à sa dimension de « police de l’environnement » qui recoupe 60 % de ses activités, l’OFB a pourtant bien d’autres missions dont les enjeux dépassent les seuls aspects administratif et judiciaire.Morgan Pochoday, chef du service départemental et Grégory Rollion, référent Grands prédateurs, sont deux des inspecteurs de l'environnement de l'OFB de la Creuse @ Alain Gerbaud
« Au niveau national, on communique beaucoup sur nos opérations sur le littoral notamment, la montagne, parce que ce sont des milieux qui parlent à tous avec des enjeux parfois très frappants. Mais ce n’est pas parce qu’on est en Creuse qu’on n’a pas d’enjeux importants », précise Morgan Pochoday, parmi lesquels la préservation des espèces protégées de la faune comme de la flore ou encore de la ressource en eau.
Les onze agents de l’OFB de la Creuse, tous à la fois techniciens et inspecteurs de l’environnement, dont un référent interdépartemental Grands prédateurs, cumulent trente années de connaissance des enjeux environnementaux locaux et d’expérience de l’ONCFS, de l’Onema et de l’Agence française pour la biodiversité qui ont fusionné en 2020 pour devenir l’OFB.
L’office français de la biodiversité est né au 1er janvier 2020 de la fusion de l’ONCFS, de l’Agence française de la biodiversité et de l’Onema. Au niveau national, l’OFB compte 3.000 agents dont 2.000 agents de terrain et 1.700 inspecteurs de l’environnement. Avec une direction générale à Vincennes, l’OFB possède également des directions régionales y compris en Outre-Mer et des services départementaux dont la Creuse.
@ Marion Bérard L’objectif, pour Morgan Pochoday, c’est que l’Office devienne un interlocuteur naturel dans son domaine, l'environnement, comme peuvent l’être la gendarmerie ou les pompiers. « Quand quelqu’un est témoin d’une pollution ou d’une atteinte environnementale, il va faire le 17 par réflexe, parce qu’il ne nous connaît pas », explique le chef de service départemental. Il n’y a pas de centre opérationnel pour l’OFB mais il est joignable 7 jours sur 7. « On assure une continuité de service public, week-end compris », avec un binôme opérationnel qui peut intervenir sur des urgences qui nécessitent une intervention dans un délai le plus court possible. « Ça peut être des accidents de chasse, des pollutions graves, des interventions sur la problématique lupine », décrit-il
Quelles sont les missions de l'OFB ?À la création de l’OFB, au 1er janvier 2020, cinq missions lui ont été assignées.
Une mission de police de l’environnement et de la faune sauvage. « On surveille le territoire, on sensibilise les usagers à la protection et à la réglementation en vigueur, explique Morgan Pochoday. On accompagne aussi sur des appuis techniques et des avis réglementaires dans le cadre de la prévention », à destination le plus souvent d’administrations, d’associations, de collectivités, sur ce qu’elles ont le droit ou non de faire dans le cadre du Code de l’environnement. L’OFB est habilité à enquêter, constater et verbaliser toute infraction à ce Code.
Alors que vient d'ouvrir la saison de chasse, ses agents pourront notamment s’assurer que les règles de sécurité sont respectées lors de contrôles routiers, de contrôle de véhicule, de permis, d’armes, de signalétique, en commun avec la gendarmerie.@ Marion Boisjot
Si vous êtes témoin d’une atteinte à l’environnement ou à une espèce protégée, l’OFB conseille de le joindre en priorité et le plus rapidement possible afin que ses constatations puissent être le plus complètes possible. « On le voit sur la problématique des haies, qui constituent des habitats et dont la destruction peut mettre en péril certaines espèces protégées. Il vaut mieux nous appeler nous plutôt que nos confrères gendarmes parce qu’on aura tout de suite une connaissance de l’atteinte, des espèces concernées », cite en exemple Morgan Pochoday. L’OFB se déplacera pour constater s’il y a une infraction et engager immédiatement des actions, qu’elles soient administratives, judiciaires, de conseil. La réactivité est primordiale en matière d’environnement. « Si on arrive une semaine après, la capacité de mesurer l’impact sera moindre, le nid n’y sera plus, l’espèce sera partie… Donc ça ne coûte rien de nous appeler immédiatement. Si ce n’est pas dans nos domaines de compétences, on renverra vers la bonne personne à contacter. »
C’est aussi l'OFB qui mène les contrôles administratifs et judiciaires dans le cadre de la Misen, la Mission inter-services de l’eau et de la nature, validés par la préfète et en présence du parquet. « C’est une stratégie nationale établie par le ministère de l’Environnement qui coordonne les interventions de l’État dans les domaines de l’eau, des milieux aquatiques en les confiant à ses différents services. Nous sommes par exemple pilotes sur certaines thématiques comme la continuité écologique, la DDT le sera sur d’autres », explique Morgan Pochoday qui détaille également l’autre pendant judiciaire où l’OFB est partie prenante, le Colden, Comité opérationnel de lutte contre la délinquance environnementale.@ Marion Boisjot
« C’est la procureure qui pilote ce comité qui permet d’être plus dans l’enquête sur certains dossiers environnementaux qui nécessitent parfois un travail commun entre différents services comme la gendarmerie, la police, la DDCSPP, la DDT, l’OFB, parce qu’ils portent sur différents volets ».
