Stanislas Guerini (LREM) : "J’ai tracé une ligne claire"
Sans doute parce que la réalité l’y contraint, le délégué général de La République en Marche dit avancer avec « humilité » vers le second tour des municipales. Stanislas Guerini explique la « cohérence politique » à l’oeuvre dans les alliances et croit toujours que le dépassement des clivages est une solution d’avenir.
Avez-vous déjà fait une croix sur ces municipales ? Certainement pas. Nous sommes les nouveaux entrants d’une élection par nature favorable aux sortants. Nous ne l’avons donc jamais abordée avec triomphalisme. Notre ambition reste donc inchangée : notre enjeu, c’est de nous implanter territorialement et cela prend du temps. J’avais fixé deux objectifs.
Le premier : faire émerger une génération d’élus locaux de La République en Marche. Je visais 10.000 élus municipaux et c’est un objectif que nous réussirons à atteindre. Deuxième ambition : renforcer la majorité présidentielle localement en travaillant avec des maires qui font du bon boulot et viennent de différents bords de l’échiquier politique, de la gauche, de la droite… On a ainsi accompagné et aidé à la réélection de 74 maires dès le premier tour, avec qui nous travaillerons au sein des conseils municipaux ces six prochaines années. C’est une étape majeure de notre implantation territoriale.
Mais cette élection a, il est vrai, conforté les maires sortants. Le contexte particulier a pu jouer. J’ai eu parfois des déceptions de ne pas pouvoir bouger davantage les équilibres installés et l’ordre établi mais il faut savoir le reconnaître et avancer avec humilité. Implanter un mouvement politique localement prend du temps. Cela a pris plus de dix ans au général de Gaulle !
Vous parlez de maires de droite, de gauche… mais c’est surtout à droite que la balance penche dans les dernières alliances, au point de créer des perturbations au sein de LREM… La réalité est beaucoup plus équilibrée. Dans ce scrutin, nous avons accompagné des maires issus aussi bien de la gauche, de la droite que du centre. Je pense à Guy Férez à Auxerre, Gérald Darmanin à Tourcoing, Olivier Carré à Orléans, Nathalie Nieson à Bourg-de-Péage… À Bordeaux et Strasbourg, nos candidats ont fait des alliances avec la droite progressiste que nous soutenons.
Ce n’est pas le cas à Lyon ou à Clermont-Ferrand. J’ai estimé que ces alliances avec la droite conservatrice n’étaient pas conformes à nos valeurs et fait le choix difficile de retirer l’investiture de LREM à ces candidats pour tracer une ligne claire : nos valeurs valent plus qu’un mandat. Cela montre en réalité qu’il y a aujourd’hui, en France, deux droites : l’une européenne, libérale et constructive avec la majorité présidentielle avec laquelle nous travaillons depuis 3 ans et l’autre souverainiste, qui regarde plus à droite qu’au centre et se trouve dans une opposition systématique au gouvernement, avec laquelle nous ne partageons rien.
Il faut voir les élections municipales comme locales, mais aussi garder une cohérence politique en distinguant la droite d’Alain Juppé et celle de Laurent Wauquiez.
Cela vous a valu tout de même un accrochage avec M. Bayrou, qui a peu apprécié votre désaveu public de Gérard Collomb. Avec François Bayrou, on partage l’essentiel. Dans ce moment de crise extrêmement important que nous vivons, pour nos jeunes particulièrement, nous devons nous élever et prendre nos responsabilités. Cela veut dire travailler ensemble sur le fond, sur les idées, consolider la majorité présidentielle, et toujours chercher ce qui nous rassemble. Ce travail-là, rien, aucune divergence locale, aucune tension née au moment des élections, ne pourra l’empêcher. Après, que sur une élection locale il puisse y avoir des choix qui ne soient pas convergents, c’est bien normal et cela ne nous empêchera pas de construire la suite ensemble.
"Avec François Bayrou, on partage l’essentiel". Photo AFP.
