Matthieu Chedid et Thibault Cauvin se livrent avant leurs concerts : "Vichy c’est particulièrement somptueux"
Si on reconnaît les plus grands à leur humilité, alors Matthieu Chedid et Thibault Cauvin sont de ceux-là. Véritable pudeur et flagrants génies. Passeurs d’enthousiasme, alchimistes artistiques et aventuriers soniques, à la soif inextinguible de régénération.Le premier ? Simplement l’une des plus grandes stars de la musique hexagonale. Le second ? Simplement l’un des plus grands musiciens classiques de sa génération.
Quand Matthieu Chedid et sa soeur Nach chantent incognito à la gare de Vichy
Un CV express qui ne saurait rendre hommage au parcours des deux hommes, que la passion de la guitare a fini par réunir. Deux étoiles filantes lancées l’une vers l’autre à la vitesse de la lumière créative. Et le big bang créa la vie. Celle d’un album déjà indispensable, L’heure miroir. Et celle d’une tournée qui passera par Vichy, cette semaine.
À quelques jours de ces récitals suspendus, les pieds sur la scène de l’Opéra, et la tête dans les étoiles, Matthieu Chedid et Thibault Cauvin ont répondu à La Montagne. Interview croisée.
Vous êtes venu, en amont, découvrir l’Opéra de Vichy, où vous allez jouer jeudi et vendredi. Est-ce que c’est l’écrin idéal pour cette nouvelle aventure musicale ?[Matthieu Chedid] "Pour moi c’est extraordinaire, parce que je n’ai pas l’habitude de jouer dans ce genre de salle, et ça permet déjà de retrouver le sublime d’un lieu, sa vibration, son histoire. Un peu un univers qu’on retrouve plus dans le monde du classique que dans celui de la pop, en tout cas dans mon cas.Et donc évidemment, c’est ça qui me plaît beaucoup dans cette expérience, au-delà de l’expérience musicale, c’est de pouvoir vivre des lieux et de retrouver l’âme des lieux, et l’âme des villes à travers ça. C’est évidemment très profond et une démarche un peu initiatique, comme ça, presque chevaleresque."
Quand on écoute votre album, on ressent une espèce d’évidence. Quand vous avez joué pour la première fois ensemble, vous avez ressenti cela aussi, ou il a fallu trouver le point de rencontre entre vous ?[Thibault Cauvin] "Il y a eu un peu des deux. Il y a eu une évidence musicale, humaine, fraternelle, une évidence aussi, au départ, de sons, qui se mêlaient. Et puis il y a eu beaucoup de travail pour affiner tout ça, parce qu’on ne parle pas toujours la même langue.
Matthieu est un improvisateur, quelqu’un de tout à fait instinctif, alors que moi je pars plutôt de partitions, j’ai une approche de musicien classique
Ces différences ont pu parfois être un peu handicapantes, mais assez vite ce handicap est devenu une force, et en travaillant, on a trouvé ce petit monde qui est incomparable, unique et précieux, je crois."
Vous dites que vous avez beaucoup travaillé autour du son. Qu’avez-vous recherché, autour de vos deux instruments ?[Matthieu Chedid] "L’idée, ça a vraiment été de trouver une union, une unité dans nos deux sons, parce que très facilement l’un peut cacher l’autre, et donc il faut vraiment cohabiter. C’est l’idée du métissage naturel, il faut trouver un équilibre.Il y a eu une forme d’évidence sur certains morceaux, et pour d’autres il a fallu chercher, autant dans les fréquences que dans l’espace qu’on laisse aux choses.
Donc c’est très fraternel comme travail, et ça demande évidemment beaucoup d’écoute, de la compréhension parce qu’on est dans des langages vraiment différents. Il faut comprendre la langue de l’autre pour pouvoir communiquer et dialoguer ensemble."
