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Affaire Jubillar: le doute ne tient parfois qu’à un fil

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Dans une procédure pénale de type anglo-saxonne, Cédric Jubillar, reconnu coupable d’avoir tué sa femme Delphine dont le corps n’a jamais été retrouvé, aurait-il pu obtenir un verdict différent ? Ses avocats ont fait appel de cette condamnation. Analyse et comparaisons.


If a person is innocent of a crime, then he is not a suspect (en v.o.).
(Lorsque l’on est innocent d’un crime, l’on n’est pas un suspect, en v.f.)
Edwin Meese, secrétaire à la justice de Ronald Reagan.

Combien il est malaisé pour le juré de se faire une opinion propre, de ne pas épouser celle du président.
André Gide, « Souvenirs de la cour d’assises ».


En l’absence de preuves formelles, Cédric Jubillar, au nom du peuple français, vient d’être reconnu le 17 octobre coupable du meurtre de son épouse. Voilà un verdict qui appelle quelques réflexions générales sur la procédure pénale française (comportant quelques comparaisons avec le droit processuel anglo-saxon « noir sur blanc », lequel est plus protecteur des droits de la défense), qui peine à se dégager du carcan idéologique de la Sainte Inquisition.

D’abord, il y a la mentalité surtout française (mais pas seulement). Si l’accusé jouit de la présomption d’innocence selon les doctes traités de procédure pénale, il n’en va pas toujours de même en pratique : quand il y a procès pénal, « ce n’est pas pour rien ».

En ce qui concerne notamment la phase préalable au procès, est bien connu le problème des instructions menées à charge (qui n’est d’ailleurs pas un monopole français). Grâce, par exemple – à tout seigneur tout honneur – à Fabrice Burgaud, qui est déjà passé à l’Histoire, il n’est plus à démontrer que les enquêteurs et les juges d’instruction (et les procureurs où est en vigueur la common law) le moindrement expérimentés sont en mesure d’orienter le processus et de manipuler les témoins. A fortiori, il est plus facile de « piéger » un suspect/accusé, qui a rarement les armes, notamment psychologiques, pour se défendre contre une infernale machine judiciaire; les contradictions ou incohérences alléguées du gibier ne prouvent rien dans un sens comme dans l’autre. Voilà d’ailleurs pourquoi le droit au silence en tout temps revêt un caractère sacré dans les ressorts anglo-saxons.

Quant aux juridictions de jugement, on constate en France la raréfaction des jurés populaires. Il est bien connu que les magistrats professionnels, qui sont des collègues de travail des représentants du ministère public, sont moins portés à la mansuétude que les jurés, par définition « hors-système ».

Chaque système a sa logique interne : une juridiction uniquement composée de magistrats professionnels est (théoriquement) moins influencée par les préjugés des profanes. À l’inverse, un jury populaire est plus en mesure de jeter un regard neuf sur les faits et les constater selon le bon sens ordinaire.

Mais que dire du tribunal français d’assises mixte composé de six jurés citoyens et de trois magistrats? Arithmétiquement, ces derniers ne disposent que de trois voix sur neuf, mais, en pratique, leur influence est disproportionnée car ils peuvent jouer de leur expérience et de leur expertise pour impressionner, sinon même influencer les jurés. Pire, ils peuvent exercer des pressions plus ou moins subtiles sur ces derniers et les intimider.

(On notera à cet égard une sinistre, mais révélatrice, jurisprudence. En 2013, Thierry Allègre, juré dans une affaire de viol sur mineur, dénonça à la presse les manœuvres et pressions des trois magistrats, notamment de la présidente, afin de truquer les délibérations et orienter les jurés vers un vote de culpabilité. Et condamnation il y eut. Comme de juste (si l’on peut dire), M. Allègre fut, en conséquence, lui-même condamné pour violation du secret du délibéré, lequel est total selon la loi, ce qui est tout à fait exact. Cependant, la Cour a alors feint de ne pas comprendre qu’il n’y a alors jamais eu une telle violation : lorsqu’il y a manœuvres illégales de la part d’un magistrat, certes, on ne sort pas de la salle de délibérés, mais… on sort du délibéré. Soutenir le contraire, c’est vouloir couvrir tout ce qui se passe dans cette salle, c’est donner au magistrat l’autorisation illimitée de violer la loi dès qu’il en ferme la porte. Mais que les lanceurs d’alerte se le tiennent pour dit…).

Il est hasardeux de mélanger l’huile et le vinaigre. Le système français est donc un système bâtard où la volonté du peuple français n’est que poudre aux yeux.

Surtout si l’affaire est médiatique.