Destruction d’espèces protégées, de leurs habitats, trafic d’animaux, travaux réalisés sans autorisation qui portent atteinte à l’environnement, certains délits sont passibles de peines d’emprisonnement prévues par le Code de l’environnement « mais on essaie d’aller vers des compositions pénales qui privilégient des alternatives aux poursuites », explique Morgan Pochoday, « avec un gros volet qui est donné à la pédagogie ».
« Dans la réponse pénale, on est beaucoup dans la réparation du dommage, dans la régularisation administrative si elles sont possibles, dans la remise en état le plus rapidement possible. On essaie de voir comment on peut faire pour améliorer la situation plutôt que de sanctionner. »
Pas d’improvisation, pas de zèle comme il a pu être reproché à l’OFB en début d’année par certains syndicats agricoles. Placé sous la double tutelle des ministères de la Transition écologique et de l’Agriculture, ses domaines d’action sont strictement encadrés, ses missions, fixées par le Code de l’environnement, se déploient sous autorité préfectorale. Il est également soumis à un contrat d’objectifs, qui se décline sur quatre ans, défini par une gouvernance plurielle qui recoupe l’ensemble des acteurs de la sphère biodiversité et environnement. « C’est important de le rappeler, on a un conseil scientifique, un comité d’orientation et un conseil d’administration qui réunit plusieurs collèges dont des représentants de l’État, d’associations de protection de la nature, des gestionnaires d’espaces naturels, d’organisations professionnelles agricoles, forestières, on retrouve la FNSEA, Fransylva ou le Medef par exemple, des instances de la chasse et de la pêche », détaille Morgan Pochoday.
La connaissance, l’expertise et la recherche sur les espèces, les milieux et les usages. Les agents de l’OFB endossent également la casquette de naturaliste, notamment dans leur mission de suivi et d’inventaire des espèces de réseaux nationaux comme la loutre, le castor, la bécasse des bois, les rapaces, la moule perlière. Des suivis qui améliorent la connaissance de ces espèces mais qui peut aussi amener à prendre des arrêtés de protection pour elles ou leur milieu pour les préserver.
Il réalise aussi des inventaires piscicoles dans le cadre de la directive-cadre européenne sur l’eau à raison de 5 ou 6 pêches électriques annuelles doublées de relevés morphologiques des cours d’eau. « Ça nous permet de savoir comment se comportent nos rivières et ce qu’on y trouve, de voir comment évolue la morphologie des cours d’eau », s’il y a des apports de sédiments, en quelle quantité, si cela est néfaste à la quantité et à la qualité de l’eau, aux espèces qui y vivent, explique Morgan Pochoday.Prospection du castor européen avec l'OFB sur la Gartempe en mars 2024 avec Grégory Rollion, référent Grands prédateurs et connaissances de l'OFB de la Creuse @ Julie Ho Hoa
En Creuse, dans le cadre de son expertise Grands prédateurs, le suivi du loup incombe à l’OFB. Il est mandaté, dans le Plan national d’actions loup, pour constater les dommages aux animaux domestiques en cas de déprédation, qu’il s’agisse d’ailleurs du loup ou d'autres animaux. Les agents effectuent des relevés techniques (traces, poils, fèces, etc.) destinés à être analysés pour déterminer la nature du prédateur. À la DDT et à la préfète ensuite de communiquer sur ces résultats. Dans le même temps, il contribue au suivi de l’espèce en alimentant le réseau national Loup-Lynx avec ses observations, au même titre que la fédération de chasse ou encore le Parc naturel régional de Millevaches.
