Une immense page se tourne à Solignac-sur-Loire, Mikey a fermé son épicerie après 63 ans passés derrière son comptoir
Le 3 mai dernier, un maudit zona le contraignait à interrompre cette activité qu’il a exercée avec tant de passion durant toutes ces années. Aujourd’hui, sa santé est rétablie. Pour autant, il savait qu’un jour ou l’autre, il devrait cesser de tenir sa boutique, faute de repreneur. L’heure de rendre le tablier est arrivée en cette fin octobre car entre temps, il a gagné la maison de retraite de Solignac, le Foyer Bon Accueil dont il fut l’un des fondateurs. Au sein du Foyer Bon Accueil, Mikey entouré de sa famille et du personnel. Photo Jérôme Bay Dans le village, à l’angle de la rue de la Loire, place du Marchédial, juste en face de la mairie de Solignac-sur-Loire, c’est une page immense qui se tourne. Son épicerie, c’était toute sa vie. Elle avait pignon sur rue. L’expression quelque peu galvaudée s’applique ici parfaitement. Le commerce jouissait d’une notoriété qui forçait la respectabilité.L’épicerie avait été ouverte autour de 1925 dans le village.?Photo Vincent Jolfre À l’époque, derrière son comptoir où régnait un joyeux bazar, entre les œufs, les fromages aux artisons, les saucissons et les tablettes de chocolats, Mikey était une figure locale écoutée et respectée. « J’adorais les gens, grands et petits, les petits plus que les grands », explique-t-il à la maison de retraite où il est aux petits soins, la mémoire intacte et l’œil vif, malgré ses 85 printemps. Mikey n’est plus dans son épicerie mais il suit de très près l’actualité solignacoise. Pas une nouvelle ne lui échappe : il délivre à chaque fois une parole de sagesse, lui le philosophe éclairé. Bien entendu, tout le monde continue de l’appeler « Mikey ». Son commerce, il le tenait depuis 1961, date de son retour de l’armée, après un an en Algérie et 28 mois de service militaire. Sa mère lui a demandé naturellement de prendre la relève de l’épicerie. Il n’avait guère le choix.
Son épicerie, c’était toute sa vie...L’épicerie avait été ouverte autour de 1925 dans le village. Sa mère Louise, née en 1899, vendait deux produits principaux : de l’huile et du savon. « Les savons remplaçaient les cendres pour laver le linge. Et l’huile remplaçait le bout de gras dans le fond de la poêle… Elle m’a vite transmis l’appétit dans ce métier », nous racontait en 2016 lorsque nous lui avions consacré un long reportage dans L’Eveil. Plus tard, son père Antonin, lui qui avait fait la guerre de 14-18, allait livrer dans les villages.En 2016 déjà, Mikey avouait : « je vais trop pleurer si je dois arrêter de travailler… »?Photo Vincent Jolfre De toutes ces années passées derrière son comptoir, Michel faisait ce constat sans appel : il a vu défiler des générations de Solignacois.
L’une de mes plus belles histoires, c’est celle de cette famille dont j’ai vu passer cinq générations. J’ai connu l’arrière-arrière-grand-mère Sidonie, l’arrière-grand-mère Antonia, la grand-mère Simone, la mère Christelle et maintenant sa fille?!
En 2016 déjà, il avouait : « je vais trop pleurer si je dois arrêter de travailler… ». Le moment est arrivé mais notre figure locale reste stoïque. Pas question de baisser la garde. Non seulement il s’intéresse à la vie locale mais il reste passionné par le Football club de Solignac qui a fusionné depuis plusieurs années avec le club de Cussac. « Il faut dire que cela s’est bien passé », avoue-t-il aujourd’hui. « J’ai tout fait dans ce club : président, trésorier ou arbitre », rappelle Mikey avec fierté. Aujourd’hui, il en est quelque peu la figure tutélaire. Gare aux joueurs qui auraient de mauvais résultats : l’octogénaire veille scrupuleusement au grain.Photo Vincent Jolfre Au sein du Foyer Bon Accueil, il reste le dernier fondateur encore vivant et s’apprêtait, quand nous lui avons rendu visite, à assister au conseil d’administration. Depuis l’origine, il en est membre assidu. Quand on vous dit que notre figure locale demeure toujours pleinement investie dans son village...
Jérôme Bay