Expo Favela Innovation prend pour la première fois ses quartiers à Paris
Expo Favela s'attache à mettre en lumière les startups des favelas et les initiatives entrepreneuriales qui y fleurissent, déjouant ainsi les stéréotypes négatifs trop souvent associés à ces quartiers défavorisés. Depuis sa création au Brésil en 2022, plus de 3 000 projets issus des favelas ont été soutenus, pour plus de 50 millions d'euros investis. En 2024, l'événement porté par la Centrale unique des favelas (CUFA), ONG fondée il y a plus de 25 ans par l'entrepreneur social brésilien Celso Athayde dans le but de faire rayonner l'immense potentiel (économique, culturel, social, etc.) des favelas, se déploie pour la première fois à l'international. C'est en plein coeur de Paris, dans les locaux de l'Albert School, qu'Expo Favela a choisi de poser ses valises. Soutenu par Bpifrance dans le cadre du programme Entrepreneuriat Quartiers 2030, l'événement a permis de mettre en évidence la résonance entre les favelas et les banlieues françaises en termes de dynamique entrepreneuriale et d'atouts économiques.
Un événement qui enjambe les frontières" C'est un projet qui promeut l'égalité des chances et la cohésion sociale. On offre des opportunités à des populations trop souvent marginalisées ", raconte Karina Tavares, directrice de CUFA France et d'Expo Favela, qui a pour l'occasion invité pas moins de 40 entrepreneurs issus des quartiers populaires et des quartiers prioritaires de la ville (QPV) à venir exposer leurs projets pendant toute la durée d'Expo Favela. Dès leur arrivée, les visiteurs de cette première édition internationale ont été accueillis par un édifice constitué entièrement de pneus, dans une forme rappelant sensiblement la Tour Eiffel : une installation conçue par le directeur artistique de l'événement, Daniel Nicolaevsky, symbolisant les difficultés de la périphérie à accéder au centre (économique, entre autres) des grandes villes, que l'on soit à Paris, New-York ou Sao Paulo. Deux jours durant, Expo Favela a donc vécu au rythme des conférences, des ateliers animés par des réseaux d'accompagnement, des tables rondes centrées sur de la littérature des favelas et des banlieues, des activités artistiques comme la customisation de casquettes ainsi que des performances artistiques, entre battle de rap, breakdance et DJ set. Sur la scène principale d'Expo Favela, des sujets fondamentaux ont été tour à tour mis sur la table : inclusion et leadership, l'éducation par le sport, l'ouverture des startups des favelas sur le monde, l'afro-tourisme ou encore la résilience. Née dans une favela, la cheffe Alessandra Montagne Gomes, marraine de l'événement, se souvient des difficultés rencontrées lors de son arrivée en France. " J'ai dû me battre beaucoup plus que les autres. C'est important de donner des opportunités à ceux qui viennent de quartiers difficiles ", témoigne-t-elle. " Les quartiers prioritaires sont un réservoir de solutions, soutient quant à lui Ricardo Neiva Tavares, ambassadeur du Brésil en France. Expo Favela est la preuve que les communautés les moins favorisées, une fois soutenues, sont pleinement capables d'être à la tête de solutions ayant un impact positif. "
De nouvelle opportunités pour 40 entrepreneurs françaisProposer un autre récit des banlieues françaises, mettre en lumière les entrepreneurs des quartiers et les connecter aux investisseurs, tel était donc le but affiché de cette première édition internationale d'Expo Favela. Au coeur de l'événement, 40 entrepreneurs français sélectionnés sur le volet, à l'instar de Charfeddine Hamrouni, fondateur de Leazy, un assistant pédagogique en ligne qui facilite le quotidien des enseignants. Après six mois d'incubation à Station F, la jeune EdTech a été récemment désignée lauréate du programme French Tech Tremplin. " L'incubation commencera en janvier 2025 chez makesense, qui a son propre fonds d'investissement ", confie l'entrepreneur. Leazy a d'ores et déjà réalisé son premier test utilisateur, grâce à un enseignant en informatique impliqué dans l'aventure depuis le début. " Nous allons commencer les phases de test avec son école, et si tout se passe bien elle deviendra potentiellement notre premier client. " Clarisse Dimanche a quant à elle fondé Rock U Support, une application aidant les coachs sportifs en reconversion ou issus de milieux défavorisés à trouver des clients. " Je viens moi-même d'un milieu où j'étais en recherche d'opportunités. J'ai eu la chance de rencontrer les bonnes personnes sur mon chemin, notamment grâce au sport ", livre-t-elle. De son côté, Solange Hebert Mekontchou, fondatrice de Collections Versatile, a reçu le coup de coeur du jury d'Expo Favela pour sa marque éthique de vêtements féminins modulables. " J'ai grandi à Orly (Val-de-Marne). Dans ma carrière, j'ai dû faire face à des discriminations à plusieurs reprises, déplore l'entrepreneure. Je trouve ça génial qu'Expo Favela mette en avant des talents des banlieues et leur permette d'entrer en relation avec différents acteurs. "
Le point de vue des investisseurs et leurs conseils aux entrepreneursExpo Favela marquait également l'occasion pour les entrepreneurs, les uns déjà lancés et les autres en devenir, de s'enquérir des témoignages et conseils des investisseurs. Romain Vidal, cofondateur du fonds d'investissement Teampact.ventures, était notamment convié sur la scène principale au côté de Paul Lê, cofondateur de La Belle Vie, champion de la livraison de courses à domicile, pour évoquer la question de l'investissement dans les banlieues. " Peu importe d'où l'on vient, c'est une question de projet, de capacité à s'entourer, d'aller chercher des clients et du chiffre d'affaires très rapidement ", avance l'entrepreneur originaire d'Evry (Essonne). Figurant aujourd'hui parmi les leaders de la livraison à domicile - l'entreprise a d'ailleurs repris Frichti, en redressement judiciaire, en 2023 -, Paul Lê a néanmoins toujours gardé son attachement à la banlieue et s'est très tôt investi d'une mission de soutien aux entrepreneurs. Lui-même est à l'origine d'un fonds, Unhiders Angels, qui soutient les entrepreneurs issus de quartiers défavorisés. Ses conseils ? Ne pas s'empresser à lever des fonds, mais d'abord consolider son business et trouver le maximum de clients possibles. " Si tu arrives à faire ça, n'importe quel investisseur va te trouver intéressant. La meilleure façon de se faire financer, ce n'est pas d'aller à la porte de l'investisseur, mais d'avoir l'investisseur à sa porte ", déclare le fondateur de La Belle Vie. " Lever des fonds, ça revient à vouloir mettre du kérosène dans une 308 ", relève quant à lui Romain Vidal, dont le fonds Teampact.ventures a notamment convaincu des sportifs tels que Raphael Varane ou Nikola Karabatic d'investir dans des startups à fort impact sociétal. " Vouloir à tout prix lever de l'argent n'est pas logique, poursuit-il. La première étape, c'est de créer une entreprise rentable dès le premier jour. L'investisseur ne montera que dans un train déjà en marche : vous devez d'abord prouver que vous êtes sur les rails. " Or à en croire un entrepreneur expérimenté comme Paul Lê, la révolution est déjà en marche : " Dans dix ou quinze ans, il n'y aura plus de problème de diversité dans la Tech. Ce qui se passe actuellement est une véritable vague, affirme-t-il. On a envie de travailler dans une France qui nous ressemble. "
Quartier Général, le 5 décembre à la Communale (Saint-Ouen) Inscrivez-vous !Cet article a été publié initialement sur Big Média Expo Favela Innovation prend pour la première fois ses quartiers à Paris