Fièvre catarrhale ovine en Auvergne : comment se transmet-elle ? Combien de bêtes mortes ? Comment l'arrêter...
Le monde de l’élevage a connu plusieurs crises consécutives de fièvre catarrhale ovine (FCO) depuis 2007. Une première vague de FCO 8 a encore été enregistrée à l’automne 2023 avec un nouveau variant, avec 234 foyers déclarés, dont 66 en ovins dans le seul département du Puy-de-Dôme. Mais depuis la mi-août 2024, la résurgence de la maladie est très importante dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, entraînant une immense détresse chez les éleveurs.
En quoi consiste la fièvre catarrhale ovine ?
Il existe une trentaine de types de FCO. Trois sont présents sur le territoire national : 4, 8 et 3. « Nous, nous n’avons pas du tout de FCO 4. La 8, c’est celle qui tue nos brebis et qui est un variant par rapport à la FCO qu’on a connue. Enfin, il y a la FCO 3 qui descend du nord et qui a engendré la mise en place de zones régulées », décrit Christophe Guillerand, responsable de la coopérative Copagno. 460 des 464 communes du Puy-de-Dôme sont ainsi passées en zone régulée fin août, suite à la détection d’un foyer de FCO 3 dans la Saône-et-Loire et un dans la Nièvre.
Côté symptômes, les animaux infectés présentent différents signes cliniques : ulcères, œdèmes des lèvres et de la langue, boiteries, hyperthermie (42 °C) qui ont pour conséquence un abattement, une anorexie et un amaigrissement, pouvant engendrer la mort de l’animal qui ne parvient plus ni à s’hydrater, ni à s’alimenter.
Comment se transmet cette maladie et peut-elle atteindre l’homme??
« La fièvre catarrhale ovine est une maladie virale “non contagieuse” affectant les ruminants domestiques (bovins, ovins voire dans certains cas les caprins). Elle est transmise par des moucherons piqueurs : les culicoïdes », développe François Peyroux, directeur du Groupement de défense sanitaire du Puy-de-Dôme. La faune sauvage n’a pas de rôle dans la propagation de la maladie.
« La maladie est strictement animale, non transmissible à l’homme et n’affecte pas les denrées alimentaires (viande, lait…) »
Combien d’élevages auvergnats sont touchés ?
Au 7 septembre, la chambre d’agriculture de Haute-Loire recensait 500 élevages touchés sur les 650 recensés. Sur les 100.000 ovins du département, elle estimait que 10.000 étaient déjà morts, avec un taux de perte variant selon les élevages de 5 à 40 %.
Dans l’Allier, le président de la chambre d’agriculture, Patrice Bonnin, précise que seul le sérotype 8 est présent. En fin de semaine dernière, le Bourbonnais recensait « une cinquantaine » de foyers déclarés ovins-bovins.
« Mais les chiffres sont en constante augmentation toutes les semaines. Le taux de ramassage des animaux morts et emmenés à l’équarrissage est de + 100 % »
Dans le département, une obligation de vaccination sérotype 8 s’applique aux seuls ovins-bovins destinés à l’exportation. Mais le président de la chambre d’agriculture « recommande fortement aux éleveurs de vacciner aussi tout de suite, pour le protéger, le cheptel souche, surtout sur les moutons ».
Dans le Cantal, au 9 septembre, 93 foyers de FCO 8 étaient recencés (dont 70 en élevages bovins, 21 en ovins et deux en caprins), selon les services de l’État. Il y a des suspicions chez 89 autres foyers (dont 57 élevages bovins et 32 ovins), en attente de résultats. Seul le sérotype 8 est présent, mais 27 communes cantaliennes figurent dans la « zone régulée » de la FCO 3.
Le Puy-de-Dôme comptait 217 foyers bovins-ovins au 6 septembre, un chiffre largement sous-estimé selon les autorités. « On a une moyenne de mortalité des brebis aux alentours de 5 %. C’est très hétérogène en fonction du département et des élevages, puisqu’on a des structures qui enregistrent entre 4 et 20 % de mortalité. La Haute-Loire est beaucoup plus touchée, quasiment deux fois plus, que le Puy-de-Dôme », alerte Christophe Guillerand.
