Netanyahou visé par un mandat d’arrêt de la CPI : l’onde de choc en Israël et aux Etats-Unis
L’annonce retentissante de l’émission d’un mandat d’arrêt par la Cour pénale internationale (CPI) contre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, et son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant, pour "crimes de guerre et crimes contre l’humanité" dans la bande de Gaza, a suscité une vague de réactions chez les médias et les dirigeants du monde entier. Une "bombe juridique massive", estime le journal Times of Israël. Qui souligne que "c’est la première fois que la Cour émet de tels mandats d’arrêt contre les dirigeants d’un pays démocratique". Les deux responsables israéliens sont désormais menacés d’être arrêtés s’ils posent le pied sur le sol de l’un des 124 pays signataires du Statut de Rome qui a instauré la CPI en 1998.
Dans le détail, le tribunal de La Haye a déclaré que les deux responsables israéliens portaient "chacun une responsabilité pénale" pour "le crime de guerre que constitue la famine en tant que méthode de guerre, et les crimes contre l’humanité que sont le meurtre, la persécution et d’autres actes inhumains", ainsi que pour avoir "dirigé intentionnellement une attaque contre la population civile", précise le site d’information européen Politico.
"La Cour pénale internationale n’a aucune légitimité"
En Israël, la décision a été largement dénoncée. Premier concerné, Benjamin Netanyahou a qualifié le mandat de "décision antisémite", s’estimant victime d’un nouveau "procès Dreyfus". Tandis que son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, a dénoncé un "dangereux précédent" qui "encourage le terrorisme". "C’est un jour noir pour la justice. Un jour noir pour l’humanité", a ajouté sur le réseau social X le président israélien, Isaac Herzog, qui accuse la CPI d’ignorer "le sort des 101 otages israéliens détenus en captivité brutale par le Hamas à Gaza" et de choisir "le camp du terrorisme". Même dans les rangs de l’opposition, la réaction est vive. "Israël défend les vies de ses citoyens contre des organisations terroristes qui ont attaqué notre peuple, tué et violé. Ces mandats d’arrêt sont une prime au terrorisme", a déclaré le chef de l’opposition, Yaïr Lapid.
Si cette décision risque, d’après le Israël Times, d’isoler complètement Benyamin Netanyahou, "et de compliquer les efforts visant à négocier un cessez-le-feu pour mettre fin à un conflit qui dure depuis 13 mois", les conséquences sont atténuées par l’alliance de l’Etat hébreu avec les Etats-Unis, qui ne sont pas signataires du Statut de Rome et ne sont donc pas tenus d’appliquer l’ordre d’arrestation. "Les Etats-Unis rejettent catégoriquement la décision de la CPI d’émettre des mandats d’arrêt contre de hauts responsables israéliens", a effectivement déclaré un porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, quelques heures après l’annonce. Le prochain conseiller trumpiste à la sécurité nationale, Michael Waltz, a quant à lui affirmé que "la CPI n’a aucune crédibilité", rapporte le quotidien israélien.
Les Gazaouis sceptiques face au soutien américain
La prise de position de Washington est, sans surprise, dénoncée par le Hamas. "Cette décision, que l’administration américaine - complice des crimes de guerre sionistes - a tenté de bloquer pendant des mois en intimidant la Cour et ses juges, constitue un précédent historique majeur", se réjouit le mouvement islamiste palestinien, cité par le quotidien libanais L’Orient-Le Jour. "Elle corrige également une longue trajectoire d’injustice envers notre peuple et une complaisance inquiétante face aux violations atroces qu’il subit depuis 76 ans d’occupation fasciste", ajoute l’organisation classée terroriste par les Etats-Unis comme par l’Europe.
À Gaza pourtant, l’information "est prise avec un peu de scepticisme… Encore une fois, nous connaissons le soutien américain inébranlable", a rapporté ce jeudi Hani Mahmoud, correspondant palestinien présent dans la bande de Gaza pour le média qatari Al-Jazeera.
Les pays de l’UE appliqueront la décision de la CPI
Sur les réseaux sociaux, la réponse du chef de la diplomatie européenne est vite tombée. "Je prends acte de la décision de la CPI de délivrer des mandats d’arrêt à l’encontre de M. Netanyahou, de l’ancien ministre Gallant […]. Ces décisions sont contraignantes pour tous les Etats signataires du Statut de Rome, ce qui inclut tous les Etats membres de l’UE" a-t-il rappelé, insistant sur le fait que ces décisions doivent être "respectées et appliquées".
I take note of the decision of the @IntlCrimCourt to issue arrest warrants for Israel PM Netanyahu, former Minister Gallant, and Hamas leader Deif.
— Josep Borrell Fontelles (@JosepBorrellF) November 21, 2024
These decisions are binding on all States party to the Rome Statute, which includes all EU Member States.
Plusieurs pays de l’Union européenne ont déjà confirmé leur intention d’appliquer à la lettre l’ordre de la CPI. Interrogé sur la question de savoir si l’Allemagne appliquerait un mandat d’arrêt délivré par la CPI dès le mois de mai dernier, le porte-parole du gouvernement Steffen Hebestreit a déclaré lors d’une conférence de presse "bien sûr, nous respectons la loi", ajoutant que Berlin est un soutien "fondamental" de la CPI, rapporte le quotidien britannique The Times. Ce jeudi, les Pays-Bas ont également annoncé se préparer à exécuter les mandats d’arrêt, tandis que la France a affirmé, par la voix de son ministère des Affaires étrangères, que la réponse du pays sera "conforme aux principes de la CPI". L’Irlande, quant à elle, "respecte le rôle de la Cour pénale internationale. Toute personne en mesure de l’aider à mener à bien son travail essentiel doit maintenant le faire de toute urgence", rapporte le site Middle-East Online.
Quelle que soit son issue, ce rebondissement constitue "le développement juridique le plus spectaculaire de l’histoire d’Israël" dont des responsables n’avaient jusqu’alors jamais été visés par des mandats internationaux, juge Eliav Lieblich, professeur de droit international à l’université de Tel-Aviv, auprès de la télévision américaine CNN. Au-delà du risque d’arrestation dans 124 pays, on peut selon le spécialiste, anticiper des implications plus larges, comme une "limitation de la capacité des tiers à coopérer avec l’armée israélienne".