La municipalité de Neussargues en Pinatelle (Cantal) sous haute tension
La tension monte depuis ces derniers mois à Neusssargues en Pinatelle. Illustration lors du dernier conseil municipal.
Avec 16 points inscrits à l’ordre du jour, et un 17e ajouté avant le début de la séance, sur proposition du maire, Michel Porteneuve, et qui a fait débat, la réunion du conseil municipal de Neussargues en Pinatelle ne s’annonçait ni dense ni bouillonnante. Mais c’était sans compter sur la détermination de l’opposition, menée par Ghyslaine Pradel, à obtenir des informations et des explications du maire quant à l’invalidité de la procuration de l’une des élues, lors du précédent conseil, le 10 avril.
ProcurationVoté avec 11 voix pour et 11 voix contre, celle du maire étant prépondérante en cas d’égalité, le budget de l’eau de la commune de Neussargues en Pinatelle avait été approuvé lors du dernier conseil municipal. Si la procuration de l’élue avait été validée, elle aurait pu infléchir le vote. Un détail qui n’en est pas un, dans un contexte de relations tendues, car la voix de cette conseillère aurait peut-être pu radicalement changer la donne.
Lorsque Michel Porteneuve a souhaité participer à la vie municipale de la commune de Neussargues en Pinatelle en 2020, en se présentant comme tête de liste sur la « deuxième » liste, « car lorsque j’avais proposé à Ghyslaine Pradel de m’investir avec elle, elle m’avait répondu “on n’a pas besoin de vous” », assure-t-il, c’était une décision « très réfléchie » avec « un vrai projet ». Michel Porteneuve a remporté l’élection avec 51,56 % des voix soit 18 sièges, contre 48,43% pour la liste de la maire sortante qui a ainsi obtenu 5 sièges (Franck Panafieu, Aline Chanson, Christophe Colle et Valérie Ginhac). Aujourd’hui, parmi ses « fidèles », comme il les appelle, trois d’entre eux ont officiellement rejoint l’opposition (Djuwan Armandet, à qui il avait confié la délégation de maire de Chalinargues, Corine Charbonnier et Marie-Ange Charbonnier). Mais, sur certains votes, commme le budget de l’eau, cette majorité s’amoindrit encore.
Ainsi, avant de voter le procès-verbal de ce dernier conseil, Michel Porteneuve a dû s’expliquer :
La procuration a été envoyée sur la boîte mail du secrétariat le vendredi à 12?h?51 pour un conseil qui se tenait le lendemain matin à 10 heures. Or, la secrétaire générale ne travaille pas le vendredi après-midi et arrête à midi. N’ayant pas accès à la boîte mail du secrétariat, je n’ai pas pu prendre connaissance de cette procuration. Je l’ai donc comptée comme absente.
Mais cette explication n’a pas convaincu Ghyslaine Pradel, assurant que lorsqu’elle était maire, elle « avait accès à toutes les boîtes mails. » Elle s’étonnait de « ce défaut de fonctionnement ». Djuwan Armandet faisait, quant à elle, remarquer que lors du conseil municipal du 27 novembre, une procuration confirmée par sms avait été acceptée.
« Erreur » ou « faux » ?Et Michel Porteneuve d’apporter également des éclaircissements sur les procès-verbaux de ce même conseil du 10 avril qu’il avoue « avoir oublié de faire signer » à l’issue de la séance. « C’est une erreur de ma part, une erreur de débutant », assurait le maire, qui expliquait avoir recontacté dès le lendemain tous les élus pour leur faire signer les documents à postériori. Ce qu’auraient refusé 7 membres de l’opposition (sur 8), qui ont alors saisi la Préfecture, qui a ce jour n’a pas statué sur la question.« Mais est-ce que les signatures correspondent bien aux personnes identifiées?? », avait interrogé Franck Panafieu quelques jours après lors « d’un échange vif dans mon bureau », précisait le maire. L’élu d’opposition, qui assumait aussi par ailleurs « l’erreur » de ne pas avoir pensé à faire signer les PV, faisant allusion à la signature de l’un des conseillers municipaux de la majorité qui aurait été apposée par son épouse et non par lui-même. Ce que ne contestait pas Michel Porteneuve expliquant que ce dit conseiller « était dans les champs, trop loin pour revenir. Lorsque sa femme l’a appelé, elle a mis le téléphone sur haut-parleur et il a demandé qu’elle signe à sa place. Nous étions trois adultes consentants à ce moment-là », justifiait-il. « Ce n’est pas possible que vous puissiez faire ça?! C’est un faux. C’est très grave », clamait Ghyslaine Pradel. Et Franck Panafieu d’ajouter : « On ira au tribunal ! ».
