Le cèdre abattu, rue Fernand-Delmas à Brive, symbole du réchauffement climatique
Depuis le pont de la Bouvie, à Brive, les automobilistes pouvaient apercevoir les branches du cèdre du Liban dépasser les toits des maisons et des immeubles. Depuis quelque temps, les branches sont malheureusement privées de leurs épines. Le cèdre du Liban, planté il y a cent ans, n’a pas survécu à la sécheresse.
Lancer l’alerteLes propriétaires du jardin voulaient faire guérir leur cèdre. Pour cela, ils ont appelé l’entreprise ussacoise Garden Coujou, en mai 2020. L’analyse a été sans appel : le cèdre du Liban était mort de sécheresse. « Il n’y a pas de solution. Un arbre peut s’arroser jusqu’à 5 ans mais après, cela demanderait trop de volumes d’eau, ce n’est pas possible », regrette Olivier Chapu, créateur de Garden Coujou.
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Lundi 10 aoûtOlivier Chapu s’est rendu sur les lieux pour la préparation des travaux. La maison des propriétaires est vide. Ils ont préféré partir pendant l’abattage. Nombreux sont les Brivistes, qui attachés à cet arbre historique, ont regretté l’annonce sur les réseaux sociaux de la mort du cèdre. Pour l’entrepreneur, le chantier est délicat : « C’est la première fois que j’abats un arbre aussi vieux et imposant. J’espère que ce sera le dernier ».
J’ai eu du mal à dormir hier, cet abattage me contrarie.
Mardi 11 aoûtJusqu’à la fin de la semaine, la rue Fernand-Delmas est bloquée à la circulation entre 9 heures et 17 heures. L’entreprise demandera aussi à bloquer le boulevard Henri-de-Jouvenel si besoin. Les branches imposantes dépassent largement dans la rue. « Mon objectif c’est d’assurer la sécurité de tous. Surtout qu’on ne sait pas encore à quel point il est sec », décrit Olivier Chapu.
Notre vidéo sur la fin de ce cèdre emblématique
Benoît Lanchais, arboriste grimpeur, perché sur une nacelle de 22 mètres, se rend vite compte que les branches sont très sèches. Elles se cassent à la base. « Il était temps de le couper, ça aurait pu être dangereux » estime Olivier, recouvert de poussière de bois.
Brive vers un climat méditerrannéen ? - Les cèdres, les bouleaux, les charmes ou même les tilleuls argentés… Les arbres classiques des jardins du bassin ne supportent pas les chaleurs estivales avoisinantes, ces derniers temps, les 40 degrés. Affaiblis, ils sont ensuite victimes de nombreux parasites. Selon Olivier Chapu, la sélection faite par la végétation est une preuve du réchauffement climatique. Dans les jardins, ils proposent désormais des sujets résistants à la chaleur : « Il faut arrêter de planter des cèdres ou des bouleaux, ils souffrent trop du manque d’hydrométrie. Maintenant, je plante des lauriers, des cyprès de Provence ou des lilas des Indes ».
Mercredi 12 aoûtLe plus gros du travail est fait, mais la cadence est ralentie par quelques obstacles. « Comme il était impossible de couper l’alimentation du quartier, l’équipe a dû travailler au-dessous puis au-dessus du câble d’alimentation sans l’abîmer », indique Olivier Chapu. Mais le gros du problème se tient dans l’effritement du cèdre. Sur la nacelle, c’est un travail de patience : « Ils ne peuvent couper que des branches de deux mètres maximum, sinon elles risqueraient de casser ». L’abattage du tronc est prévu pour le lendemain, en espérant que l’orage ne vienne pas ralentir ce gigantesque chantier.
Jeudi 13 aoûtMalgré la pluie, Olivier Chapu de Garden Coujou et Benoît Lanchais de l’Arbre en soi sont sur le terrain dès 9 heures. C’est un jour crucial : celui où le tronc principal va tomber. « J’ai eu du mal à dormir hier, ça me contrarie quand même », confie Olivier. À la tronçonneuse, Benoît prépare le terrain. Il attaque l’écorce, gère le treuillage qui va permettre de faire tomber l’arbre, avec une grande concentration. Pendant ce temps, la scierie Estorges est venue récupérer les 50 m³ de bois : « On avait mal calculé le coup, on ne pensait pas qu’il y aurait autant de bois, remarque Benoît, c’est officiel, c’est le plus gros arbre de ma carrière ! »
C’est officiel, c’est le plus gros arbre de ma carrière !
Vers 17 heures, il est temps. Le visage crispé d’Olivier l’indique, les quelques Brivistes venus en spectateurs aussi. Le gigantesque tronc s’affaisse dans un bruit sec, répandant les odeurs de cèdre dans l’air. La fin d’un géant.
Vigilance - Sur les terrains communaux, le constat est le même : la sécheresse a gravement nui aux arbres plantés dans l’espace public. « Bien sûr, on fait beaucoup plus d’abattages qu’avant. Les bouleaux souffrent particulièrement du réchauffement climatique », estime Matthieu Beringuier, gestionnaire de patrimoine arboré de Brive, sans pouvoir chiffrer la situation. Le service espace vert de la mairie travaille à la protection des arbres en paillant le tronc ou en évitant les tailles traumatisantes des branches.
Alizée Dubus
Photos de Frédéric Lherpinière