Pourquoi l'ail rose de Billom espère intégrer le club des Indications géographiques protégées (IGP) ?
Celui fait plus de trente ans que l’ail rose de Billom espère une reconnaissance. En intégrant le cercle des Appellations d’origine contrôlée (AOC) d’abord. Mais le refus essuyé dans les années 2000 a douché l’enthousiasme des producteurs, qui ont abandonné la démarche les années suivantes.
Mais l’idée a continué de germer dans leur tête, et en particulier dans celle de Laurent Heinis, maraîcher à Pont-du-Château et président de la Fédération des producteurs d’ail d’Auvergne. « À mon arrivée, on a décidé de prendre une animatrice. Le dossier de l’AOP avançait tout doucement… », retrace-t-il.
Le passage de l’AOC à l’IGPUn nouvel élan a été trouvé avec l’arrivée d’une nouvelle animatrice spécialisée dans le montage des cahiers des charges, avec qui ils se réorientent alors vers un nouveau signe de l’origine et de la qualité, l’IGP, autrement dit l’Indication géographique protégée.
On n’a pas eu l’AOC parce qu’on n’était pas assez unis, analyse Laurent Heinis. En plus, on avait un problème de dénomination, entre l’ail rose d’Auvergne et l’ail rose de Billom. Le dossier avait été déposé pour l’ail rose d’Auvergne.
Le troisième problème avec l’AOC, c’est que l’appellation était davantage réservée aux vins et aux fromages, « surtout dans les années 2000, à part quelques produits à la marge, tels que la lentille verte du Puy ».
Seule région productrice sans rienUn vent nouveau souffle donc pour se lancer à l’assaut de l’IGP, alors que l’Auvergne reste la seule région traditionnelle de production d’ail en France, sans reconnaissance. « Il y a l’ail rose de Lautrec, l’ail blanc de Lomagne, l’ail violet de Cadours, l’ail blanc de la Drôme et l’ail fumé d’Arleux. Ils ont tous une IGP ou AOP, et nous, sixième région traditionnelle de production, rien… On a donc repris les démarches et déposé une demande cet été », appuie Laurent Heinis.
Avant cela pourtant, il a fallu faire évoluer certains points. Au niveau de la dénomination d’abord, en abandonnant l’ail rose d’Auvergne au profit d’ail rose de Billom, cet ail produit dans les terres de Limagne argileuses, au cœur desquelles il bénéficie de l’effet de Foehn. Il a également fallu trouver un compromis avec Laurent Girard, producteur artisanal d’ail noir de Billom.
Ail rose de printempsCar l’ail rose de Billom ne pouvait décrocher son IGP, la marque ail noir de Billom existant depuis cinq ans. « On a donc racheté la marque en février », précise Laurent Heinis. Deux à quatre ans d’instruction Après le dépôt de la demande d’IGP cet été, les producteurs vont se revoir en octobre. « On est une quarantaine dans la fédération. On regroupe tous les producteurs d’ail, pas que ceux qui font du rose. »
Dans les coulisses de la récolte de l'ail rose de Billom
L’obtention de cette reconnaissance portera spécifiquement sur l’ail rose de Billom de printemps. Il est récolté fin juillet, puis sec et commercialisé en août, d’où la fameuse foire à l’ail de Billom organisée chaque année durant ce mois estival.
L’IGP ne porte que là-dessus. C’est un ail beaucoup plus fort, beaucoup plus riche en allicine. Il se récolte plus tard et se conserve plus longtemps.
Les producteurs auvergnats devront toutefois faire encore preuve de patience. L’instruction de leur dossier devrait durer entre deux et quatre ans. « On attaque, mais ça va avancer », conclut, optimiste, le président de la fédération
Qu'apporterait une IGP à la filière ?L’une des grosses étapes en vue de l’obtention de cette Indication géographique protégée (IGP), c’est la rédaction d’un cahier des charges de culture. « Il faut absolument que ce soit de l’ail rose de printemps et, en face, il faut qu’on ait un contrôle possible pour pouvoir labelliser un lot chez un producteur », précise Laurent Heinis, président de la Fédération des producteurs d’ail d’Auvergne. L’organisme regroupe une quarantaine de producteurs, dont une trentaine spécialisés dans l’ail rose. Ils exploitent une trentaine d’hectares dans le Puy-de-Dôme et espèrent tripler cette superficie après l’obtention de l’IGP.
« Cela a représenté jusqu’à 2.000 hectares dans le Puy-de-Dôme, dans les années 1960. De nos jours, en France, on cultive 2.500 hectares d’ail », compare le président.
Attirer de nouveaux producteursPlus qu’une question de prix, l’IGP doit donner de la visibilité à cette production de 200 tonnes d’ail rose de Billom. « On a créé un logo Ail rose de Billom, un site internet et un film réalisé, cette année, par Raphaël Licandro. Et en plus, on a une confrérie ! Une IGP, c’est une culture sur un terroir avec des savoir-faire et des hommes autour », argue Laurent Heinis.
Pour découvrir toute l’histoire de l’ail rose de Billom et le film de Raphaël Licandro, rendez-vous sur ail-rose-de-billom.fr
La filière espère également attirer et capter de nouveaux producteurs grâce à l’obtention de cette IGP, même si un changement est en train de s’opérer. « On vend l’ail blanchi. C'est-à-dire qu’on le cultive, on le ramasse et derrière, il faut le toucher : couper la racine, enlever la première peau… » Un travail gourmand en main-d’œuvre. « Il faudrait peut-être créer un centre de blanchissage », réfléchit le maraîcher.
Des points fortsSans compter que les producteurs doivent attendre dix ans pour replanter de l’ail sur une parcelle. « On peut le faire au bout de cinq ans, mais le mieux c’est dix. C’est pour cela que traditionnellement, l’ail est une culture de céréaliers et non pas de maraîcher. »
Mais le territoire a aussi une chance : disposer de conditionneurs sur place. Sans oublier que le Site Remarquable du Goût « Les Champs d’Ail de Billom » valorise la culture de l’ail rose, un savoir-faire inscrit au Patrimoine culturel immatériel (PCI) de France. Un plus supplémentaire pour le dossier des producteurs en quête de l’IGP…
Gaëlle Chazal