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Trois hommes et un coup fin

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L’incroyable duel en tête de ce Vendée Globe continue à haute vitesse en cette 38e journée de course. Yoann Richomme (PAPREC ARKÉA) avait pris le pouvoir hier après-midi, Sébastien Simon (Groupe Dubreuil) le lui avait volé dans la soirée et Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance), après avoir résolu un problème de voile, l’a récupéré ce midi ! Au pointage de 15 heures, les écarts étaient infimes : le Normand compte 1,8 milles d’avance sur Yoann et 5,3 milles sur Sébastien. 600 milles derrière, leurs poursuivants bataillent et allongent la foulée grâce à la résorption d’une bulle anticyclonique. Justine Mettraux (TeamWork-Team Snef, 11e) l’a démontré à sa manière avec 524 milles parcourus en 24 heures ! Dans l’océan Indien, Tanguy Le Turquais (Lazare, 22e) a dû faire face à un souci technique et Manuel Cousin (Coup de Pouce, 34e) a célébré un anniversaire qui lui tenait très à cœur.

Dalin ralenti, Simon tient bon

« On a décidé de faire un sprint au milieu du Pacifique pour savoir qui est le plus rapide ! » Yoann Richomme a une chapka, des gants et des chaussettes chaudes – « il fait très froid » – mais ça ne l’empêche pas d’avoir un large sourire. « Nous avons un joli bord de vitesse sur une mer pas très formée, 20 nœuds de moyenne, des pointes à 35 nœuds… C’est cool et ça va vite », sourit-il. Le skipper de PAPREC ARKÉA a assuré « avoir crié de joie dans le bateau » en se sachant en tête. Mais ça n’a pas duré. Sébastien Simon a pris les commandes en début de journée, bénéficiant du « bon bord », celui où il dispose d’un foil (son foil tribord étant cassé). Et puis Charlie Dalin est repassé en tête en fin de matinée et conserve une légère avance cet après-midi.

« Leurs performances sont similaires sur ce bord-là en attendant de voir le moment où Sébastien Simon passera sur l’autre bord, à bâbord amure », décrypte Basile Rochut, consultant météo du Vendée Globe. Dans cette bataille de chaque instant, les trois skippers s’épient, se filment parfois, se taquinent aussi. « Ça me fait marrer : à chaque fois que j’ai eu Charlie (Dalin), il me disait ‘il faut que je bricole’. Je voyais bien qu’il devait lui manquer une voile ». Le Normand a en effet reconnu avoir « un souci de voile ». Dans une vidéo, il raconte la suite : « C’était un peu compliqué de travailler dans la soute à voile avec le bateau qui avançait à 30 nœuds. J’ai mis 36 heures pour réparer mais ça y est, je suis heureux d’annoncer que MACIF Santé Prévoyance est à 100% de son potentiel ! »

Derrière, recomposition en cours

Loin derrière le trio de tête, l’écart avec les poursuivants semble pour l’instant figé. Mais pour ce groupe, désormais mené par Nicolas Lunven (Holcim-PRB, 4e), l’essentiel est ailleurs : ils vont enfin pouvoir lâcher les chevaux après plusieurs jours bloqués par une maudite bulle anticyclonique. Ils sont en effet rattrapés par un front dont bénéficie actuellement Justine Mettraux (Teamwork-Team Snef). La Suissesse en a sacrément profité : elle a parcouru 524 milles en 24 heures (avec une moyenne de 21,83 nœuds).

Derrière, Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence, 12e) et Samantha Davies (Initiatives Cœur, 13e) sont désormais dans un autre système. Et ça s’annonce plutôt chaotique : du vent perturbé au programme puis des zones de vent faible, puis du près… « Faire du près dans les mers du Sud, ce n’est pas ce qui donne le plus envie », reconnaît Samantha Davies qui reste optimiste : « il ne faut pas baisser les bras, on n’est qu’à mi-chemin ».