Comment avez-vous opéré le choix des chansons ?[Thibault Cauvin] "Au départ, l’idée était de remanier les musiques de Matthieu. On a beaucoup travaillé avec mon frère, Jordan, qui est compositeur, arrangeur, et souvent dans l’ombre, mais très précieux, et donc on a resillonné toute la discographie de Matthieu avec bonheur. On voulait partir de ses chansons qu’on aime mais aussi des chansons qui offrent une part de “re-création” possible, ç'a été un mélange entre une histoire de goût, et à la façon dont ça pouvait résonner en moi et en nous avec mon frère.
Et tout cela marchant si bien, on s’est dit que ce serait heureux de poursuivre en remaniant d’autres partitions, donc des musiques de chansons françaises ou internationales ou des grands titres de pop, mais aussi l’idée étant de plonger dans le classique et d’inviter Matthieu dans ce monde-ci. On a pris plaisir à lui livrer des musiques de Bach ou alors Érik Satie, qui ne sont pas pour le disque mais pour les concerts.
Et ça, ça a aussi été une merveille pour moi qui connaissais ces musiques, qui aimais les jouer, qui les a entendues au piano, ou à d’autres instruments classiques. Là, de les voir complètement “chamanisées”, c’est un bonheur.Et puis ce petit monde qu’on a créé nous rendait si heureux qu’on s’est dit que ça serait bien d’avoir quelques inédits, un peu comme des hymnes à notre rencontre. Et alors il y a eu trois compositions, une première qui s’appelle L’heure miroir, c’est un peu l’étendard de l’aventure, une autre au parfum d’Espagne, 13:31, et la troisième à consonance du Costa Rica, Pura vida. Parce que tout le disque est quand même assez coloré de parfums du bout du monde."[Matthieu Chedid] "Il y a un lien au surf aussi, puisque Thibault est un grand surfeur et que moi je découvrais le Costa Rica à ce moment-là. Et puisqu’on est très joueurs, il m’a dit : “Tiens, reviens avec un morceau tant qu’à faire”. Donc de façon un peu spontanée, j’ai trouvé une petite mélodie qu’on a affinée ensemble, avec Jordan aussi. Et c’était l’idée de faire un peu le petit signe du shaka."
[Thibault Cauvin] "Oui, c’est un peu le petit gimmick des surfers, qu’ils font avec la main. Le clip, d’ailleurs, vient de sortir, et il est complètement barré."
Justement, les voyages sont très importants, dans chacun de vos parcours artistiques. C’est aussi cela qui vous a donné envie de vous retrouver, ces envies d’ailleurs ?[Matthieu Chedid] "Oui, c’est d’ailleurs comme si on faisait un voyage ensemble dans un monde parallèle. C’est aussi ça qui est joli dans ce projet, c’est qu’il est à part. Amener un public qui moi, m’identifie en tant que chanteur, pour écouter quelqu’un qui ne chante pas pendant une heure et demie, c’est quand même une expérience (rires).
C’est un saut dans le vide pour nous deux, pour des raisons différentes, et c’est un voyage intérieur, en fait. On adore voyager dans plein de villes et pays différents, et on adore voyager aussi en nous-mêmes. Donc là, c’est un voyage intérieur qu’on s’offre à nous et qu’on offre au public"
Sur scène, vous arrivez encore à vous découvrir l’un l’autre ?[Thibault Cauvin] "C’est ça, tout ce qui nous plaît dans cette aventure. Incessamment, on se déstabilise l’un l’autre, et comme on est tous les deux très gourmands de la différence et des découvertes, il y a un côté très explorateur.
On s’amuse à se surprendre tout le temps, et à essayer de faire toujours de nouvelles choses, et à découvrir de nouveaux territoires.
D’ailleurs, la tournée ne se déroule que dans des lieux remarquables, chargés d’Histoire, avec une architecture folle. Vichy, c’est particulièrement somptueux, mais tous les lieux sont particulièrement inspirants, et nous incitent à faire en sorte que chaque concert soit éminemment unique."
Propos recueillis par Matthieu Perrinaud
Il reste quelques places.? Le concert de ce vendredi 20 septembre affiche complet, mais il reste quelques places pour celui de la veille, jeudi, à 20 heures. De 57 à 72 euros. Informations et réservations sur le site ici et au 04.70.30.50.30.