Avec l'exposition à ciel ouvert de Nicolas Savoye, la piste verte d'Ydes (Cantal) prend des couleurs
La série de dessin est grise, au début, comme la vie des mineurs qui sert de toile de fond au travail de Nicolas Savoye. Rapidement, l’artiste parvient à imposer la couleur dans cette drôle de bande dessinée à lire... à vélo, sur la voie verte d'Ydes, dans le Cantal.
« Va comprendre… » Tutoiement facile, sourire communicatif, contact évident, Nicolas Savoye est un personnage, qui répète cette injonction comme un mantra. Le trentenaire, originaire de la Haute-Loire, expose ses dessins sur la piste verte, entre Parensol (Bassignac) et Verchalles (Vebret), en passant par Ydes. Une série de dessins travaillés, dont le style peut parfois confiner à la lithographie – une évidence, alors que le point de départ de la série se situe dans les mines du secteur.
Piste verte. Aujourd’hui, cette bande cyclable d’une quinzaine de kilomètres traverse la communauté de communes de Sumène-Artense, de Vendes (Bassignac) au sud, à Cheyssac (Vebret), au nord. À moyen terme, Marc Maisonneuve, président de la communauté de communes de Sumène-Artense, espère rallier Bort-les-Orgues : c’est en bonne voie. À long terme, le lien avec Mauriac au sud est un objectif, mais la distance à couvrir est bien plus importante. Enfin, des projets sont en cours pour compléter les trajets à l’intérieur de la communauté de communes, vers Saignes par exemple. La piste verte est accessible à pied, en vélo, en roller ou encore à trottinette, et il est possible de louer des vélos électriques ou des VTT, à Ydes, au niveau du pôle location, derrière le terrain de sport.
Le dessin, pourtant, n’est pas une évidence pour Nicolas Savoye. Son truc, c’est le « bidouillage créatif », aller chercher dans les ordures des pièces pour créer des machines fonctionnelles qui auraient toutes leurs places dans un roman de Jules Verne. Il prend « tout ce qu’on trouve à la poubelle, dans les granges. C’est un univers qui aujourd’hui me permet de gagner ma vie ! Va comprendre le truc… »
Et ses dessins, alors ? Il se marre, franchement. Et souvent.
« C’est tout nouveau pour moi ! Mon truc, c’est faire des tracteurs volants, des machines à chatouilles… »
Ça lui va bien, pourtant. En partant du puits Madeleine, il nous invite sous terre, au départ d’Ydes, au pôle location. Ceux qui le souhaitent peuvent profiter de la première partie ici, avant de filer vers le sud, à Parensol pour avoir la fin. Pour les autres, la conclusion se trouvera au nord, à Verchalles. Dans tous les cas, le public à pied, à vélo ou à trottinette sera invité à descendre sous terre à côté d’un petit personnage tout en rondeur, prêt à faire de grandes découvertes.
La piste des arts. Depuis plusieurs années, la piste verte est mise à contribution pour accueillir des artistes. « Les gens ont toujours du mal à aller dans les musées et les expositions, constate Stéphane Briant, vice-président de la communauté de communes en charge de la culture. La piste verte est très utilisée, donc on la fait en extérieur. » Les œuvres vont rester environ un an, mais l’exposition n’est pas l’unique finalité de la venue de Nicolas Savoye. Ce Géo Trouvetout originaire de Haute-Loire va également partir à la rencontre de huit classes de CE1 sur le territoire, et également des adultes, à travers des rencontres au Cada de Champagnac, ou à la Ressourcerie d’Antignac, par exemple. Ces résidences-mission, financées par la Région et l’État notamment, permettent donc la transmission, ce qui va plutôt bien à Nicolas Savoye, pas avare de paroles : « Plus tu transmets, plus tu précises ce que tu fais. »
La thématique « me plaisait bien, continue Nicolas Savoye. On creuse au fond de quelque chose, de nous-même. Et on se demande ce qu’il se passe quand une pulsion, une impulsion, un traumatisme arrive. »Petit à petit, le personnage va trouver, au fond de la mine, la couleur. La quinzaine de dessins est un support idéal pour les enfants, qui verront là une matière première évidente pour nourrir leur imaginaire. Les parents pourront saisir au passage des références, des grands thèmes, une œuvre qui parle d’espoir, de résilience, de persévérance. Qui évoque la notion de beauté, aussi.
Face au public, réuni pour l’inauguration, l’artiste prend toutes ces suggestions avec un sourire amusé, « je n’ai pas tout mentalisé hein ! Mais vous parvenez à comprendre, cela aurait pu être complètement farfelu… » Il s’arrête un peu, se pose face à la dernière affiche, franchement colorée, conclut lui-même, pensif. « Amener de la couleur et du rêve. C’est ça, ma place, sur terre. » À sa grande surprise, on avait compris. Mais ça va encore mieux en le disant…
Pierre Chambaud