Le duo Crémer-Davies progresse à environ 400 milles devant un autre duo composé de Benjamin Dutreux (GUYOT environnement – Water Family, 14e) et Romain Attanasio (Fortinet – Best Western, 15e). Eux aussi vont devoir composer avec « une alternance de calme, du près et un passage de front » dixit Basile Rochut. Contacté à la vacation, Romain en dit plus :

C’est du délire ! L’océan Indien n’a pas été facile, la mer est dans tous les sens, le vent c’est n’importe quoi et ça se termine en beauté ! On va être obligé de faire du près, ce n’est pas vraiment ce qu’on attendait… Ça ne me plait pas mais c’est comme ça ! C’est presque pire pour les filles (Clarisse et Samantha). C’est sûr que c’est fatiguant, il y a des moments où tu te dis « à quoi bon » ! Le démâtage de Pip (Hare), ça nous a fait un choc avec Benjamin (Dutreux) et ça nous a poussé à rester tranquille.

Romain Attanasio
FORTINET – BEST WESTERN

Toujours plus
Le groupe mené par Sébastien Marsset (FOUSSIER, 23e) s’apprête une nouvelle fois à être rattrapé par un front. Au menu ? Une trentaine de nœuds de moyenne et des rafales à 50 nœuds ! Derrière, Guirec Soudée (Freelance.com, 29e) progresse lui aussi dans du vent fort et doit surtout faire avec une mer formée et des creux de 6 mètres, tout comme Kojiro Shiraishi (DMG MORI Global One, 30e) et Oliver Heer (Tut gut., 31e).

« Une emmerde par jour ou plus » comme disait le Prof’ Michel Desjoyeaux, un credo qui concerne pas mal de monde dans la flotte. Il s’agit de s’accrocher, de résister, de réparer et de repartir de plus belle. Tanguy Le Turquais (Lazare, 22e) a confié faire face à un décollement d’un longi (un renfort structurel qui supporte les efforts exercés sur la coque autour des zones sollicités pendant les manœuvres ou des conditions difficiles). Il a pu repartir dans la foulée. De son côté, Szabolcs Weöres (New Europe) s’est amarré à Cap Town, deux jours après son abandon. Si la déception est encore vive – « j’ai été déprimé » – il préfère « rester positif ». « Je venais de nulle part dans la course au large, confie-t-il. J’ai réussi à devenir un skipper, à être à l’aise en IMOCA, à prendre le départ du Vendée Globe ». Et il conclut : « je peux être fier de moi et de mon équipe ».

Une déclaration d’amour
Pour le reste de la flotte, il y a toujours des petits moments suspendus subsistent et procurent de belles émotions. « Le Vendée Globe, c’est un ascenseur émotionnel », sourit Manuel Cousin (Coup de Pouce, 34e) qui « a vécu 24 heures vraiment difficiles dans une cellule orageuse ». Le marin a tenu bon et peut savourer, en ce mercredi, un anniversaire un peu particulier. Sa voix est teintée d’enthousiasme, ses mots sont simples et ils forment une belle déclaration d’amour au cœur de l’océan Indien :

C’est un grand jour pour moi parce que nous fêtons nos 20 ans de mariage. Bon anniversaire Sandrine ! C’est incroyable de fêter ça en progressant au Sud de l’Australie. Elle est ma femme mais elle est bien plus que ça pour moi. C’est elle qui gère l’équipe, c’est elle qui a beaucoup de poids sur les épaules. Ce n’est jamais facile à gérer avec la distance, les problèmes qu’on rencontre et tous les moments durs que l’on subit en étant impuissant. Il faut être fort dans sa tête pour se lancer ensemble dans ce genre d’aventure. Et de l’avoir à mes côtés, tout le temps, c’est très important pour moi. Je sais que tous les autres skippeuses et skippeurs se reconnaîtront dans mes mots, dans la reconnaissance que l’on a pour ceux qui nous épaulent, nous entourent et nous soutiennent au quotidien.

Manuel Cousin
Coup de Pouce

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