Gouvernement: le coup de semonce de LR et Retailleau sur la proportionnelle
Scène curieuse dans la cour de Matignon: reçu avec M. Retailleau, qui l'a battu à plate couture pour la présidence du parti, et avec son homologue au Sénat Mathieu Darnaud, le patron des députés LR Laurent Wauquiez s'est dit à la sortie "consterné" par son échange avec le Premier ministre.
"On a donc un pays dans lequel on a l'explosion de la dépense publique, des difficultés sur la sécurité et l'immigration contre lesquels se bat Bruno Retailleau, un pays dont on voit les difficultés de fonctionnement des services publics, et la priorité du Premier ministre est donc le changement des règles électorales", a cinglé Laurent Wauquiez.
Nouvel homme fort de LR, qui s'affichait pour la première fois devant la presse avec son concurrent battu, Bruno Retailleau s'est montré plus policé mais tout aussi explicite: comme ministre de l'Intérieur, il refusera de porter cette réforme, cheval de bataille depuis trois décennies de François Bayrou, qui multiplie les consultations partisanes sur le dossier.
L'ex-sénateur de Vendée a redit son opposition "très ferme, absolue à ce mode de scrutin" qui "pourrait déséquilibrer les institutions de la cinquième République, qui a besoin d'une majorité pour bien fonctionner" et "prendre des décisions".
"L'éparpillement auquel le mode de scrutin (proportionnel) conduirait est en réalité profondément déstabilisant pour le pays", a-t-il fait valoir. "Au moment où il faut prendre des décisions, le scrutin proportionnel à travers cette ingouvernabilité amènerait finalement à une forme d'impuissance publique".
Bruno Retailleau a aussi souligné que la proportionnelle "écartèlerait une fois de plus, encore un peu plus la France des territoires ruraux et la France qui est plus urbaine", rappelant que la droite était "attachée" au fait "qu'il y ait un enracinement", un "lien entre le député, son territoire et la population qu'il représente".
"Une négociation politique"
Cette sortie commune et alignée des LR jette un doute sur la possibilité de survie du gouvernement de François Bayrou, dépourvu de majorité absolue à l'Assemblée nationale.
Le patron du MoDem est par ailleurs sous la menace d'une censure sur divers sujets, comme l'issue du conclave entre partenaires sociaux sur la réforme des retraites, mais surtout sur le projet de loi de finances pour 2026.
Un casus belli de la droite sur le mode de scrutin ? "LR ne va pas quitter le gouvernement sur ce motif", assure une source proche du nouveau patron du parti. Mais "c'est une négociation politique".
Quitter le gouvernement, que les LR ont rejoint après la dissolution et les législatives de 2024, "il faut que ça ait du sens". "Il n'y a pas de calendrier idéal" mais "il faut que le timing soit compréhensible", explique cette source, évoquant les dossiers de la Nouvelle-Calédonie ou de l'évolution institutionnelle de la Corse.
François Bayrou défend cette réforme du mode de scrutin pour l'élection des députés au nom de la représentativité, sur le modèle de 1986, seule élection à la proportionnelle de l'histoire de la Ve République, adoptée par François Mitterrand et immédiatement abrogée par la droite revenue au gouvernement.
Le Premier ministre, qui a entamé le 30 avril une série de consultations des forces politiques, reçoit mardi soir les Écologistes. Un projet de loi pourrait être examiné à l'automne.
Le bloc central est divisé. Comme LR, Horizons, le parti d’Édouard Philippe, est opposé à cette réforme. Les macronistes ont changé d'avis sur le sujet, considérant que le scrutin uninominal majoritaire est désormais "le moins pire".
Le RN, favorable à une proportionnelle avec une prime majoritaire, a indiqué qu'il pourrait s'accommoder du modèle de 1986.
A gauche, le Parti socialiste n'a pas encore arrêté sa position sur la proportionnelle, qui n'est "pas la priorité" du leader communiste Fabien Roussel, tandis que les députés de La France insoumise défendent une proportionnelle "à un échelon régional", tout comme le parti Place publique de Raphaël Glucksmann.