Sur la vague du désastre politique français surfe Ursula von der Leyen, par Emmanuelle Mignon
En quelques jours, la France a vécu deux événements d’une telle intensité émotionnelle qu’il est difficile de résister à leur comparaison. Le 15 avril 2019, les Français et le monde entier voyaient avec consternation la flèche et la charpente de Notre-Dame s’effondrer et le feu se rapprocher de la façade au risque de faire tomber les cloches et, par contagion, les tours. Un monument multiséculaire, consubstantiel au paysage parisien, partait en cendres.
Son sauvetage et sa spectaculaire réouverture résultent de la conjonction d’un faisceau d’énergies : le courage des pompiers, le savoir-faire des métiers d’art, la générosité de la société civile, l’agilité des fonctionnaires, libérés par une loi dédiée des complexités administratives de droit commun, et l’impulsion présidentielle. Quant à l’Eglise de France, profondément discréditée par les abus et rongée par la chute des vocations et le recul de la foi, elle a livré une liturgie grandiose.
C’est avec la même stupéfaction que les Français ont vu, ce mercredi 4 décembre, vaciller les institutions conçues par le général de Gaulle, et qui nous semblaient, comme Notre-Dame, solides et de nature à nous protéger durablement de l’impuissance et des incohérences du régime des partis. Pourtant, en quelques heures, l’inconcevable est arrivé. Une coalition de contraires a fait tomber le gouvernement et mis la France face à une situation que notre Constitution, pourtant si génialement pensée, n’avait même pas envisagée : l’absence de budget. Si plusieurs mécanismes constitutionnels sont susceptibles de conjurer le risque de shutdown, la nomination d’un nouveau gouvernement, capable d’agir au moins quelques semaines, est beaucoup plus incertaine tant celui de Michel Barnier est déjà allé aux limites de l’équilibrisme politique. En quarante ans, la France a perdu son industrie, son prestige international, la maîtrise de ses frontières et celle de ses finances. Elle a dégringolé dans la hiérarchie de la richesse des nations. Son école et ses hôpitaux sont en déliquescence. Ses prisons sont plus criminogènes que le Bronx des années 1980. Et voilà qu’elle ne peut même plus compter sur ses institutions. C’est sidérant.
Les plus optimistes pourraient penser qu’à l’image de Notre-Dame, l’agrégation des ressorts profonds de la société française à la volonté de ceux qui ne se résignent pas, finira par permettre la résurrection de notre vie politique nationale. Rien n’est moins sûr. D’abord parce que, derrière le miracle de Notre-Dame, se cachent deux moteurs puissants qui font, par contraste, cruellement défaut à l’action politique aujourd’hui : la foi et le beau. Ensuite parce que, sur la vague du désastre politique français, surfe une institution de substitution : l’Union européenne et la présidente de sa Commission qui se rêve, de plus en plus ouvertement, en présidente des Etats-Unis d’Europe.
Un véritable gouvernement
Trop préoccupés par nos déboires nationaux, nous avons prêté peu d’attention à la composition de la nouvelle Commission européenne. C’est un véritable gouvernement s’attribuant de manière ostensible des compétences que les traités ne lui confèrent pas, comme le logement ou la défense. Poussée par les Allemands et profitant de la faiblesse de la France, la présidente de la Commission vient de signer le traité commercial du Mercosur avec une communication de chef d’Etat. Consciente que le Green Deal a viré au délire normatif, Ursula von der Leyen veut désormais faire de l’Europe de la défense son habit de lumière pour entrer dans l’Histoire. Sous couvert de renforcer la défense de l’Europe, elle entend donner des gages aux Etats-Unis d’Amérique en sacrifiant l’industrie militaire française et notre indépendance stratégique sur l’autel des achats de matériels américains.
Il faut dire qu’Emmanuel Macron l’a grandement encouragée sur cette voie en proposant que l’Union acquière, au mépris du texte des traités, le matériel militaire que la France, ruinée, ne peut plus s’offrir et ne peut plus exiger des autres, et en offrant de partager l’arme atomique. De l’œuvre du général de Gaulle, il ne restera rien, même pas notre souveraineté nucléaire. Le feu aura atteint les cloches et les tours tomberont.
* Emmanuelle Mignon est avocate et vice-présidente des Républicains (LR)