À Ayen (Corrèze), pour la réfection du village de vacances, la mairie cherche à boucler le budget de 5M €
De belles vacances sur un site avec un panorama à couper le souffle, au sein d’un territoire proposant de nombreuses animations pour les familles. Pendant 50 ans, ces atouts faisaient l’attractivité du village de vacances d’Ayen, propriété de la commune de 708 habitants. Mais aujourd’hui, la structure gérée par VVF est arrivée au bout de l’exploitation.
Il faut tout démolir et reconstruire« Ce village baigne dans son jus et mérite une bonne rénovation. Mais ceci est largement compensé par son équipe. » Cet avis d’un des vacanciers de l’année dernière illustre parfaitement la problématique.« Il faut tout démolir et reconstruire. On peut, à la limite, réhabiliter le pavillon central, avec le restaurant, le bar et les salles d’animations. Il y aurait quand même beaucoup de travaux à faire en termes de menuiseries, de couverture ou de changement de matériel dans la cuisine », explique la directrice Karine Decoudre. S’y ajoute la réfection des infrastructures de sport (terrains et piscine) complètement obsolètes. « Avant, le village proposait 352 lits dans 72 bungalows. Depuis trois ans, j’ai été obligée d’en fermer quinze pour fuites de toitures, infiltrations, moisissures et insalubrité, détaille la directrice. On pouvait difficilement aller plus loin dans l’exploitation. »
En trois ans, la directrice Karine Decoudre a dû fermer 15 bungalows, dont celui sur la photo, pour fuites de toiture ou infiltrations.
Un opérateur historiqueJusqu’alors, un bail emphytéotique de 25 ans liait la mairie à l’opérateur touristique VVF, avec le remboursement, par ce dernier, sous forme de loyer, des crédits contractés par la commune pour la rénovation du site. Ainsi, ces travaux ne coûtaient pas un centime à la mairie. « Il n’y a jamais eu d’arrêt d’investissements par la municipalité dans le village de vacances, souligne la maire Hélène Lacroix. La dernière restructuration date de 2009 et elle a coûté près de 2 millions. L’emprunt qui courait pour cette restructuration arrivait à échéance en juin 2019. Ce n’était qu’à partir de là qu’on pouvait envisager de faire des travaux. »
La donne a changéMais, pour le grand chantier qui se profile, la donne a changé. « La commune ne pouvait pas investir 5 millions seule, explique la maire. En 2019, VVF n’a pas répondu à l’appel à candidature à manifestation d’intérêt, parce qu’il ne souhaitait pas investir. Il ne pouvait pas non plus rembourser un montant de loyer égal à un investissement de 5 millions. »Actuellement, la commune, avec l’appui logistique de l’Agglo de Brive, est en négociation avec un potentiel repreneur du site, « un opérateur touristique reconnu nationalement ». Ce dernier est prêt à investir 2,5 millions. Pour compléter le budget, la mairie est à la recherche de financements auprès de l’Agglo, du Département, de la Région et de l’État.
Hélène Lacroix, maire d'Ayen, Photo Stéphanie Para.« On a des réunions régulières avec l’ensemble de nos partenaires. C’est en bonne voie »
« Le montant des loyers pour rembourser les 2,5 millions d’investissements publics reste à définir avec le nouvel opérateur. Un protocole pourrait être signé très bientôt, car il ne manque plus grand-chose », explique un fin connaisseur du dossier. « Comme VVF gère déjà deux villages en Corrèze, à Collonges-la-Rouge et Eygurande, il y avait une volonté évidente de leur part de ne pas garder celui d’Ayen. »
Un village ouvert sur le territoirePaul Reynal était maire d’Ayen de 1995 à 2014, mais aussi le président national de l’association VVF villages de 2007 à 2017.« Depuis la création du village de vacances d’Ayen, le village était géré par VAL, puis par VVF », raconte-t-il. Les vacances selon VVF ne se passaient jamais uniquement au sein du village. « On avait un contrat moral selon lequel VVF ouvrait totalement le village sur le territoire, confirme l’ancien maire. Un principe totalement inverse à celui du Club Med, par exemple, où tout le business se fait à l’intérieur du village. »Paul Reynal s’en souvient : « Des retombées économiques sur un territoire de 20 km à la ronde s’élevaient à environ 60 % du chiffre d’affaires du village. Pour Ayen, c’était le plus gros employeur de la commune. »
"À l’époque où j’étais maire et président de VVF, lors d’une saison pleine, on faisait au village de vacances d’Ayen 1,2 million d'euros de chiffre d’affaires. On tournait autour de 27.000 à 28.000 nuitées par an."
