Vaccins contre le cancer, Alzheimer… Dans la santé, ces dix progrès très attendus en 2025
Retour au pouvoir de Donald Trump aux Etats-Unis, poursuite des guerres un peu partout sur la planète, ralentissement économique et même une nouvelle pandémie qui semble toute prête à émerger avec la mauvaise gestion de la crise de la grippe aviaire outre-Atlantique… C’est peu dire que 2025 ne s’annonce guère sous de bons auspices. Heureusement, l’espoir pourra, encore une fois, venir de la science, avec de multiples avancées qui semblent sur le point de déboucher sur de réels progrès, en particulier dans le champ de la santé. Développées par la recherche publique ou par des industriels, révolutionnaires ou simplement incrémentales, dix innovations à suivre en 2025 ont été sélectionnées par L’Express. Toutes n’aboutiront pas immédiatement à des applications concrètes, évidemment, et certaines, peut-être, n’atteindront pas le destin révolutionnaire qui leur est promis. Mais une chose est sûre, toutes seront au cœur de l’actualité scientifique et médicale des prochains mois.
Les vaccins, une nouvelle arme anticancer
Les vaccins contre le cancer ont suscité de grands espoirs au début des années 2000, avant de connaître une succession d’échecs. Ils reviennent à présent en force. "Il y a eu une accélération depuis deux ou trois ans, avec des résultats encourageants dans des études de phase 2, dont on saura bientôt s’ils sont confirmés par des essais à plus large échelle", constate le Dr Stéphane Champiat, oncologue et auteur de Immunothérapies (Guy Trédaniel). Un peu comme avec les vaccins contre les maladies infectieuses, il s’agit d’éduquer le système immunitaire à repérer un ennemi - ici, les cellules tumorales. Si le succès est au rendez-vous, ces thérapies préviendront les rechutes, après la chirurgie.
Plusieurs stratégies se trouvent en développement. Les vaccins personnalisés, d’abord : la tumeur de chaque malade est séquencée, puis un vaccin adapté à ses mutations est mis au point. L’ARN messager, qui rend possible la fabrication d’injections en quelques semaines, est au cœur de cette révolution. Le laboratoire Moderna (avec Merck/MSD) a des essais de phase 3 en cours dans le mélanome et le cancer du poumon. Son concurrent BioNtech suit de près, également dans les cancers ORL, du côlon et du pancréas. D’autres sociétés développent en parallèle des vaccins contre des mutations fréquentes dans certains cancers, une stratégie plus facile à mettre en œuvre que les vaccins personnalisés.
"Nous espérons aussi beaucoup des virus oncolytiques", complète le Dr Champiat. Injectés dans une tumeur, ces virus la détruisent, et en même temps, alertent le système immunitaire, qui va apprendre à repérer et éliminer les cellules tumorales potentiellement présentes ailleurs dans l’organisme ou qui apparaîtraient ultérieurement. Un traitement de ce type au moins pourrait arriver sur le marché américain dès l’an prochain. "Tout ne fonctionnera sans doute pas, ou pas chez tout le monde, et ces vaccins seront probablement utilisés en association avec d’autres thérapies", souligne Stéphane Champiat. Mais l’espoir d’élargir encore l’arsenal anticancer est là.
Les xénogreffes : des organes de porcs pour l’Homme
2025 sera-t-elle l’année des greffes d’organes de porcs génétiquement modifiés ? Le domaine des xénogreffes, qui fait des bons géants depuis peu, nourrit de nombreux espoirs. En novembre 2024, des médecins de l’Institut Langone Health (New York, Etats-Unis) ont réussi la première greffe d’un rein génétiquement modifié sur Towana Looney, une patiente de 53 ans. "Elle semble bien se porter, nous sommes en train d’analyser ses prélèvements biologiques", indique le Dr Valentin Goutaudier, néphrologue et chercheur à l’Institut de transplantation de Paris, qui travaille en étroite collaboration avec l’Institut Langone Health. Pour l’instant, ces opérations restent des procédures de dernier recours, pour des malades qui n’ont plus d’autre solution. Mais les scientifiques ambitionnent de démontrer que cette technique est sûre et qu’elle peut remplacer les greffes d’organes humains.