À elle seule, la coopérative Copagno - qui compte 240 adhérents répartis sur l’Auvergne, la Loire, la Creuse, le Cher et l’Ardèche - estime avoir déjà perdu 750 brebis dans le Puy-de-Dôme et 1.500 en Haute-Loire.
Peut-on sauver les bêtes malades ?
Une bête touchée a 90 % de probabilité de mourir. « On n’en sauve pas, ou quasiment pas », souffle Christophe Guillerand. En revanche, la FCO 8 n’attaque pas les agneaux (ou vraiment à la marge), contrairement à la FCO 3 qui sévit actuellement dans le Nord de la France.
« Ce qui me fait peur, ce serait qu’on arrive à avoir la 3 et la 8. Actuellement, on a la 8, la 3 arrive dans notre zone par le nord, la 8 arrive par le sud, et nous, nous sommes au milieu. Ça peut faire un gros feu d’artifice ! La chance qu’on peut avoir, c’est si le temps se met à refroidir, ça va ralentir le développement des culicoïdes »
Lui s’attend toutefois à perdre entre 3.000 et 4.000 brebis, ce qui est « énorme. Mais on ne peut pas encore le savoir, on est en plein dedans et ça ne désamorce pas ».S’agit-il d’une crise inédite ?
Ce qui est inédit, c’est la puissance de la maladie, selon le responsable de la coopérative Copagno : « On atteint des proportions inégalées, constate Christophe Guillerand. Ça touche fort et quel que soit l’élevage. Deux éleveurs, même de bons éleveurs, ne seront pas touchés pareil. En Haute-Loire, un agriculteur qui élève 500 brebis en a vu mourir 120. Et ce n’est pas fini… »
« C’est une nouvelle crise, enchaîne François Peyroux. La FCO est, certes, une maladie connue en élevage, mais la particularité est qu’un nouveau variant de la FCO 8 est apparu à l’automne 2023, ce qui a donc un nouvel impact en élevage. Les animaux n’ont pas l’immunité leur permettant de lutter rapidement contre la FCO. De plus, un nouveau sérotype FCO 3 est arrivé dans le Nord de la France, il est encore plus virulent que la FCO 8 qui sévit actuellement en Auvergne. »
Le contexte global est également différent. Le changement climatique favorise l’activité vectorielle et donc l’arrivée de nouvelles maladies émergentes. Cela engendre, par voie de conséquence, de nouvelles difficultés en élevage : pertes, nouvelle charge de vaccination…, qui viennent s’ajouter à d’autres charges survenues ces dernières années telles que l’augmentation du coût de l’énergie, qui impactent le revenu final comme le moral des éleveurs.
Que peuvent faire les éleveurs pour lutter contre cette maladie ?
Les éleveurs ont augmenté la surveillance de leurs animaux. Plusieurs fois par jour, ils contrôlent leur état général, leur comportement alimentaire, leur hydratation, leur production. François Peyroux les encourage à contacter leur vétérinaire et soigner les signes cliniques dès leur apparition (fièvre, aphtes, défaut d’hydratation, plaies). « Une prise en charge dans les premières heures est essentielle pour limiter l’impact sanitaire », abonde-t-il.
Lui conseille aussi de limiter et sécuriser les mouvements depuis une zone atteinte pour éviter l’accélération de la propagation de la maladie, et de désinsectiser les véhicules de transports suivant la zone. Il est aussi fondamental de mettre en place une vaccination du troupeau pour protéger les animaux, et de vacciner les animaux dès que possible, en lien avec son vétérinaire, selon lui.
Quelles mesures les propriétaires de bêtes malades doivent-ils respecter ?
Les éleveurs doivent appliquer toutes les mesures de biosécurité, précise le Groupement de défense, c’est-à-dire surveiller les animaux, soigner et isoler les animaux malades, limiter les mouvements de bêtes, désinsectiser les véhicules de transport, vacciner les animaux.
Les comices ou rassemblements sont possibles, sous conditions. Chaque organisateur définit un certificat sanitaire afin de sécuriser son évènement sanitairement?; des analyses pour connaître le statut des animaux sont demandées et une désinsectisation est appliquée sur les bêtes afin de limiter l’activité des vecteurs (culicoïdes). L’objectif global est de limiter l’expansion de la FCO.
Texte : Gaëlle Chazal (gaelle.chazal@centrefrance.com)
Photos : Thierry Lindauer