Pensez-vous pouvoir réinsuffler l’élan qui avait porté LREM jusqu’à 2017 ? Nous sommes dans un moment particulier où les cartes sont rebattues. Plus que jamais, La République en Marche doit être force de propositions. Particulièrement pour notre jeunesse. J’ai une obsession : c’est que la jeune génération ne soit pas sacrifiée. Nous devons leur proposer un projet de société et assurer un avenir à chacun de nos enfants et petits-enfants. On doit dès à présent se réinventer, comme le président nous a invités à le faire. C’est en positionnant LREM comme le mouvement de l’avenir qu’on continuera à donner du souffle, comme celui qui avait porté Emmanuel Macron en 2017.
Comptez-vous revoir l’organisation interne du mouvement ? J’ai proposé à nos 400.000 adhérents de réformer de fond en comble nos statuts pour donner plus de pouvoir au local et faire place à plus de démocratie interne au sein du mouvement. Notre organisation a été trop verticale jusqu’à présent. Le temps est venu d’insuffler plus d’horizontalité. C’est aussi de cette manière que nous donnerons un deuxième souffle à LREM.
Vous connaissez les tensions actuelles à l’Assemblée entre l’aile gauche et l’aile droite du parti. Vous attendez des signes à gauche pour rééquilibrer ? La question n’est pas celle d’un virage à droite ou à gauche, mais d’être fidèle à notre promesse de dépassement des clivages et de transformation profonde de la vie politique de notre pays. Nos concitoyens attendent de l’efficacité et de la concorde. Je crois délétère l’idée de raisonner en termes de courants. Notre mouvement est beaucoup plus riche que ça.
Transformer la société, mais faut-il le faire de la même manière ? Quid des réformes des retraites ou de l’assurance chômage ? Certaines choses devront être remises en cause, notamment dans la méthode d’action. Il nous faudra agir plus près des territoires, donner plus de place à la concertation… Est-ce que cela veut dire que le fondement des réformes que nous avons portées est caduc ? Je ne le pense pas.
Pour la réforme des retraites par exemple, l’idée d’instaurer un minimum de retraite pour les agriculteurs n’est pas une idée dépassée. Pas plus que d’avoir des dispositifs d’accompagnement à l’emploi renforcés pour ce qui concerne la réforme de l’assurance chômage. Je ne suis pas de ceux qui souhaitent jeter le bébé avec l’eau du bain.
Paris restera un grand regret ? C’est une campagne que nous allons mener jusqu’au bout parce que la voix que nous portons dans ce débat mérite d’être incarnée. Je ne peux pas me résoudre à cette vision clivée de Paris, entre le Paris de l’ouest porté par Rachida Dati et le Paris de l’est porté par Anne Hidalgo.
"C’est une campagne que nous allons mener jusqu’au bout parce que la voix que nous portons dans ce débat mérite d’être incarnée". Photo AFP
Pourriez-vous me donner les contours du corpus idéologique de LREM ? Nous sommes un mouvement progressiste. Nous voulons donner à chacun la possibilité de choisir sa vie et de s’émanciper individuellement grâce à l’éducation, au travail. Mais être progressiste, c’est aussi agir pour être en capacité de maîtriser notre destin collectif et, pour cela, s’engager résolument dans la transition écologique.
Dans cette crise, surgit une forte demande de protection. Cette vision-là peut-elle encore parler ? Elle est plus que jamais d’actualité. Pour penser l’après, il faudra rester fidèles au « libérer et protéger » qui est notre mantra politique depuis 3 ans : soutenir la compétitivité des entreprises, tout en protégeant les plus fragiles.
Il faudra aller encore plus loin pour répondre à la demande de protection et mettre la priorité sur les plus vulnérables. Mais ce serait une erreur d’abandonner la dimension « libérer ».
Il faut continuer à soutenir les entreprises pour créer de l’emploi et relancer l’activité. Elles sont pour moi une part de la solution et pas une part du problème.
Florence Chédotal
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