"L’étape d’après, c’est la mise en œuvre d’essais cliniques qui incluent plusieurs patients, ajoute le chercheur. Le but sera de tester différentes modifications génétiques sur les organes de cochon, mais aussi de définir les procédures, protocoles et les traitements à donner aux patients [NDLR, afin qu’ils ne rejettent pas la greffe]." Les discussions entre les autorités américaines et les scientifiques concernant ces essais cliniques restent pour l’instant confidentielles. "Mais de nouvelles avancées sont prévues pour 2025", assure le Dr Goutaudier. Le cas de Towana Looney influencera probablement les décisions. Mieux la patiente se portera, plus sa vie sera prolongée et plus les projets d’essais cliniques auront des chances d’être validés. S’ils se montrent concluants, cela pourrait radicalement changer le domaine de la transplantation en palliant le manque chronique d’organes humains.
Les applications hors obésité des agonistes du GLP-1
S’il y a bien une famille de molécules déjà commercialisées qu’il faudra suivre en 2025, c’est celle des GLP-1. Les "Glucagon-like peptide-1", plus connus sous certains de leurs noms commerciaux (Ozempic, Wegovy…) ont été développés initialement contre le diabète de type 2 et l’obésité, mais on dit d’eux qu’ils pourraient guérir le cancer, Alzheimer, les addictions, la dépression, les problèmes cardiaques, rénaux, ou vasculaires. L’intérêt est réel : 2 000 essais cliniques ont été lancés, d’après le site ClinicalTrials.gov. Après l’euphorie des derniers mois, l’année 2025 devrait permettre de faire le tri entre les vrais espoirs et les fausses promesses.
Une large partie des espérances provient de données acquises auprès de patients diabétiques ou en situation d’obésité, deux pathologies qui font elles-mêmes le lit de nombreux autres maux. Si ces médicaments semblent avoir des propriétés anti-inflammatoires indépendantes de leur effet sur le poids, les bénéfices répertoriés jusqu’ici sur le cœur, le foie, les reins ou le système nerveux pourraient s’avérer le résultat de l’amélioration générale de l’état de santé des patients traités. L’intérêt de ces molécules chez des malades ne présentant pas ces facteurs de risque spécifiques que sont le diabète ou le surpoids reste à démontrer.
Les CAR-T cells contre les maladies auto-immunes
Les CAR-T cells ont révolutionné la lutte contre les cancers du sang. Derrière ce nom abscons se cache une arme redoutablement efficace : les lymphocytes T, les soldats de notre système immunitaire, modifiés génétiquement pour les aider à mieux cibler les cellules cancéreuses. Ces lymphocytes T sont prélevés sur les patients, transformés par thérapie génique en laboratoire, et réinjectés au malade. Depuis 2018, six thérapies ont déjà été autorisées par l’Agence européenne du médicament, avec des taux de rémission allant de 60 % à 80 %. Un peu partout dans le monde, les scientifiques tentent de déployer cet arsenal contre différents cancers, mais aussi contre d’autres pathologies, et notamment les maladies auto-immunes (lupus, sclérose en plaques…).
Comme souvent en science, l’idée a émergé par sérendipité - en l’occurrence, par l’observation des effets indésirables liés aux premiers CAR-T cell. Ceux-ci ciblaient en effet une protéine appelée CD-19, qui se trouve sur les cellules de certains cancers du sang. Or cette molécule s’avère également présente à la surface des lymphocytes B, justement ceux qui se retournent contre les malades dans ces pathologies liées à des dysfonctionnements immunitaires. "Un médecin allemand, le Pr Schett, a publié récemment une série de cas avec des résultats spectaculaires chez des malades atteints de pathologies très sévères, et jusque-là résistantes à tous les traitements", rappelle le Pr Alain Fischer, immunologue et ancien président de l’Académie des sciences. Les patients ont été placés en rémission durable, sans effets secondaires notables. Le domaine se trouve désormais en pleine expansion, avec de multiples essais cliniques aux Etats-Unis, en Allemagne et en Chine.
L’avènement des thérapies par ARN
La pandémie de Covid a contribué à populariser le concept d’ARN messager, ces instructions transmises par les gènes aux cellules pour produire des protéines. Dans les vaccins, les ARN messagers ont été utilisés pour faire fabriquer par nos propres organismes la protéine spike du virus, afin d’entraîner notre système immunitaire à se battre contre le Sars-CoV-2. Mais cette technologie peut tout aussi bien servir à faire produire à nos cellules des protéines dites "thérapeutiques". Elles viennent alors pallier l’absence de telle ou telle molécule, par exemple à cause d’un gène défaillant. A l’inverse, des ARN peuvent aussi servir à bloquer une production excessive de protéines, parfois aussi à l’origine de maladies. Quelques thérapies de ce type se trouvent déjà sur le marché, mais pour le Pr Alain Fischer, nous sommes juste au début de l’histoire : "Des développements sont en cours dans différentes pathologies rares, et même dans une maladie fréquente, l’hypertension, avec pour certaines d’entre elles des essais chez l’Homme."
