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Les élites du Kenya : aux antipodes de l’entre-soi

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Les investigations ethnographiques sur les élites privilégiant une perspective symbolique sont suffisamment rares pour mériter une recension. Celle-ci apparaît d’autant plus justifiée que se voit synthétisée en l’occurrence une recherche extrêmement sérieuse, s’étalant sur plusieurs années et prenant en considération de nombreux établissements assez dissemblables. S’y dévoile un univers miné par toutes sortes de tensions : raciales (entre Noirs, Blancs et Indiens), ethniques (omniprésentes dans le cadre de la lutte pour la mainmise sur les clubs et leurs ressources), liées aux classes d’âge (essentielles en cette partie du continent) voire aux générations.

Sur fond de corruption généralisée, de népotisme systématique, de patrimoine accaparé, bien détaillés dans ce travail de terrain fouillé, la conclusion qui ressort est celle d’une très grande « porosité » entre le monde des clubs et la société kenyane, loin de l’image de couches supérieures unies qui en seraient largement détachées1.

Stratégies d’évitement

L’aspect le plus original et le plus parlant de l’analyse a trait à la problématique de « l’évitement », du « contournement ». Il ne s’agit pas seulement de décrire des tentatives d’évincer ses concurrents, qui vont parfois se trouver contraints d’aller s’établir ailleurs, dans des cénacles bâtis autour de leur identité quelle qu’elle soit (les clubs étant « en réalité des institutions de la différence »2). Il importe aussi, pour l’auteur, de montrer comment, au sein d’une même structure, peuvent coexister des sous-groupes qui tendent à s’ignorer, se cantonnant dans tel ou tel recoin, comme si plusieurs cliques se juxtaposaient.

La thèse centrale soutenue ici est que bien des clubs kényans cultivent paradoxalement des modes de distanciation sur le plan interne. « Ce constat vient contredire l’idée que les clubs seraient une forme de sociabilité ‘achevée’ qui permettrait l’entretien du capital social des dominants »3.

De telles prédispositions se voient d’ailleurs souvent renforcées par l’architecture elle-même. Dominique Connan ne fait pas uniquement référence à la répartition entre diverses activités sportives (tennis, boulingrin, etc.) ayant chacune leur pavillon, leur bar attitré. Il explique comment des salles séparées et des itinéraires variés permettent d’éviter ceux que l’on ne souhaite pas croiser. Ou encore – et l’on sent bien là l’immense intérêt de la démarche ethnographique privilégiée – en quoi le fait d’arriver délibérément tôt, pour des Indiens ou des Européens, les dispense d’avoir à saluer de nombreux Africains qui, eux, se présentent plus tard.

Des origines aux conséquences de l’africanisation

Le livre s’ouvre inévitablement sur la genèse anglaise des clubs, puis évoque leur implantation dans le cadre de l’empire britannique. La singularité du cas kényan est liée aux origines plutôt aristocratiques de colons blancs (relativement déclassés chez eux) s’installant en quête d’un endroit où ils pourraient peu ou prou voir perdurer leur mode de vie habituel. D’autre part, le Kenya connaît une forte immigration d’origine asiatique cherchant à s’imposer dans le petit commerce, non sans revendiquer (vainement) un semblant d’égalité. L’on songe ici à plus d’un roman, film ou série télévisée ayant décrit (souvent de manière caricaturale) ce petit monde ségrégationniste, les réussites, les échecs des plantations et, précisément, le rôle central des clubs où l’on s’enivre et où les histoires d’adultères ne parviennent pas vraiment à dissiper l’ennui ambiant4.

Viendra le temps des révoltes, de l’indépendance et de l’africanisation (partielle) de ces institutions qui, contrairement à ce qui devait se passer dans certains pays, seront maintenues. Des membres de la nouvelle élite africaine, formée dans les écoles de l’empire, tenteront pour un temps d’y reproduire le style de vie des colonisateurs. Mais la période sera aussi marquée par un profond désir de revanche racial, et très vite, par des luttes sans merci pour le contrôle des clubs, voyant les rivalités inter-ethniques s’affirmer.

Le chapitre 2 nous entraîne vingt ans plus tard, dans les années 1980. Il met beaucoup l’accent sur le golf, en tant que symbole de la volonté d’exister à l’échelon planétaire. Les clubs les plus huppés rêvent d’avoir un parcours qui soit homologué par les instances suprêmes de ce jeu appelé à s’imposer en tant que sport national (tout comme le cricket l’est paradoxalement devenu en Inde ou dans les Antilles anglophones). Ce sur quoi insiste l’auteur ici est une soif de reconnaissance, tournée vers l’avenir et l’extérieur, davantage qu’un ressassement du passé. Ce qui l’intéresse est moins une réflexion en termes de classes sociales « en soi » que le développement subjectivé d’un imaginaire mondialisé. C’est là le seul moment du livre qui semble aller quelque peu dans le sens modernisateur d’une bourgeoisie « extravertie », avide de se positionner internationalement. Toutefois, les chapitres qui suivent sont largement de nature à contrebalancer ce genre de regard.

