Dans "La BéréZina", la journaliste Marylou Magal épluche le phénomène Eric Zemmour : « Il s’est enfermé dans sa bulle cognitive »
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Crédité de 19 % des intentions de vote durant la campagne présidentielle, Eric Zemmour a finalement terminé 4e avec 7 % des voix. Marylou Magal a suivi l’histrion de la politique française et en a tiré "BéréZina" (aux éditions du Rocher), où elle scrute les raisons de cette trajectoire.
« À force de parler, un homme finit par croire à ce qu’il dit. » Dans BéréZina, livre-enquête sur la campagne présidentielle d’Éric Zemmour, la journaliste Marylou Magal fait un clin d’œil à Illusions perdues, le roman de Balzac où le fondateur de Reconquête !, a pioché le nom de sa maison d’édition, Rubempré.
Ironie : l’éditorialiste connaîtra le même destin, fait d’une ascension rapide suivie d’une chute inexorable. « Éric Zemmour s’est enfermé dans une bulle cognitive », explique la journaliste.
Pourquoi avez-vous décidé de publier ce livre ?
« J’ai suivi toute la campagne d’Éric Zemmour pour L’Express. J’ai assisté à la folie médiatique des débuts. Je voulais mettre en lumière cette montée météorique, puis sa chute relative, puisqu’il termine quand même à 7 % des voix, devant LR. Surtout, ce qu’il était intéressant de voir, c’était cette campagne faite de chutes et de rebonds. »
Éric Zemmour « a recentré Le Pen »Une question vient à l’esprit : Éric Zemmour possède une grande culture politique et historique. Mais ne manque-t-il pas de sens politique ?
« C’est l’un des objets principaux du livre : c’est un connaisseur et un analyste du monde politique, il connaît les codes, mais il va quand même commettre des erreurs. Pour moi, sa principale erreur, c’est qu’il a voulu calquer sa vision d’éditorialiste sur la société. »
Ses difficultés à parler de social, d’économie, de pouvoir d’achat sont pointées du doigt...
« Éric Zemmour a une pensée de système. Il a voulu vendre cette vision, très identitaire et civilisationnelle, mais il s’est heurté au réel. Il s’est enfermé dans sa bulle cognitive. »
« Il a doublé le RN par sa droite et ça a rebuté certains électeurs » (Photo : Jean Nicholas Guillo)
Son projet d’union des droites est-il viable ?
« C’est un serpent de mer. Le projet politique d’Éric Zemmour, c’est de réunir les classes populaires et la bourgeoisie patriote. Il veut abattre le cordon sanitaire. Mais si on regarde bien, il a doublé le RN par sa droite et ça a rebuté certains électeurs LR. D’ailleurs, le seul rallié de poids LR, c’est Guillaume Peltier. Au final, ça a plutôt profité à Marine Le Pen. L’union des droites en tant que telle, ça suscite peu d’intérêts au-delà des cercles d’initiés. Dans les faits, le RN le fait déjà au niveau local et ça suscite des réactions très hétéroclites. »
Le principal héritage d’Éric Zemmour n’est-il pas d’avoir brisé le plafond de verre pour l’extrême-droite ?
« On ne peut pas attribuer cela à Éric Zemmour seul. C’est avant tout le fruit de la dédiabolisation et de la professionnalisation entreprise par Marine Le Pen, depuis 2012. Mais ce qui est sûr, c’est que le fait de taper plus fort sur ses sujets de prédilection a recentré Marine Le Pen. En martelant sa thématique sur l’immigration, Éric Zemmour a explosé la fenêtre d’Overton, qui correspond à ce qu’il est possible de dire dans le débat public. »
« Il est trop tôt pour enterrer Éric Zemmour »Dans votre livre, on voit aussi qu’une autre génération, plus jeune, Marion Maréchal, Sarah Knafo, Érik Tégner, Guillaume Peltier, est déjà là. Quel est l’avenir du zemmourisme ?
« Le parti Reconquête ! a de l’argent, des électeurs, des adhérents. Ça doit lui permettre de s’implanter et de se développer. On a vu aussi que ses soutiens sont assez enthousiastes, ce qui a pu contribuer à créer un décalage avec le résultat électoral. L’un des problèmes, c’est que les prochaines élections sont dans deux ans, avec les Européennes. Comment traverser ce tunnel ? D’ici là, on ne sait pas comment va être redessiné le paysage politique. Mais il est trop tôt pour enterrer Éric Zemmour. »
Propos recueillis par Sébastien Dubois