Journée Back to Export : la décarbonation, sujet numéro 1 de la sortie de crise
Plus que la digitalisation, c’est la décarbonation qui ressort comme sujet de préoccupation Numéro 1 des chefs d’entreprises dans cette période de sortie de crise au vu des échanges entendus lors de la journée Back to export, organisée le 29 juin par Stratexio, l’Osci et Medef International et qui a été suivie par plus de 700 personnes en visioconférence.
Frédéric Sanchez, lors de la table ronde d’ouverture, a bien résumé l’état d’esprit actuel d’une partie des milieux d’affaires français en cette période de sortie de crise sanitaire : « Nous le télétravail, on y travaille depuis 10 ans, a expliqué celui qui préside Medef International et dirige le groupe Five. Le basculement a été rapide, les entreprises s’y sont mises ». Si la digitalisation s’est accélérée avec la crise sanitaire, en revanche, « ce qui est nouveau, c’est la décarbonation ».
« Un sacré challenge pour le capitalisme »
Ce thème de la décarbonation de l’activité économique, liée aux enjeux climatiques et environnementaux, est devenu d’autant plus dominant dans les enjeux du commerce international que les marchés sont de plus en plus demandeurs de produits et de services décarbonés et que les réglementations dans ce domaine se durcissent, notamment dans l’Union européenne (UE).
Tous les secteurs de l’industrie et des services sont concernés, producteurs, fournisseurs, transporteurs… obligeant à trouver des solutions nouvelles.
Marc Boissonnet, Executive Vice-president Corporate&External Affairs de Bureau Véritas, société de contrôle et de certification très présente à l’international, l’a confirmé : « tout ce qui est lié à la décarbonation a ouvert chez nous un nouveau champ d’opportunités en matière d’étude, de test, de contrôles etc. » a-t-il indiqué lors d’une autre table-ronde. De quoi compenser la chute de l’activité dans le secteur pétrolier, où les nouveaux investissements se raréfient.
« C’est un sacré challenge pour le capitalisme » a estimé Geoffroy Roux de Bézieux. « Les solutions existent, mais elles sont plus chères » a également observé le président du Medef. Cela va obliger les entreprises à trouver des moyens de financer les investissements nécessaires et de répercuter ces coûts dans les prix. Ce qui pose évidemment le problème du « level playing field », de la concurrence potentiellement déloyale avec des entreprises venues de pays moins regardants sur les questions de décarbonation.
Ajustement carbone aux frontières : une priorité de la présidence française de l’UE
Franck Riester, le ministre en charge du Commerce extérieur, présent à cette table-ronde, a été interpellé sur les réponses apportées par le gouvernement mais aussi par Bruxelles, qui a mis en chantier un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, surnommé « taxe carbone aux frontières », dont Le Moci a suivi certaines étapes.
Concernant le financement, il a rappelé que tout autant la numérisation que la décarbonation « sont au cœur du plan de relance », constituant des critères pour orienter les fonds vers des programmes et des projets plus « verts », notamment les 40 milliards d’euros obtenus dans le cadre du plan européen. « Rapprochez-vous des préfets » a-t-il lancé aux chefs d’entreprises qui assistaient à cette séquence en visioconférence.
Au niveau de l’UE, il a rappelé que le respect de l’Accord de Paris sur le Climat faisait désormais l’objet d’une clause spécifique dans les accords commerciaux négociés par la Commission européenne. En outre, elle s’est dotée d’un instrument autonome pour lutter contre certains phénomènes tels que la déforestation. Enfin, elle a mis en chantier le « mécanisme compliqué mais essentiel » d’ajustement carbone aux frontières.
Ce dernier, qui fait l’objet depuis plusieurs mois d’un long processus de consultation entre la Commission, le Parlement européen et le Conseil, est suivi avec beaucoup d’attention par les milieux d’affaires européens dont certains sont encore sceptiques. Franck Riester a profité de cette tribune pour faire un point sur le calendrier.
Mi-juillet, la Commission européenne va présenter sa première proposition. Avec deux défis à relever : « comment ça marche pour les exportateurs » et « comment fait-on pour le mettre en place en bonne entente avec nos partenaires commerciaux et dans le respect des règles de l’OMC ». Ce sera, d’après le ministre, « un des sujets de la présidence française de l’Union européenne au premier semestre 2022 ».
Pour les exportateurs européens, a précisé le ministre, il s’agira « de parvenir à neutraliser la hausse du coût des importations ». Quant aux partenaires commerciaux, il faudra les convaincre qu’il s’agit « d’un outil qui vient nous protéger des fuites de carbone », autrement dit des émissions produites à l’étranger par les fournisseurs de l’UE, et non pas d’une mesure de protectionnisme.
Un moteur de la re-régionalisation des chaînes de valeur
Le nouveau mécanisme suscite encore bien des questions au sein des milieux d’affaires. Si de nombreuses normes sont en cours d’élaboration dans ce domaine, notamment pour évaluer l’impact environnemental de chaque entreprise, et que la taxonomie européenne en matière de projets « verts » est en chantier, quid des entreprises hors de l’UE ? « Comment évaluer le score carbone des usines étrangères, y compris le transport des marchandises ? » s’est interrogé le président du Medef.
Une chose semble faire consensus au sein du patronat : cette décarbonation de plus en plus impérative pourrait être le vrai moteur non pas de la « démondialisation » mais de la « re-régionalistion » des chaîne de valeur, et donc des échanges commerciaux internationaux, avec la relocalisation d’usines à proximité des marchés consommateurs.
« Les grands groupes sont déjà à fond dans cette transition » a indiqué Frédéric Sanchez. « C’est un changement dans le commerce international qui est assez structurant » a estimé pour sa part Geoffroy Roux de Bézieux.
A suivre…
Christine Gilguy
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