Un projet de reconstruction ajourné depuis 2014Gérard Forini, ancien responsable technique de VVF villages, a dirigé la rénovation d’une trentaine de villages de vacances, dont celui de Collonges-la-Rouge pour environ 3,5 M €. « En 2014, il y avait un gros projet de rénovation au village VVF d’Ayen, se souvient-il. Ça fait sept ans que ça traîne. À l’époque, on chiffrait les travaux, incluant une extension, à 4 millions. Au départ, le budget était de 2,7 millions pour remplacer les bungalows existants. »
Pourquoi ce chantier n’a pas été engagé en 2014 ? « C’est un partenariat, où il faut être sur la même portée musicale pour avancer. S’il n’y a pas de confiance, ça ne fonctionne plus, répond Gérard Forini. À l’époque, la mairie m'a demandé de faire de la médiation avec VVF et VVF m’avait demandé de faciliter les choses avec Ayen. Mais, j’ai refusé. »
Paul Reynal va encore plus loin : « Après mon départ de la mairie et de la présidence de l’association VVF, la nouvelle équipe municipale a commencé à accuser ses dirigeants de faire des bénéfices occultes. Ils se sont fâchés avec les directeurs successifs […] Mon intervention est quasi nulle, parce qu’à chaque fois que je discute avec les élus, ils ont l’impression que je les roule dans la farine et que je travaille pour VVF. »
L'ancien maire continue : « Ça fait 7 ans que la rénovation devait avoir lieu. Pour rénover un village, il y avait des aides de l’Europe, du FISAC, de l’ANCV, de la Région et du Département. On arrivait à avoir entre 60 et 70 % d’aides pour les travaux. Le restant amorti sur 12 ans, c’était de la rigolade. »
Un bel été au VVF Les Chaumonts
Le village de vacances bénéficie d'un panorama magnifique
Et les employés dans tout ça ?La directrice du village de vacances d’Ayen, Karine Decoudre, dirige la structure pour un dernier été sous la bannière de l’Association parapublique de tourisme VVF villages, dont le bail se termine le 30 septembre.
« J’ai vingt salariés (*) à gérer qui s’inquiètent de leur avenir professionnel, parce que là, on est à trois mois de la date fatidique. Aujourd’hui, je ne sais pas quoi leur répondre. »
Trois hypothèses Eté au village de vacances d'Ayen, les vacanciers seront détendus, mais les employés beaucoup moins.Quel avenir pour les employés du village de vacances ? « Nous avons rencontré nos dirigeants qui nous ont expliqué les trois hypothèses possibles, détaille la directrice. Nos contrats seront repris aux conditions actuelles, si un éventuel repreneur se présente. La 2e hypothèse est d’être reclassés sur un autre site, mais 95 % de l’équipe n’est pas mobile et on n’a pas de clause de mobilité géographique dans nos contrats, y compris moi-même et mon conjoint. »Enfin, « si ces 2 possibilités ne fonctionnent pas, ce sera le licenciement économique, effectif dès le 15 septembre ».
"On recommence la bamboche", l'Office de tourisme de Brive a concocté un été riche en animations
Les employés ont appris que les négociations étaient engagées avec un repreneur. « C’est une bonne nouvelle pour nous, s’il y a une reprise de contrats derrière », constate Karine Decoudre. En attendant, l’incertitude demeure. « J’essaye de motiver les troupes pour la saison estivale. Je garde un discours positif. Mais dire aux salariés, le 15 septembre, quelle sera leur fin de contrat le 30 septembre, je trouve ça un peu limite », conclut la directrice du village de vacances.
(*) Sur une vingtaine de salariés, le village emploie notamment 2 CDI et 8 titulaires qui font des saisons de 6 à 7 mois et qui sont à 100 % des locaux.
Dragan PEROVIC