Quel avenir pour la commune nouvelle ? « La commune nouvelle n’a jamais été structurée, au niveau administratif et des services techniques ». Face à ce constat, Michel Porteneuve réfléchit à deux options : « soit restructurer la commune en faisant des réformes en profondeur, car actuellement il y a 7 personnes aux services techniques et 5 agents administratifs pour toute la commune, alors que pour des villes comme Massiac ou Murat, ils sont 11 aux services techniques et 5 à l’admnistratif et sur le même pôle. Soit, poursuit-il, je fais craquer la nouvelle commune et on revient comme avant ».
« J’ai essayé de faire de mon mieux, répondait Michel Porteneuve. Je n’imaginais pas une seule seconde que je n’avais pas le droit de faire ça. Vous avez écrit un courrier à la Préfecture, et on n’a pas de réponse, mais est-ce que la vie s’arrête pour autant ? Moi, je veux continuer de travailler pour la commune. Je suis de bonne foi, bon sang ! Je sais parfaitement l’ambiance qu’il y a dans ce conseil, je sais que je suis l’homme à abattre… ». Car depuis les dernières élections, frictions, rumeurs et errements sont le lot quotidien de la vie à Neussargues.
« Tant que je peux tenir, je tiendrai, contre vents et marées »Face à la tension qui règne au sein du conseil municipal, depuis la dernière élection, et « qui va crescendo », Michel Porteneuve s’avoue « déçu » de la situation. Michel Porteneuve s'avoue "déçu" et "trahi".
A quel moment la situation s’est-elle détériorée ?Très rapidement. Déjà lors de la passation, c’était très tendu. Après, c’est allé crescendo.
Comment l’expliquez-vous ? Je pensais qu’on serait une équipe soudée, y compris avec l’opposition. Je pensais marier tout le monde et qu’on travaillerait dans le même esprit. Quand j’ai créé les commissions, je souhaitais intégrer l’opposition pour l’intérêt général. J’ai été mal conseillé au départ, par quelqu’un de ma liste.
Envisagez-vous de démissionner ? Non, et tous les gens qui me soutiennent me disent de tenir le coup. Tant que je peux tenir, je tiendrai, contre vents et marées. Je sais que le but c’est de me faire craquer, mais mon souhait c’est de continuer à œuvrer pour la grande commune de Neussargues en Pinatelle pour réunir les cinq villages, ce qui n’était pas le cas avant. Ce qui est décevant, c’est le renoncement et la trahison de certains fidèles de mon équipe [3 d’entre eux ont rejoint l’opposition, ndlr] dans le projet commun pour lequel ils avaient donné leur adhésion. La cohésion totale de ma liste n’est plus, ce qui empêche le bon fonctionnement de notre mission et le ralentissement des projets. Je suis devenu la cible de dénonciations calomnieuses et ignominieuses.Nous avons dû reprendre des travaux de l’ancien mandat qui n’étaient pas conformes, comme la traversée de Sainte-Anastasie, la place de Neussargues, des factures impayées… C’est facile de critiquer mais ils [l’opposition, ndlr] feraient mieux de balayer devant leur porte.
Comment voyez-vous l’avenir, dans un tel contexte, alors qu’il vous reste encore cinq ans ? Ça devient très difficile. On va tous au conseil municipal la boule au ventre. Il y a une pression constante sur le maire, qui empêche d’avancer et au détriment de l’intérêt général et de pourquoi je me suis investi dans cette commune. L’énergie dépensée par l’opposition qui exige l’excellence alors qu’elle n’a pas non plus été exemplaire occulte les manques au cours de leur mandat.Alors, pour l’avenir, je vais prendre des décisions fortes.
Que répondez-vous à ceux qui vous taxent de vouloir faire plaisir à Nathalie Petelet, votre première adjointe, quant à l’exploitation de la carrière de Sainte-Anastasie ? J’en ai marre d’entendre dire qu’il y a du favoritisme. C’est uniquement dans l’intérêt général.Face à la demande d’un chef d’entreprise qui veut réactiver cette ancienne carrière pour pérenniser son entreprise, et dont le contrat de foretage rapporterait en plus la somme conséquente d’environ 25.000 € annuellement à la commune, je suis pour. Hormis ça, c’est un vrai intérêt économique, pas que pour Neussargues. J’ai suivi la procédure que m’ont indiquée les services de l’État de communaliser un bien de section dans l’intérêt général [la délibération prise en conseil municipal du 27 janvier a été adoptée avec 11 abstentions, 3 contre et 8 pour].
Propos recueillis par Isabelle Barnérias