Les laiteries coopératives des villages spadois

Au début du 20^ième siècle, le fermier possède en général quelques vaches, et bien souvent pour subvenir à l’entretien de son ménage, il est obligé de parcourir les travaux. Pour écouler sa production laitière, il écrème son lait, fabrique son beurre avec sa baratte et vend lui-même ses produits en se rendant dans la ville la plus proche.

Peu avant la 1^ière Guerre mondiale, la demande grandissante de produits laitiers amène les agriculteurs à s’associer pour défendre leurs intérêts en commun. Dans beaucoup de villages ardennais, des laiteries coopératives voient le jour.

 Mais cela ne fut pas toujours facile, ces associations furent le fruit d’âpres discussions car l’investissement était souvent très important : construction ou location du bâtiment, rémunération du personnel (gérant, demoiselle de laiterie, « tourneur » pour l’activation de l’écrémeuse avant l’électrification, …), achat du matériel (écrémeuse, malaxeur, baratte, …). Dans plusieurs villages (Jalhay, Solwaster, Jehanster, Hèvremont-Limbourg, …), l’individualisme de certains agriculteurs aboutira même à une scission au seing de la coopérative existante pour en créer une nouvelle, souvent quelques centaines de mètres plus loin.

A Nivezé, la laiterie coopérative « Le Progrès » est fondée en 1907 ; elle était située rue Pré Jonas. Cette coopérative a vu le jour grâce à la ténacité de Jean Hansoulle-Blaise. Dans un premier temps, elle sera installée dans un bâtiment appartenant à Marguerite-Joséphine Gernay (épouse Emile Boulanger négociant à Arbrefontaine), situé près de l’emplacement actuel de la salle l’Aurore. Le loyer annuel était de 200 francs. En 1911, la coopérative construit une nouvelle laiterie en face de son premier local.

Pendant « la grande guerre », la laiterie de Nivezé a obtenu les louanges de l’Administration Communale de Spa pour son importante participation dans les secours donnés à la ville. En effet, en 1916, elle a fourni 21.111 litres de lait écrémé à l’œuvre de « la Brioche Scolaire » et l’année suivante, 11.614 kilos de beurre ont été remis au ravitaillement et cela malgré l’obligation de fournir plus de 100.000 litres de lait aux soldats convalescents allemands.

Le beurre produit est de très bonne qualité ; en 1932, il a reçu la médaille d’or au Grand Concours International de Boulangerie à Paris. Vers 1960, la régression de l’agriculture dans notre région va faire disparaître au fil du temps les petites laiteries coopératives villageoises au profit de laiteries plus importantes.

La laiterie « Le Progrès » cesse ses activités en 1966. L’année suivante, le bâtiment est vendu aux époux Guermonprez-Jérôme.

Sur ses 59 années d’activité, la laiterie coopérative nivezétoise a connu plusieurs gérants : Léopold Arnould (10 mars 1907 à janvier 1911), Henri Torfs (janvier 1911 à décembre 1923), Edouard Jérôme (décembre 1923 à décembre 1924), Henri Pironet (décembre 1924 à 1955) et René Maas (1955 à 1966).

A Creppe, c’est au début des années vingt qu’est créée la société coopérative dénommée « Laiterie La Fraineuse ». Le local de cette laiterie était situé rue de l’Eglise n°85, juste en face de l’église Saint Joseph ; initialement, c’était une étable. Le gérant de la coopérative s’appelait René Fassin. La laiterie disposait d’une source dont l’eau servait à laver les tonneaux et les cuves. La laiterie cessa, semble-t-il, ses activités vers 1950. Le bâtiment deviendra par la suite une habitation privée.

Plus tard, de nombreux agriculteurs creppelains deviendront membres de la laiterie de Nivezé. L’horticulteur nivezétois Henri Maas récoltait les cruches de lait dans les fermes de Creppe avec sa camionnette.

A Winamplanche, c’est vers 1925, sous l’influence de Jean Joseph Gernay-Chalsèche, que plusieurs fermiers fondent une laiterie coopérative. Elle portait le nom de « Laiterie Saint André » du nom du saint paroissial. Le bâtiment de la laiterie se situait non loin du ruisseau l’Eau Rouge, sur le territoire de la commune de La Reid, au n° 791 à Winamplanche. Le gérant s’appelait Hubert Lagamme.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, à la suite des mesures rigoureuses prises pour l’approvisionnement du pays, la structure de l’industrie laitière est bouleversée. La pasteurisation devient obligatoire, ce qui entraîne la fermeture ou l’arrêt des petites laiteries. Les autres reçoivent le monopole dans un rayon de récolte ou disparaissent à leur tour. La transformation et le commerce des produits laitiers ne seront libérés qu’en 1948.

En 1948, à la reprise des activités, c’est le Desniétois René Raxhon qui gère la coopérative winamplanchoise. Mais la reprise est de courte durée, le jeudi 1^er septembre 1949, la laiterie est vendue en vente publique par le notaire spadois Léon Plomteux. Ci-dessous, un extrait du carnet des relevés de la ferme appartenant à Albert Archambeau-Defossez, avec les quantités fournies et divers renseignements. La laiterie de Winamplanche a été rachetée par un particulier qui l’a transformé en habitation privée.

Par la suite, la collecte du lait dans les trois villages sera effectuée au profit de la « Beurrerie du Pays de Franchimont » qui, elle-même, sera absorbée en 1993 par la « Laiterie régionale de Herve ».

En juillet 1909, certains marchands de beurre accusent les laiteries coopératives de falsifier leur beurre. Dix-sept laiteries coopératives, principalement des laiteries du Pays de Franchimont, décident de se fédérer et de réagir. Ce sont : Le Progrès à Nivezé, Laiterie Saint-Hubert à Surister, Les Ardennes à Ster, La Hoëgne à Solwaster, La Concorde à Sart-lez-Spa, Laiterie Saint-Roch à Jehanster-Polleur, La Jalhaytoise à Jalhay, Laiterie Saint-Michel à Jalhay, L’Union à Francorchamps, Les Montagnes à Charneux-Jalhay, Laiterie Sainte-Marie à Basse-Bodeux, Les Amis Réunis à Bra-sur-Lienne, La Gileppe à Goé, Laiterie Coopérative à Hèvremont-Limbourg, Hèvremontoise à Limbourg, Laiterie Saint-Isidore à Hierlot-Lierneux, Laiterie Saint-Monon à Jevigné-Lierneux.

Jean Lecampinaire

Sources :

Creppe sur la voie du temps passé (P. Gendarme – J. Lohest – 1989)
Des hommes et des vaches (J. Pirnay – 2008)
La petite histoire du village de Nivezé (A. Hans – 2011)
Madame Joseph Starck-Ledoyen
Messieurs Raymond Archambeau, Lucien Brodure, Jacquy Dohogne, Paul Gernay, Georges Ledoyen, Arthur Maas