Cépages anciens ou interdits... Ce musée de Haute-Loire conserve l'histoire du riche passé viticole dans la vallée de l’Allier
Viognier, Pinot noir, Gamay… Ces cépages sont pour la plupart connu des amateurs de vin. En revanche, Villard noir, Couderc, Bertille ou Chambourcin le sont moins. Le musée conservatoire des cépages de la Ribeyre propose de les découvrir. Situé à Saint-Ilpize, sur les pentes bordant la route menant à Chazieux, il est un peu le témoin de l’importante activité viticole dans le secteur lors des siècles derniers.
Un projet né il y a 30 ansLe musée a été créé en 1994 par l’association Les vignerons de la Ribeyre dont faisait partie Roland Vigouroux, spécialiste incontournable de l’activité viticole dans le secteur du Haut-Allier :
" Au départ, on était dix-huit. Avec l’appui de la mairie, on a décidé de créer un musée conservatoire des cépages. Il fallait sauver ce qui pouvait encore l’être et nous étions les derniers à pouvoir le faire. "
La mairie leur a mis à disposition un bout de vigne quasiment à l’abandon. Il a fallu tout refaire de A à Z... " On n’a rien sauvé de la vigne. Tout était en friche. Il a fallu tout remettre en état. Cela a représenté plus de 2.000 heures de travail et le tout, bénévolement ", témoigne Roland Vigouroux. Tout a été débroussaillé, les sols retravaillés tandis que les murets des terrasses ont été reconstruits. Une fois le nouveau musée clôturé, il a fallu passer à la phase ampélographique, c’est-à-dire au choix des cépages, selon différents critères (feuille, grappes, rameaux…) : "On a repris les ouvrages d’un spécialiste pour travailler. On a récupéré des sarments aux alentours qu’on a fait identifier et envoyé à greffer ".
Le musée entretenu par des bénévolesRésultat, le musée, qui s’étend sur 1.500 m², compte 48 cépages différents, pour la plupart interdits ou disparus. Certains sarments étaient tellement vieux que la greffe n’a pas pris.Le maître des lieux, c’est Jean-Louis Bouche dit " Jeannot ". Du haut de ses 90 printemps, celui qui est toujours adjoint au conseil municipal de Saint-Ilpize occupe une partie de son temps libre à l’entretien des plants de vigne du musée. Il est aidé par Rémi Roche, un employé communal s'occupant du relevage de la vigne et d'autres travaux de la vigne. À voir "Jeannot" escalader doucement mais sûrement les terrasses, on sent la force de l’habitude.
" On a peu de moyens mais c’est la passion qui nous guide. J’ai toujours eu de la vigne et fait du vin donc pour moi, c’est naturel de veiller sur cet héritage ",
Il marque un arrêt devant une cabane de vigneron. L’intérieur est assez spartiate. "Ça servait juste à mettre le casse-croûte et le barau, c’est-à-dire un petit tonneau pour mettre le vin. Ça chauffait moins que dans une bouteille. "
Jérémy Virot
L’ensemble des cépages conservés au musée conservatoire des cépages de la Ribeyre
Muscat de Samarkande, Gamay noir, Seibel, Muscat de Hambourg, Seyval Rose, Hybrides divers (vieilles vignes), Sauvignon blanc, Cabernet Sauvignon, Merlot noir, Pinot noir, Syrah noir, Jacquere, Mondeuse, Gamay teinturier, Gamay, Seibel (Seinoir), Seibel, Gamay d’Auvergne, Bertille 14 rouge, Bertille blanc, Terrass, Baco noir, Landot, Noha, Couderc, Florental, Chambourcin, Frankhental, Rouge de Bordeaux (Grec Rose), Villard noir, Seyve Villard, Plant des Carmes, Seibel N1, Seibeil, Orbelin.. et d’autres cépages non identifiés.
" J’ai bu du baco toute ma vie, je n’ai pas l’impression d’être devenu fou pour autant ", s’amuse Jeannot Bouche. Il fait référence à ce cépage hybride interdit par un décret européen dans les années 1930. La législation y pointait notamment une forte quantité de méthanol pouvant impacter la santé. Suite à la prolifération du phylloxéra à la fin du XIXe siècle, les plans hybrides, censés être plus résistants aux maladies, se sont développés, avant d’être interdits au niveau national. « En 1934, des députés ont décidé d’interdire les cépages hybrides parce que ça rendait les gens fous à cause du méthanol », explique Roland Vigouroux.
Récolte sous conditionsLe décret d’interdiction de ces cépages est paru en 1935. " Évidemment, personne n’a respecté cette interdiction ", s’amuse Roland Vigouroux. En 1950, une autre loi est venue s’ajouter pour contraindre à nouveau les vignerons à arracher leurs plans hybrides. À l’heure actuelle, les six cépages interdits en Europe sont le Clinton, le Noah, l’Isabelle, le Jacquez, l’Othello et l’Herbemont. Ils sont interdits à la vente mais pas à la culture. Sur les cépages développés au musée conservatoire de Saint-Ilpize, il est interdit de récolter sauf dans un cas particulier précise Roland Vigouroux. " Avec le Comité des fêtes de Saint-Ilpize, il est possible de récupérer le raisin, de le passer au pressoir et de distribuer le jus aux gens qui viennent à la fête de la vigne." La vinification est par contre interdite. " Il faut faire attention là-dessus, les contrôles sont fréquents ", précise Roland Vigouroux.