C’est à l’OFB également, dans cette mission d’expertise, de réaliser les campagnes de relevés du réseau Onde (Observatoire national des étiages) du mois de mai à octobre, parfois davantage, sur des cours d’eau témoins du territoire. Ces données, indispensables pour déterminer une tendance des débits actuels et à venir, alimentent ensuite les Comités eau en préfecture et motivent les prises d’arrêtés sécheresse.
L’appui à la mise en œuvre des politiques publiques ; la gestion et l'appui aux gestionnaires d'espaces naturels« Notre grande mission, c’est de mener ou de participer à des travaux pour favoriser la prise en compte de la biodiversité par les politiques sectorielles. »
« C’est très théorique mais l’idée, c’est qu’il est important que l’OFB puisse être représenté dans toute commission, tout comité, toute réunion qui viendrait à traiter de près ou de loin un élément touchant la biodiversité ou à l’environnement pour apporter un regard technique et d’expertise sur le volet réglementaire, une vision environnement sur certains dossiers, pour faire évoluer les choses »
Un avis consultatif qui peut orienter et aider à la décision sur certaines thématiques, notamment au sein, par exemple, des Sdage (Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux), des différentes commissions départementales chasse et faune sauvage, des contrats territoriaux. « On siège dans les comités de pilotage des CTMA, en comité technique parfois », mentionne le chef de service de la Creuse, pour « apporter notre appui aux techniciens de rivière sur la stratégie et les actions à mettre en place ».Relâcher de deux chats forestiers avec Panse-bêtes et l'OFB de la Creuse @ Bruno Barlier
La mobilisation des acteurs et des citoyens. Dans ses missions, l’OFB participe aussi à sensibiliser et informer le grand public, notamment via des dispositifs comme les Atlas de la biodiversité communale ou Engagés pour la nature, pour « encourager et accompagner les entreprises, les associations, les particuliers, les collectivités à s’engager pour la biodiversité ». « Notre rôle au niveau des services territoriaux, c’est d’être proactif : lorsqu’un élu ou une collectivité souhaitent aller vers un projet, on présente ce qu’il existe, on les met en relation avec le siège régional », explique Morgan Pochoday.
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Une complémentarité avec la brigade mobile "verte" de la gendarmerie
Le chef de service de l’OFB de la Creuse se réjouit qu’il y ait aujourd’hui « une réelle prise en compte de cette thématique environnementale et biodiversité par l’ensemble des acteurs, y compris par les ministères. On voit que des outils, des cadres sont mis en place, à travers le Colden par exemple, pour être le plus efficace possible avec les moyens que l’on a ».
Des moyens, notamment humains, malgré tout restreints, alors le chef du service départemental ne boude pas la création d’une brigade « verte » mobile au sein de la gendarmerie creusoise, dotées d’officiers de police judiciaire, qui complètent les actions de l’OFB sur le terrain et élargissent le champ des compétences à mettre en commun.
« Il y a besoin de monde, il y a besoin de moyens, et il y a des atteintes environnementales que les inspecteurs de l’environnement eau et nature que nous sommes ne peuvent pas traiter. Il y a par exemple des compétences qui ne nous ont pas été données par le Code de l’environnement, notamment tout ce qui est filière de déchets. »
« S'il y a un dépôt dans le milieu naturel par exemple , on pourra constater la pollution et traiter le volet impact sur l'environnement mais on ne pourra pas simplement baser notre procédure sur le fait que ces déchets sont déposés là alors qu'il auraient dû être déposés dans une déchetterie ou auprès d'un organisme particulier. Il y a donc une complémentarité intéressante et l’idée est vraiment de coordonner nos spécialités, notre expérience avec ces unités particulières », confie Morgan Pochoday.
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Un renfort qui permet aussi de couvrir plusieurs champs du droit et les éventuels angles morts : « Il y a des dossiers qui nécessitent de traiter à la fois du droit commun, du droit environnemental et parfois du droit environnemental très technique. Il y a donc vraiment une plus-value à travailler ensemble, ça ne peut être que positif pour la Creuse ».
Quand contacter l'OFB ?
Marion Boisjot, Marion Bérard, Bruno Barlier, Julie Ho Hoa, Alain Gerbaud