1.070 km à vélo entre Namur (Belgique) et Brive pour honorer la mémoire de son "papy" et une amitié de 81 ans
« Il est vraiment phénoménal » ont chanté ses amis brivistes en l’accueillant ce dimanche 4 juillet après-midi, après un périple à vélo de deux semaines. À 40 ans, le Belge Daniel Crappe, infirmier en soins intensifs, vient de rendre le plus beau des hommages à son grand-père Edgard, disparu en 2000, en reliant les 1.070 km séparant Fernelmont (Namur) en Belgique au quartier briviste Fadat. Lors de l’exode de 1940, ses arrière-grands-parents et son grand-père paternel Edgard se sont retrouvés dans la cité gaillarde, où la famille Boscournut les a accueillis et leur a trouvé un toit. Ils y resteront trois mois, avant de retourner en Belgique.
Les retrouvailles en 1969Ses amis Brivistes de Fadat, ont accueilli Daniel Crappe comme un héros du Tour de France.Edgard Crappe est revenu à Fadat en 1969, avec ses enfants et a retrouvé la famille Boscournut. Depuis, une amitié forte se transmet de génération en génération et chaque année ou presque, les Belges descendent à Brive pour voir leurs amis et séjournent au lac de Seilhac pour des vacances corréziennes.
« En 1940, c’est mon père Marcel qui a trouvé les Belges au fond du chemin de Fadat, raconte Éric Boscournut. Il a convaincu la famille Pouch de les accueillir. Quand j’ai appris quel était le projet de Daniel, comme je fais de la course à pied longue distance, je me suis représenté tout de suite ce que ça pouvait être. C’est juste énorme de le faire en cyclotourisme, avec un vélo aussi chargé et une météo aussi défavorable. »
Un symbole fortVenu spécialement de Belgique, le père de Daniel Crappe, Michel, lui a remis la petite valise que "papy" portait pendant l'exode en 1940.Le dimanche 4 juillet, à l’arrivée de son fils à Fadat, Michel Crappe, venu spécialement de Belgique, lui a remis la petite valise que « papy » portait pendant l’exode. Ce patrimoine familial à valeur sentimentale inestimable contient notamment un petit pot de moutarde de Brive acheté en 1940. « J’ai gardé cette valise depuis la mort de mon père en 2000 », raconte Michel. Sur son maillot jaune, une inscription résume parfaitement la démarche de Daniel : « Le Fadat à vélo, 80 ans d’amitié ». Fatigué et ému à l’arrivée, mais la joie immense de celui qui a réalisé son rêve. « J’avais oublié à quel point la Corrèze est vallonnée. Hier, c’était dur, aujourd’hui il a fallu compter sur le mental pour y arriver. »
Sur 14 jours, 10 jours de pluie Une photo plastifiée de son grand-père entouré de ses amis de Brive a accompagné Daniel pendant son périple.Daniel Crappe n’a pas été épargné par les éléments. « Sur les deux semaines, j’ai eu dix jours bien arrosés. Le pire, c’était le 2e jour dans le Nord de la France, à 20 km de la ville de Guise. La rivière Oise était sortie de son lit après les orages, il y avait des arbres par terre et des coulées de boue partout. En arrivant sur la Loire, je ne l’ai jamais vue aussi haute, fin juin-début juillet. » Au cours de son périple, Daniel a aussi franchi son Everest : le plateau de Millevaches. « J’ai essayé de m’entraîner dans les cols à la maison, mais ça n’a jamais été aussi difficile. La véloroute entre la Creuse et la Corrèze, ça pique les jambes. »
Un voyage "pèlerinage"L’infirmier belge vient de faire 1.070 km à vélo. Pourtant, il n’a jamais été très sportif. « Initialement, mon projet devait se faire l’année dernière, mais un gros coup de Covid m’en a empêché. J’ai commencé mes préparatifs il y a 27 mois et je partais de zéro. Le premier jour, j’avais fait 10 km et tout allait bien et le deuxième, après 10 km avec ma fille sur le porte-bagage, j’étais mort de fatigue. » Entre la Belgique et la Corrèze, son voyage a été aussi un pèlerinage.
« J’ai pleuré quand j’ai passé la Loire et aussi quand j’ai traversé l’une des nationales que mon grand-père a prises pour arriver ici. Pour finir, j’ai pleuré hier, en rentrant dans le département. Il pleuvait, j’avais mal aux jambes, mais j’étais si près du but. »
Daniel Crappe a emporté avec lui une photo plastifiée de son grand-père, avec notamment Marguerite et Marcel, « sa sœur et son frère de guerre » corréziens. « J’avais envie de partir avec. Je ne sais pas si ça m’a aidé, mais ça m’a rendu très fier à l’arrivée. La première fois que je suis arrivé à Brive, c’était en 1984, j’avais 3 ans. Je trouve cette histoire et cette capacité de garder des contacts très belles. »
Texte : Dragan PEROVIC; Photos : Stéphanie PARA