Quant au procès proprement dit, le rideau s’ouvre avec les « expertises » psychiatriques. Une ânerie impensable en procédure pénale anglo-saxonne. A la rigueur, on peut admettre que les psys expliquent pourquoi l’accusé a pressé sur la détente, mais il faut, logiquement, en premier lieu, établir matériellement si c’est bien son doigt qui a activé la détente! Le problème est que, dans la pratique, les personnes qui se retrouvent devant une juridiction pénale n’ont pas toujours un CV sans tache (n’est pas l’abbé Pierre qui veut, n’est-ce pas?) et une personnalité des plus amènes. Les « constats » forcément hostiles des psys pipent donc, dès le départ, les dés en faveur d’une propension au crime et donc à une conclusion de culpabilité. Il y a forcément « préjugé », dans tous les sens du terme.

Puis, on voit défiler des soi-disant témoins qui viennent faire état de leurs « convictions » et de leurs états d’âme, puisés dans les dires et ouï-dires du cousin de la belle-sœur du neveu de Marcel Gotlib.

En l’espèce, était particulièrement malvenue l’affirmation de la mère de l’accusé portant que son fils ne dirait jamais la vérité, sans qu’elle relate quelque fait brut que ce soit… Quand une mère, étouffée par l’air vicié du prétoire, condamne elle-même sans preuves… la messe est presque dite…

Voici, en vrac, quelques éléments épars qui ressortent du procès Jubillar. Les soi-disant souvenirs d’un enfant qui avait six ans lorsqu’il aurait entendu cinq auparavant une dispute de ses parents le soir en cause (la mémoire est pourtant une faculté qui oublie); les insuffisances de deux gendarmettes, formées et formatées par le maréchal des logis-chef Ludovic Cruchot, et un gendarme qui a assuré, le cœur sur la main, avoir commis une simple erreur de « coupé-collé » en ce qui concerne le bornage du téléphone de l’amant de la disparue… le soir fatal. À noter d’ailleurs l’aplomb de ce dernier avec sa réplique insolente au sujet de l’expertise technique téléphonique des avocats de la défense… Manifestement, il était en territoire ami. Incidemment, il est intéressant de constater que (pas seulement en France!) l’enquêteur exposé à des accusations de mensonge et de falsification de preuve est toujours le premier à proclamer son innocence en invoquant son propre crétinisme.

Cerise empoisonnée sur le gâteau, l’on retient comme fiable le témoignage d’un ex-codétenu! Les membres de la Cour sont manifestement ignorants des histoires d’horreur judiciaire aux États-Unis à ce sujet.

Et comment ne pas citer cette délicieuse perle de l’avocat général Nicolas Ruff :

Un dossier vide parce qu’il manque le corps de Delphine Aussaguel. On se servira de l’absence de ce corps pour créer le doute. Mais dissimuler un corps doit-il faire échapper à toute responsabilité ?

Un bel exemple de raisonnement circulaire où l’on tient pour acquis ce qui, précisément, était à démontrer : la responsabilité de l’accusé.

Mais sur le plan de l’inobservation de la logique aristotélicienne élémentaire, voici une perle encore plus éclatante de noirceur, digne des perles de l’épreuve de philo du bac.

La Cour reproche à Cédric Jubillar son « manque de remords »et le fait qu’il « n’a donné aucune information sur l’endroit où se trouve le corps de son épouse, privant la famille de cette dernière d’un lieu de recueillement »puisqu’il proclame son innocence! Humour noir involontaire. Que les juges rejettent ce plaidoyer, c’est une chose, mais, par définition, on ne peut s’attendre à ce que la personne qui se prétend innocente exprime des remords et donne des renseignements au sujet d’un crime qu’il nie. Et c’est à l’accusé que l’on reproche des incohérences?… Sainte Inquisition, quand tu nous tiens…

Cette seule énormité jette le discrédit sur l’ensemble des conclusions de la Cour : une chaîne n’a que la force du plus faible de ses maillons.

Une certitude incontournable ressort de ce procès : en ce qui concerne la couronne du gendre idéal, il est permis de conjecturer que Cédric Jubillar n’est sans doute pas sur le point de détrôner Michel Drucker.

À ce stade, eût été un élément contextuel instructif le récapitulatif des dépenses engagées dans ce dossier par les forces de l’ordre depuis l’ouverture de l’enquête, par le ministère public et, bien sûr, par les parties civiles (un investissement rentable pour l’instant), complété par leurs prévisions budgétaires pour la procédure d’appel (on n’en est pas encore au pourvoi à la Cour de cass’), que l’on eût pu recenser dans la colonne de gauche.

Et, dans la colonne de droite, eût pu être exposé le trésor de guerre de Cédric Jubillar.

L’acte I est clos. Affaire à suivre en appel, acte II.

PS. Il faut instamment recommander à tous ceux qu’intéresse le parfois hasardeux processus décisionnel des jurés de voir ce chef-d’œuvre du 7ème art américain de 1957, « Twelve angry men » en v.o. (« Douze hommes en colère » en v.f.). Le doute ne tient parfois qu’à un fil…

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