Le domaine est toutefois confronté à un défi de taille : réussir à bien cibler les organes visés. "Aujourd’hui, cela fonctionne surtout dans les affections liées au foie car, pour des raisons moléculaires, ces ARN modifiés et injectés en intraveineuse sont principalement captés par cet organe", poursuit le Pr Fischer. De nombreux acteurs travaillent aujourd’hui sur cette question, aussi bien dans le monde académique que dans les laboratoires pharmaceutiques, et des progrès sont à attendre dans les prochains mois.
Les horloges biologiques, témoins de notre vieillissement cellulaire
Qui n’a jamais rêvé de pouvoir monitorer son vieillissement ? Après les capteurs de fréquence cardiaque, les montres qui analysent le sommeil, l’année 2025 pourrait être celle des "horloges biologiques". Leur développement connaît un essor fulgurant, en parallèle de l’émergence des sciences du vieillissement. Pour contrôler l’effet de certaines substances ou mutations sur la périclitation naturelle des cellules, les chercheurs ont développé différents indicateurs, des "marqueurs biologiques", qui permettent de mesurer précisément les évolutions de l’organisme.
Certains industriels n’ont pas attendu que ces outils soient réellement utiles à tout un chacun pour les commercialiser. Ainsi, aux Etats-Unis, il est déjà possible de tester son degré de vieillissement à l’aide d’un simple prélèvement salivaire à faire à la maison. Pour l’instant, impossible de dire à quoi correspondent exactement les résultats donnés. Compter les "transcriptions" cellulaires, le niveau de méthylation de l’ADN, ou la présence de certains taux de protéine dans le sang ne dit pas encore si l’on prend trop vite de l’âge. Mais on s’en rapproche.
L’immuno-psychiatrie, une nouvelle ère pour les maladies mentales
Sera-t-on un jour capable de détecter les maladies psychiatriques grâce à une prise de sang ou un scanner ? Aujourd’hui, leur diagnostic relève exclusivement de la consultation avec un psychiatre. Elles ne peuvent pas encore être identifiées avec des marqueurs objectifs (examens biologiques, imagerie cérébrale), contrairement à d’autres maladies. Raison pour laquelle les diagnostics psychiatriques restent hétérogènes et parfois peu précis. Mais cela pourra bientôt changer. La Fondation FondaMental a lancé le programme Tim-Depist, en collaboration avec neuf centres hospitaliers français, le CNRS et l’université de Bordeaux. Ce projet vise à identifier des patients atteints de psychoses auto-immunes grâce à des marqueurs biologiques, mesurables avec une prise de sang, puis à tester l’efficacité d’un nouveau traitement. De 10 à 25 % des psychoses seraient en effet liés à une réaction auto-immune liée à la présence dans le sang d’autoanticorps qui, au lieu de protéger contre les intrusions extérieures, attaquent le cerveau du patient, en ciblant les neurotransmetteurs.
"Nous avons commencé, depuis décembre 2024, à inclure des patients psychotiques", explique le Pr Marion Leboyer, psychiatre aux hôpitaux universitaires Henri-Mondor (AP-HP, Créteil) et directrice de la Fondation FondaMental. Une fois ceux atteints d’une psychose auto-immune identifiés, ils seront intégrés dans un essai clinique qui débutera en 2025. Les patients seront séparés en deux groupes : l’un recevant le traitement habituel, l’autre bénéficiant en plus d’une immunothérapie ciblant les autoanticorps. Si cet essai clinique est couronné de succès, il ouvrira la voie à une nouvelle psychiatrie, dite de précision. Le but : identifier plus précisément les troubles psychiatriques, leurs causes et leurs mécanismes. "Il s’agirait d’un véritable changement de paradigme de la psychiatrie", analyse le Pr Leboyer. Une nouvelle ère qui nourrit de nombreux espoirs, aussi bien chez les médecins que les patients.
