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Июль
2021

Amours 2.0 et incivilités affectives : Judith Duportail revendique le droit à la douceur

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Où en êtes-vous de votre « dating fatigue » ?

L’idée générale répandue aujourd’hui est qu’il n’a jamais été aussi simple de rencontrer des dizaines de personnes différentes. Quiconque a déjà utilisé Tinder sent au fond de son cœur combien cette affirmation est fausse. Les applications menacent notre rapport à l’autre en nous plaçant dans une posture de client. C’est un mouvement qui s’étend à l’ensemble de la société : chaque jour nous sommes amenés à noter une personne ou évaluer sa prestation professionnelle. Les applications de rencontre créent les mêmes attentes dans les relations intimes. Certaines ont même déjà mis en place un système de notation à l’issue du premier rendez-vous.

Si bien que la sincérité devient une denrée rare sur les applications et au sein des rendez-vous qui en découlent. Chacun s’épuise à porter la version Instagram de soi-même.

C’est faux de dire qu’il n’a jamais été aussi simple de rencontrer des centaines de personnes : il n’a jamais été aussi simple d’enchaîner les présentations de soi en mode VRP de sa propre âme et d’entendre celles des autres. Une rencontre, c’est autre chose. Moi, je dirais que je suis sortie de ma Dating Fatigue car je refuse de porter une seconde de plus la version Instagram de moi-même.

Pouvez-vous m’expliquer ce que sont les  incivilités amoureuses de l’ère Tinder ?

J’emploie dans mon livre le terme « incivilité affective » pour nommer toutes les cruautés désinvoltes que chacun s’autorise dans le cadre de la séduction et des relations aujourd’hui. Il en existe des dizaines et à chaque fois les Américains trouvent un néologisme pour les qualifier : le ghosting, qui consiste à disparaître sans donner aucune explication, l’orbiting, qui consiste à rester dans le giron d’une personne sans jamais trop s’en approcher, en likant les stories, envoyant des émojis, des petits messages, mais sans jamais se voir ou faire de plan concret, le breadcrumbing, qui consiste à accorder à l’autre juste assez d’attention pour qu’il reste accroché, mais pas assez pour qu’une histoire commence.

Ces termes peuvent paraître amusants, mais ils trahissent la brutalité des rapports humains dans nos relations les plus intimes.

Avec mon livre, je veux dire à toutes et tous que nous ne sommes pas obligés d’accepter cette brutalité, que nous pouvons revendiquer de la douceur.

La chair, en 2021, est-elle triste ?

Je n’aime pas trop l’emploi de ce mot, “la chair”, qui pour moi évoque un sentiment que beaucoup ont connu sur les applications de rencontre, d’être un morceau de viande. Je crois qu’en 2021, justement, chacun aimerait être autre chose qu’une partie de “la chair” et dépasser ce clivage artificiel entre émotions et sexualité.

Après votre année d’abstinence, quelles leçons avez-vous acquises, qu’est-ce qui ne sera plus comme avant ? Vous évoquez notamment cette victoire finale face au consentement.

J’ai commencé Dating Fatigue en me demandant comment rencontrer un autre, un mec, et finalement je me suis affirmée moi. Je raconte dans un des derniers chapitres une rencontre avec un certain Rodrigo, avec qui je voulais passer la nuit mais avec qui je me suis sentie extrêmement mal une fois dans son lit.

Quand je lui explique que je ne me sens pas bien et que j’ai changé d’avis sur la suite des évènements, la situation dérape et il tente de me forcer la main.

Je ne sais pas combien de ratés sexuels se transforment en situation de violence car nous sommes incapables de parler de sexualité calmement. Là, en plus de tenter de me forcer la main, quand je le lui fais remarquer, cet homme m’accuse de me « faire des films ». S’il avait accueilli ma parole et reconnu son erreur, cet événement ne m’aurait pas traumatisée. Mais la combinaison des deux évènements blesse encore plus profondément : en plus d’être brutalisée, notre propre perception du réel est questionnée. Ce que j’ai appris en réfléchissant sur l’amour et en écrivant Dating Fatigue, c’est à ne plus douter de ma version des faits. Si je me sens mal, c’est qu’il y a un souci, point.

 

 

— C l’hebdo (@clhebdo5) May 22, 2021

La peur du viol chez une femme rend-elle les relations amoureuses homme/femme de facto inégalitaire ?

 

Oui. La peur du viol et d’un certain déshonneur. Même si l’on n'y pense pas tout le temps, et heureusement, il reste en nous, même un quart de seconde, même inconsciemment, quand on est une femme et qu’on rencontre un homme, un léger doute. Surtout dans les contextes de drague en ligne ou de rencontres éphémères, où l’on ne connaît pas encore très bien les gens.

Est-ce qu’il va s’arrêter si je dis non à ça ou ça ? Est-ce qu’il va mal parler de moi ou me mépriser, après ? Je raconte dans Dating Fatigue prendre conscience du poids de ces questions lors d’une expérience homosexuelle.

Je suis une femme dans sa chambre quelques secondes après l’avoir rencontrée, et je réalise combien il est beau et joyeux de ne pas avoir à se poser ces questions ! Un monde féministe serait bien plus libre sexuellement.

Les hommes ressentent-ils la même pression face aux attentes de l’autre ?

Je ne saurai jamais exactement ce que ressent un homme, mais je pense qu’ils ressentent la même intensité de pression, mais pas aux mêmes endroits. De leur côté, la pression de la performance est immense : il faut assurer, tenir le coup, satisfaire. C’est pour cela que le féminisme est bénéfique aux hommes aussi, il s’agit de les libérer eux aussi de ce poids-là. 

Comment apprendre à ne plus s'enfermer dans le désir de l'autre ? Eduque-t-on mal les filles ?

Filles comme garçons sont, ou du moins ont été, terriblement mal éduqués. On apprend aux filles à plaire et aux garçons à prendre.

L’éducation sexuelle qu’a reçue ma génération est un scandale. Nous avons été d’un côté terrorisés par la menace du sida ou d’une grossesse qu’on nous agitait comme un épouvantail et de l’autre traumatisés le visionnage d’images porno beaucoup, beaucoup trop jeunes.

De tout cela il ne ressort que de la peur et de la violence. Il y a urgence à enseigner le consentement aux jeunes filles et aux jeunes garçons. Et aussi à leur présenter une vision belle, joyeuse et positive de la sexualité ! Tout n’est pas que porno ou IVG ! Dans les bonnes conditions, la sexualité est l’une des expériences les plus magique de notre existence.

Draguer dans la vraie vie, ça change quoi ?

Ça ne change rien. Il ne faut pas croire que les réalités décrites sur les applications de rencontre appartiennent au monde virtuel et qu’on peut s’en libérer en éteignant son téléphone. Nous expérimentons collectivement une crise du lien : le ghosting, par exemple, ne se limite pas aux échanges de séduction. Combien sommes-nous à n’avoir plus jamais eu de nouvelles d’un employeur potentiel ? Combien de fois a-t-on entendu l’histoire d’un patron trop lâche pour annoncer des licenciements ? Tous les mouvements de la société se répondent et se nourrissent.

 Est-ce que l'amour, à l'ère des applis de rencontres, se solde toujours par une insatisfaction, au regard du champ des possibles ?

Florence Chédotal

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Judith Duportail est l'auteure de L' Amour sous algorithmes (La Goutte d'Or, 2019), de Dating Fatigue/Amours et solitudes dans les années (20)20 (Editions de l'Observatoire, 2021) et du podcast "Qui est Miss Paddle?"




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