En Creuse, elle se bat depuis des années pour que la maison voisine soit reconnue "bien sans maître"
Catherine Godin dit avoir eu un « coup de cœur » pour la charmante petite maison dont elle est propriétaire dans le centre-bourg de Saint-Sulpice-le-Dunois. « J’avais envie de la sauver. Ça faisait trente ans qu’elle était inoccupée. Je voulais lui redonner une âme. Dans un premier temps, je voulais en faire un gîte. »C’était sans compter sur le propriétaire de la maison mitoyenne. Ou plutôt sur son absence. « C’était un anglo-saxon, un peu ours. Nous avons échangé quelques mots. Puis, au début des années 2010, il est parti. » Et n’est jamais revenu.
Trois intrusions via la maison mitoyenne en deux ansDepuis, la façade a presque disparu sous la vigne vierge et le lierre et la toiture commence à s’affaisser. Ce qui préoccupe sérieusement Catherine Godin. « Des tuiles tombent de temps en temps. J’ai peur que le toit s’effondre en entraînant le mien », témoigne cette femme de 64 ans qui vit dans la commune voisine de La Celle-Dunoise.
Celle-ci explique également que l’habitation laissée à l’abandon aurait été squattée :
Des gens ont fait du feu, ce qui aurait pu déclarer un incendie. En 2018 et 2019, j’ai subi trois intrusions chez moi. Des personnes sont entrées en faisant un trou d’une quarantaine de centimètres dans le mur qui sépare ma maison de celle d’à côté.
Des planches assemblées au mur par la propriétaire pour masquer l’orifice témoignent encore aujourd’hui de cet épisode. Par chance, il n’y avait rien à voler.
Des individus se sont introduits dans la maison de Catherine Godin en faisant un trou dans le mur séparant son bien et celui mitoyen.
Une procédure qui peine à être lancéeCe qui n’a pas empêché Catherine Godin de déposer une main courante à la gendarmerie. Mais aussi d’interpeller la municipalité pour que les issues du bâtiment décati soient condamnées (ce qu’a fait la commune). Et pour que celui-ci soit considéré comme un “bien sans maître”.
C’est-à-dire, selon la loi, et dans ce cas précis, sans propriétaire connu et pour lequel les taxes foncières n’ont pas été acquittées depuis plus de trois ans. Le bien en question peut alors être acquis par la commune. Pour éventuellement être cédé ensuite à un tiers.
C’est en tout cas le scénario vers lequel on se dirigeait, dans le cas de Saint-Sulpice-le-Dunois, selon Catherine Godin. « Dès 2016, le maire de l’époque avait proposé que la commune récupère la maison située au n°33 pour ensuite me la vendre », relate-t-elle.
Catherine Godin dit avoir accepté cette proposition. « Je me suis dit qu’en disposant de l’ensemble des bâtiments, plutôt qu’un gîte, j’aurais pu ouvrir une épicerie avec un espace pour accueillir des associations à l’étage. »
Mais les choses ne se passeront pas comme prévu. Fin 2019, le conseil municipal a chargé le maire de lancer une procédure de bien sans maître. Mais un changement d’équipe intervient suite aux élections municipales de 2020. Et, depuis lors, Catherine Godin déplore que son dossier n’avance plus.
Plusieurs biens délaissés dans la communeDe son côté, le maire, Bruno Dardaillon, atteste de sa bonne volonté pour faire progresser une démarche qu’il qualifie de « compliquée ». « Nous avons saisi le Trésor public pour savoir où se trouvait le dernier propriétaire de la maison. Cela prend du temps, notamment parce qu'il est citoyen britannique. Nous avons fini par recevoir un document attestant qu’il ne payait plus ses impôts. »
Le premier magistrat affirme que la municipalité pourrait lancer la procédure relative aux “biens sans maître”, d’ici la fin du mois. Et éventuellement revenir vers Catherine Godin pour lui proposer d’acheter la maison acquise par la collectivité.
Bruno Dardaillon, qui indique que quatre biens pourraient éventuellement être considérés comme étant “sans maître” dans sa commune, reste néanmoins prudent face à ce cas de figure :
Nous avons déjà engagé une procédure de bien sans maître concernant une situation similaire. Mais une fois le bâtiment récupéré par la commune, le voisin n’a pas voulu l’acheter. Le bien nous est resté sur les bras.
Catherine Godin, quant à elle, ne compte pas en rester là. Elle a saisi la défenseure des droits en Creuse et dit qu’elle n’hésitera pas à faire appel aux services d’un avocat si nécessaire. En attendant, cette bricoleuse s’est replongée dans la rénovation de sa maison du n° 35. Dans l’espoir de pouvoir enfin, bientôt, y recevoir des locataires.
Catherine Godin continue à rénover sa maison, dans l'espoir de pouvoir bientôt l'ouvrir à la location.
Texte et photos : François Delotte