Religion dans les entreprises françaises : discriminations en hausse, tolérance en baisse
Selon le baromètre du fait religieux en entreprise réalisé par l’Institut Montaigne, plus de 70% des cadres et salariés interrogés déclarent observer des manifestations du fait religieux dans leur environnement de travail. Ce chiffre, le plus élevé depuis la création de l’étude en 2013, reflète une tendance à la hausse.
Certains comportements religieux sont devenus plus visibles, comme le port de signes religieux, signalé par 34% des répondants en 2024 contre 21% en 2022. Les demandes d’aménagement de plannings, liées aux pratiques religieuses, suivent cette tendance.
Pourtant le rapport, fondé sur les réponses de près de 1 300 cadres et managers ainsi que 1 400 salariés croyants et pratiquants, souligne que les faits religieux restent souvent malgré tout assez discrets.
Bien que 90% des salariés pratiquants affirment ne pas ressentir d’impact négatif de leur engagement religieux sur leurs relations professionnelles, le rapport met en lumière des discriminations. En particulier, les musulmans restent les plus exposés à des comportements discriminatoires, tandis que les stigmatisations envers les salariés juifs ont fortement augmenté. En parallèle, les comportements négatifs envers les femmes, traduisant certaines pratiques religieuses, sont également signalés dans le rapport. Ces situations restent marginales selon les auteurs de l’étude, mais elles nourrissent un débat sur les limites de la tolérance en entreprise.
Une tolérance en recul
Si la majorité des managers (64%) estiment que la liberté religieuse doit être respectée dans l’entreprise, à condition qu’elle n’affecte pas la qualité du travail, la tolérance globale diminue. L’étude note une hausse des partisans d’une application stricte de la laïcité dans les entreprises privées, atteignant 77% des répondants.
Lionel Honoré qui a réalisé cette étude nuance cependant cette donnée : «Les répondants n’appellent pas à une neutralité stricte, mais à une tolérance encadrée. Il y a une place pour le fait religieux, à condition qu’il ne soit pas perturbateur.»
Pour les salariés pratiquants, la perception de ces règles diffère. Une majorité d’entre eux considèrent que les entreprises sont globalement ouvertes à leurs pratiques religieuses, mais le baromètre révèle un équilibre fragile entre tolérance et rejet potentiel.
L’étude rappelle que le fait religieux au travail dépend fortement des contextes propres à chaque entreprise. Cependant, avec une diversité croissante des pratiques et une visibilité accrue, les tensions deviendraient plus fréquentes.
L’Institut Montaigne, à l’origine de cette étude, observe depuis plus de dix ans l’évolution du fait religieux dans les entreprises françaises. Cette analyse s’inscrit également dans un débat plus large sur la laïcité et la diversité culturelle en France, où la société devient marquée par des principes républicains stricts en matière de neutralité religieuse.