Le troisième, sur « l’ordre des clubs », raisonne volontiers en termes bourdieusiens de « capital symbolique » et de « luttes de classements ». Il fait état d’oppositions assez classiques dans la littérature sur les clubs élitistes : à commencer par le clivage entre des établissements modernes, très bien équipés, ouverts à quiconque est en mesure de payer les frais d’entrée et les cotisations ultérieures (fort élevés), et d’autres beaucoup plus conservateurs, qui imposent parrainages, interviews préalables, au risque d’être blackboulé. Ou encore, le livre souligne-t-il l’importance consacrée de l’excellence sportive (indépendamment de l’origine sociale), puisqu’il s’agit quand même de briller en la matière, notamment dans le cadre de compétitions inter-clubs.

Cependant, Dominique Connan relève des aspects davantage originaux. Par exemple, alors qu’aux États-Unis il s’avère fréquent de viser toujours plus haut et d’abandonner au fur et à mesure les clubs ne correspondant plus à sa situation, les nantis de la capitale kenyane et de ses environs semblent adopter une logique d’accumulation. Les entretiens révèlent en effet que l’on peut tout à fait user de tel ou tel club à des fins diverses : tenter de se rapprocher de certaines personnes, jouir d’un restaurant de qualité supérieure, pratiquer un sport dans les meilleures conditions… Se pose aussi la question de l’environnement des clubs, selon qu’ils se situent dans les banlieues huppées, en province, ou près du centre de la capitale, posant soit des problèmes d’accès (compte tenu des embouteillages, notamment à la saison des pluies), soit de sécurité (quand ils jouxtent des bidonvilles).

Les « Big men » et les autres

On n’insistera pas outre mesure sur le chapitre 4, justement intitulé « Des dominants désunis », thématique majeure déjà commentée plus haut, sauf à propos de deux points. Le premier concerne l’idée selon laquelle, eu égard à un environnement où perdurent à l’évidence des trames verticales de nature clientéliste et d’incessantes sollicitations de la part des dépendants, les clubs pourraient représenter une sorte de havre pour les « Big Men ». Toutefois, une telle vision va à l’encontre des efforts semble-t-il courants de ces patrons pour imposer leurs protégés dans les clubs (aux effectifs généralement pléthoriques) que le livre évoque amplement par ailleurs.

Dominique Connan s’intéresse aussi à la place des épouses, considérées comme des membres à part entière (les recrutements se faisant en couples). Leur situation est d’autant plus digne d’attention quand on sait qu’a contrario, dans bien des pays, seul le membership du mari compte – ce qui ne va pas parfois sans poser problème en cas de divorce ou de décès. De plus, même si d’aucuns se permettent volontiers des privautés et des propos vulgaires à l’encontre des serveuses, ou si l’on se réjouit ouvertement que les sponsors d’une compétition convient nombre de jeunes hôtesses, l’on ne semble pas du tout dans un scénario à la nigériane, selon lequel se rendre au club avec des girl friends constamment renouvelées tient une place non négligeable dans la constitution d’une image élitiste5.

S’il était besoin, le chapitre 5 enfonce le clou, abondant en histoires éloquentes de détournements de fonds, de fraudes comptables et autres arrangements bien compris. D’où il résulte une réflexion appropriée sur les normes, volontiers ignorées ou instrumentalisées, au sein d’un univers qui était à l’origine fondé sur l’amateurisme à la Britannique. Face à tant de malversations, il arrive que certains clubs engagent un manager idéalement au-dessus de tout soupçon ; cependant, comme Dominique Connan le raconte, la révolte généralisée du petit personnel, coupable de larcins mais loin d’être sans soutiens, peut finir par avoir raison de lui.

Issu d’un travail de thèse, cet ouvrage nous fournit assurément une belle enquête de terrain, prenant parfois le contre-pied d'analyses convenues en sciences sociales. Nous sommes à l’évidence en présence d’une institution d’extraction occidentale, le club, synonyme de prestige collectif et qui se décline ici en diverses formes, plus ou moins éloignées du modèle d'origine. De même, d’ailleurs, que nous avons affaire à toutes sortes de membres (politiciens, dignitaires variés, dirigeants et cadres d’entreprise, professions libérales, expatriés, Kényans blancs, jusqu’aux ex-caddies devenus des champions/moniteurs respectés), rendant difficiles les grandes généralisations. L’image qui se dégage est assez ambivalente, ou si l’on préfère, complexe ; dans tous les cas, elle n’est aucunement celle d’une classe supérieure ou d’une élite unifiée, qui trouverait dans les clubs un instrument de domination sur le reste de la société.


Notes :
1 - À cet égard, soit dit en passant, la quatrième de couverture du livre laisse quelque peu perplexe car elle ne reflète pas du tout les principaux constats du chercheur.
2 - p. 170
3 - Idem
4 - Par exemple, le long métrage de Michael Radford, White Mischief (Sur la route de Nairobi), sorti en 1987.
5 - J.-P. Daloz, Élites et représentations politiques. La culture de l’échange inégal au Nigeria, Pessac, Presses Universitaires de Bordeaux, 2002, pp. 144 sqq.



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