Des jumeaux numériques pour combattre Alzheimer
Les jumeaux numériques, déjà utilisés dans l’industrie, commencent à s’imposer dans l’univers de la santé. Depuis plusieurs années, des start-up développent des modélisations en 3D des organes des patients à partir d’images prises par scanners et IRM, pour aider les chirurgiens à préparer leurs interventions et rendre les opérations moins invasives et moins risquées. Avec les progrès conjugués de l’IA et de l’imagerie médicale, il devient possible d’aller encore plus loin, et la France entend bien se positionner sur cette technologie d’avenir. Un vaste projet appelé Meditwin a été lancé voilà un peu plus d’un an sous l’égide de France 2030, réunissant entre autres Dassault System, l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique, sept Instituts hospitalo-universitaires et plusieurs start-up.
Des développements sont à attendre dès cette année en cardiologie, en cancérologie et même… en neurologie. Plusieurs acteurs travaillent en effet sur des modèles individualisés pour prédire l’évolution de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, à partir d’imageries, mais aussi de données cliniques et biologiques. Ces outils devraient aussi permettre de simuler l’effet de nouveaux traitements, ou d’aider au repérage précoce des malades, afin de les inscrire dans des parcours de prévention, pour essayer de ralentir les manifestations des lésions.
L’intelligence artificielle pour créer les médicaments du futur
L’intelligence artificielle (IA) bouleverse de nombreux domaines et l’industrie pharmaceutique ne fait pas exception. L’espoir : qu’elle accélère la découverte de médicaments. Traditionnellement, il faut en moyenne entre dix et quinze ans, et de 1 à 2 milliards d’euros pour qu’une molécule atteigne le marché (1 sur 10 y parvient seulement). Les chercheurs doivent en effet explorer des millions de combinaisons chimiques pour identifier celles qui seront à la fois efficaces et sûres pour les patients. C’est dans ce contexte que l’IA pourrait intervenir. Certains modèles sont déjà utilisés pour analyser d’immenses bases de données sur les structures chimiques et leurs interactions biologiques.
Certaines entreprises parient que cette approche pourra considérablement réduire le temps nécessaire pour proposer des candidats médicaments, passant de plusieurs années à quelques semaines. D’autres tentent de modéliser les réactions entre molécules et cibles biologiques, dans l’espoir de réduire les besoins d’expérimentations en laboratoire, ou encore d’anticiper l’efficacité d’une molécule et ses effets secondaires. Des entreprises comme Exscientia et Insilico Medicine ont déjà lancé des essais basés sur ces technologies. Parmi les projets les plus attendus en 2025, on trouve AlphaFold Drug Design, développé par DeepMind, une filiale de Google. Après des premiers succès encourageants, AlphaFold doit s’entraîner à la prédiction des structures protéiques. Le but : concevoir des candidats médicaments ciblant des protéines impliquées dans des maladies complexes comme le cancer ou Alzheimer. Si ces avancées se confirment, elles marqueront un tournant dans la médecine de précision, en simplifiant les tests précliniques et en développant des traitements personnalisés.
Les folles promesses des neurotechnologies se concrétisent
Demain tous équipés de "neurotechnologies" ? La révolution promise par ces implants qui enregistrent et modifient l’activité cérébrale est déjà en cours : avec ces dispositifs, désormais précis au neurone près, les chercheurs de l’Ecole polytechnique de Lausanne en Suisse, ou encore de l’université de Stanford aux Etats-Unis, arrivent déjà à faire remarcher des patients paraplégiques, à rendre la parole aux muets et à redonner à des patients atteints de la maladie de Parkinson le contrôle de leur corps. Mais pour l’instant, seules quelques centaines de patients en bénéficient. "Pour sortir des laboratoires dès 2025, ces puces installées sur le crâne ou dans le cerveau devront gagner en fiabilité, en facilité d’implantation et d’usage", souligne Stephan Chabardes, neurochirurgien au CHU de Grenoble. Un défi scientifique et technologique.
En plus de leur intérêt thérapeutique, les industriels comme Elon Musk veulent les commercialiser pour le loisir. Aujourd’hui, l’entreprise du milliardaire, Neuralink, parvient seulement à retranscrire des pensées en Tweet. Sans pour autant parvenir à comprendre notre petite voix intérieure : ces technologies ne font qu’associer un type d’activité cérébrale à une tâche à exécuter. Donnez-leur une pensée inconnue, elles n’en feront rien. Du moins, pour le moment…